Coronavirus : l'État gonfle de 25 milliards d'euros son soutien à l'économie, en attendant la relance
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Coronavirus : l'État gonfle de 25 milliards d'euros son soutien à l'économie, en attendant la relance

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Et de trois. Bercy a présenté son troisième projet de loi de finances rectificative en quatre mois, pour continuer à adapter les moyens de l’État à la crise du coronavirus. Le credo de ce nouveau budget : tenir bon, avant le rebond. Pour y parvenir, le gouvernement accroît le soutien public à l’économie de 25 milliards d’euros et joue sur deux tableaux : réparer les dégâts du confinement par des mesures fiscales, préserver l’avenir de secteurs clés par des plans ciblés.

Photo : Pandu Agus Wismoyo - Unsplash

Bercy réécrit son budget 2020. Encore. Pour la troisième fois en quatre mois, le ministère de l’Économie et des Finances a dû présenter un nouveau projet de loi de finances rectificative, afin d’adapter les moyens de l’État à la crise sanitaire, économique et sociale, provoquée par le Covid-19.

Un nouveau budget, pour une crise qui dure

Le premier budget modifié, en mars, avait jeté les bases des principaux dispositifs d’aide aux entreprises (mobilisation estimée à 45 milliards d’euros). Le deuxième, en avril, avait fourni des moyens d’action à la puissance publique pour secourir les sociétés les plus fragiles (réévaluation à 111 milliards d’euros). Ce troisième de juin vise à soulager des secteurs entiers, dans la lignée des plans de soutien égrenés ces dernières semaines, pour un effort global désormais estimé à 136 milliards d’euros. Et même 463 milliards, si, comme le ministre de l’Économie Bruno le Maire, on y ajoute la garantie publique apportée par l’État aux prêts bancaires (les fameux PGE).

Surtout, ce nouveau texte entérine l’idée d’une crise longue et profonde. Les dispositifs d’urgence des débuts (chômage partiel, fonds de solidarité) se voient encore renforcés, les mesures fiscales élargies, assouplies ou affinées. Plusieurs dispositions pavent également la voie au déclenchement prochain de nouvelles aides européennes.

Autant d’outils qui ne seront pas de trop pour affronter la récession qui s’annonce. Elle aussi n’a cessé de s’amplifier au fil des budgets rectificatifs : de -8 % en avril, la chute du PIB est désormais annoncée à -11 %. Loin des rêves de croissance de +1,3 % exprimés fin 2019. Une éternité.

Mesures fiscales pour les entreprises éprouvées

Ce troisième projet de loi de finances rectificative a le mérite d’apporter, en matière fiscale, une clarification sur la politique d’exonérations des charges, et quelques nouveautés.

• Exonérations de charges

C’est un sujet très attendu des entreprises, mais sur lequel Bercy a eu tendance à louvoyer au début de la crise. Fallait-il annuler les charges au cas par cas ou par secteurs entiers ? La violence économique du confinement a rapidement fait pencher la balance en faveur de la deuxième option. Mais après les annonces éparses dans les médias, ce budget établit enfin la liste des entreprises concernées par l’annulation de leurs cotisations et contributions sociales patronales. Elles sont de deux sortes, avec, pour point commun, une activité en contact avec le public :

1. Les TPE-PME du tourisme, hôtellerie-restauration, événementiel, sport, culture et transport aérien. Auxquelles s’ajoutent les entreprises dépendantes de ces secteurs, en amont ou en aval (ce que la CPME avait appelé les « secteurs connexes »), à condition qu’ils aient « subi une très forte baisse de leur chiffre d’affaires » (-80 % de CA pendant le confinement, a précisé le gouvernement par communiqué de presse). L’ensemble de ces acteurs pourront bénéficier de l’exonération de leurs charges sur la période d'emploi de février à mai inclus.

2. Les TPE contraintes par arrêté de baisser le rideau pendant l’épidémie. Le gouvernement vise particulièrement, ici, le commerce de détail non-alimentaire. Ces entreprises verront leurs charges annulées sur la période d'emploi de février à avril inclus. Précision importante : celles qui avaient fermé de leur propre initiative, sans y être obligées, sont exclues du dispositif.

Ces deux catégories pourront, en outre, prétendre à un crédit de cotisation de 20 % de la masse salariale, tel qu'annoncé dans le plan tourisme. Il est présenté comme « une aide au paiement […] imputable sur l’ensemble des sommes dues aux organismes de recouvrement […] au titre de l’année 2020 ».

Les travailleurs indépendants, œuvrant dans l’un des secteurs précités, seront, eux, éligibles à une réduction forfaitaire de leurs cotisations et contributions de sécurité sociale.

Avec cette stratégie, l’État espère « réduire [les] passifs sociaux [de ces entreprises] très rapidement et massivement, soutenant ainsi la reprise d’activité ». Un geste à 3 milliards d’euros.

• Plans d’apurement et remise partielle

Les entreprises de moins de 50 salariés [EDIT : seuil finalement relevé à moins de 250 salariés] non-concernées par ces exonérations ne sont pas oubliées. Si leur activité a chuté « d’au moins 50 % par rapport à la même période de l’année précédente », elles pourront demander une « remise partielle » de la moitié, au plus, des charges patronales de la période d'activité de février à mai inclus.

Ce dégrèvement sera mis en place dans le cadre d’un plan d’apurement, aux conditions d’accès élargies. En cas de charges sociales à solder au 30 juin, un employeur ou un travailleur indépendant pourra ainsi proposer ou se faire proposer un aménagement de ses versements « sans majoration ni pénalités », d’ici au 30 novembre. Bercy avait déjà indiqué que ces étalements pourraient se faire sur trois ans.

• Anticipation du report en arrière des déficits

Dernière facilité fiscale accordée aux entreprises : la possibilité de « demander dès 2020 le remboursement immédiat de leur stock de créances de report en arrière de leurs déficits » (carry-back). Une telle mesure était réclamée notamment par le Medef.

Le gouvernement propose même d’aller plus loin : les pertes constatées en 2020, et entrant dans le champ du carry-back, pourraient être réclamées « dès le lendemain de la clôture de l’exercice, sans attendre la liquidation définitive de l’impôt ». Mais, prévient Bercy, cette option « sera encadrée a posteriori par un mécanisme anti-abus afin d’éviter toute demande de remboursement objectivement excessive ».

Au total, la mesure pourrait apporter un soutien supplémentaire à la trésorerie des entreprises évalué à 400 millions d’euros.

Plans ciblés pour des secteurs entiers

Au-delà de ces mesures fiscales transversales, le projet de loi de finances rectificative entend surtout donner à l’État les moyens d’appliquer les plans de soutien sectoriels, dévoilés depuis plusieurs semaines. Il s’agit en l’occurrence de traduire les engagements pris envers le tourisme au sens large (gestes sur la taxe de séjour, la cotisation foncière et les redevances d’occupation du domaine public), les industries automobile et aéronautique (soutien à la demande, fonds d’investissement), les entreprises technologiques (garanties, financement) ou encore la culture (prêts, fonds d’assurance…).

Si Bercy brandit le chiffre de 43,5 milliards d’euros d’aides cumulées, l’intégralité de cette somme ne sortira pas, en réalité, des seules caisses publiques. Sur cette enveloppe, 10 milliards proviennent, par exemple, des banques et de leurs prêts (certes garantis par l’État) à Renault et Air France.

Le budget intègre, par ailleurs, 300 millions d’euros pour soutenir l’apprentissage, à travers la nouvelle prime à l’embauche annoncée le 4 juin. Le commerce et l'artisanat devraient voir arrive des mesures supplémentaires au cours du débat parlementaire, a promis Bruno Le Maire.

Moyens supplémentaires pour les dispositifs d’urgence

On ne change pas une recette qui fonctionne. Le gouvernement remet donc au pot de deux dispositifs phares, mis en place dès le début de la crise, et qui ont fait leur preuve.

Le financement du chômage partiel est ainsi augmenté de 5 milliards d’euros, pour culminer à près de 31 milliards d’euros désormais.

Le fonds de solidarité aux indépendants et TPE récupère, pour sa part, 1,2 milliard d’euros. De quoi le monter à près de 8,5 milliards d’euros au total, alors que les conditions pour y prétendre ont été élargies, dans le cadre du plan tourisme.

Garanties publiques pour des actions nouvelles

Le gouvernement complète cet arsenal par un ensemble de garanties publiques, les unes pour préparer le terrain à l’action européenne, l’autre pour consolider l’assurance-crédit.

• Débloquer l’assurance-crédit

C’est sans doute le point le plus concret de ce volet sur les garanties… et le moins ambitieux aussi de tout le projet de loi. Le gouvernement propose de compléter son dispositif de réassurance publique, lancé en avril, par un nouveau produit. Baptisé « Cap Relais », il couvrira les portefeuilles de risques, là où les mesures précédentes se concentraient sur les risques individuels. Les PME et ETI en seront les premiers bénéficiaires, mais il a vocation à s’étendre, à terme, à toutes les entreprises et pour toutes leurs opérations, domestiques comme internationales.

Le tout reste géré par la Caisse centrale de réassurance… et plafonné aux 10 milliards d’euros qui avaient été prévus dans la première loi de finances rectificative 2020 de mars (2 Md€ pour Cap Relais, 8 Md€ pour les risques individuels, selon la nouvelle répartition). Pourtant, le gouvernement rappelle que « le montant d’encours [de l’assurance-crédit] s’élève à plus de 300 milliards d’euros à fin 2019 ». Les moyens mobilisés paraissent donc bien dérisoires face à un risque de blocage généralisé du système, d’ores et déjà identifié par certains professionnels.

• Mobiliser l’action européenne

Sur un autre sujet, pour le moment plus abstrait, la France apporte sa garantie au déblocage de deux des trois leviers du plan de soutien européen, qui avait été conclu à l’arraché le 9 avril… il y a deux mois donc. L’un permettra de financer indirectement les entreprises par le biais d' « instruments de partage de risques » mis en place par la Banque européenne d’investissement (à hauteur de 200 Md€). L’autre viendra soulager le coût, pour les États, des mesures d’activité partielle (100 Md€).

Enveloppe nationale pour l’investissement local

Les entreprises ne sont pas les seules à jouir de la générosité de l’État. Ce projet de budget rectificatif contient également tout un volet d’aides au profit des collectivités territoriales, pour 4,5 milliards d’euros.

Une manne dont pourraient profiter, par ricochet, les acteurs économiques : le gouvernement prévoit en effet 1 milliard pour la relance de l’investissement local. « Cette nouvelle dotation financera prioritairement des projets contribuant à la résilience sanitaire, à la transition écologique ou à la rénovation du patrimoine public bâti et non bâti », précise le texte.

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