Coronavirus : comment obtenir le nouveau "prêt garanti par l'État"
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Coronavirus : comment obtenir le nouveau "prêt garanti par l'État"

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À partir du 25 mars, toutes les entreprises peuvent demander à leur banquier un « prêt garanti par l’État ». Ce nouveau PGE est l’une des armes déployées par le gouvernement pour soulager la trésorerie des entreprises, dans le contexte de la pandémie de Covid-19. Comment fonctionne concrètement ce soutien massif - jusqu’à 300 milliards d’euros - au financement de l’économie réelle ? On vous répond.

Les entreprises intéressées par le nouveau prêt garanti par l'État (PGE) doivent se rapprocher de leurs partenaires bancaires habituels pour espérer obtenir ce financement de court terme — Photo : ©successphoto - stock.adobe.com

La garantie publique des prêts bancaires à l’épreuve du feu. Annoncée il y a plus de dix jours, la mesure entre en vigueur à partir du 25 mars. Inscrite dans la loi de finances rectificative, elle a été détaillée dans un arrêté publié le 24 mars et en conférence de presse le même jour.

Avec le report de charges, cette garantie est au cœur du dispositif mis en place par l’État pour préserver la trésorerie des entreprises confrontées à la crise du coronavirus. Mais après en avoir martelé le montant global (jusqu’à 300 milliards d’euros) comme preuve de l’ampleur de sa mobilisation, le gouvernement doit passer aux choses sérieuses : la mise en pratique. Voici comment il compte, avec le concours des banques, vous faciliter l’accès à cette nouvelle source de financement de court terme et d’urgence au nom très explicite : « le prêt garanti par l’État » (PGE).

Qui peut bénéficier de la garantie d’État ?

Pour faire court, toutes les entreprises immatriculées en France. De la TPE au grand groupe, en passant par les start-up et les indépendants (artisans, commerçants…) jusqu’aux professions libérales.

Dans le détail, trois exceptions s’appliquent : les sociétés civiles immobilières [EDIT : depuis un arrêté du 6 mai, certaines peuvent toutefois demander un PGE], les établissements de crédit et les sociétés de financement ne peuvent souscrire au prêt garanti par l’État. S’y ajoutent d’autres situations particulières détaillées ci-dessous.

>> A lire aussi : Le portrait-robot des entreprises qui ont obtenu un PGE

• Si mon entreprise est sous le coup d’une procédure collective ?

Deux cas de figure se présentent. Votre entreprise fait l’objet d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire. Elle ne pourra pas obtenir la garantie d’État. Inversement, celles qui exécutent actuellement un plan de redressement ou de continuation, dûment validé par un juge, peuvent en bénéficier.

En résumé, le prêt garanti par l’État est ouvert à toute entreprise qui « n’était pas en difficulté, au sens de cessation des paiements, avant la crise sanitaire », soit grosso modo avant la fin de l’année 2019, conclut Sébastien Raspiller, de la Direction générale du Trésor. [EDIT : le deuxième projet de loi de finances rectificative prévoit d'éclaircir la situation pour les entreprises entrées en procédure collective en 2020].

• Si mon entreprise ne respecte pas les délais de paiement de ses fournisseurs ?

Votre société retarde le paiement de ses fournisseurs pour se garder un peu de trésorerie ? Vous risquez de vous retrouver privé de la garantie d’État. La restriction est d’ordre plus politique que réglementaire. Elle a été imposée, le 24 mars, par le ministre de l’Économie, fâché de la multiplication des retards de paiement interentreprises dans le contexte de la crise du coronavirus.

« Toute entreprise qui ne respecterait pas ses délais de paiement se verra immédiatement refuser la garantie de l’État pour ses prêts de trésorerie, a tonné Bruno Le Maire, avant de s’en expliquer : On ne peut pas, à la fois, faire de la trésorerie sur le dos des PME et des sous-traitants et, en même temps, en réclamer avec la garantie de l’État. »

Dans la pratique, cette sanction indirecte risque d’être compliquée à mettre en œuvre. Elle ne sera réalisable qu’a priori et son application déléguée aux banques, comme l’a expliqué Sébastien Raspiller : « Nous souhaitons que les agences veillent, dans leurs discussions avec les entreprises, à ce que ce type de comportements, dommageables pour la collectivité, ne soit pas promu. […] Si un chargé de clientèle voit que son interlocuteur ne paye plus ses fournisseurs, alors qu’il en a la capacité, cela doit le conduire, dans son appréciation du dossier, à être plus restrictif. »

• Et si mon entreprise a déjà des prêts en cours ?

Elle reste éligible à la garantie d’État. Sur ce point, le président de la Fédération bancaire française Frédéric Oudéa a été très claire : le PGE est « un surplus de crédit : […] ce n’est pas parce que vous avez déjà une dette que vous ne pouvez pas y avoir accès ».

Idem côté Bpifrance : « Un entrepreneur peut absolument cumuler ce PGE avec notre gamme de prêts sans garantie, et notamment celle lancée la semaine dernière pour répondre à la crise », souligne Nicolas Dufourcq, le directeur général de la banque publique.

Quelles sont les caractéristiques du prêt garanti par l’État ?

• Quelle est la durée de ce prêt ?

Le PGE est un prêt de trésorerie d’un an, avec différé d’amortissement sur cette période. Ensuite, l’entreprise aura le choix de l’amortir sur une à cinq années supplémentaires, ou non.

À noter que la garantie de l’État peut être accordée à des prêts ouverts depuis le 16 mars, et jusqu’au 31 décembre 2020.

• Quel est le montant maximum de ce prêt ?

Les entreprises pourront emprunter jusqu’à 25 % de leur chiffre d’affaires 2019 HT (ou du dernier exercice clos) réalisé en France. Ou, autrement dit, l’équivalent d’un trimestre d’activité. L’idée étant, pour Nicolas Dufourcq, « que l’entrepreneur puisse avoir, en prêt, le CA qu’il n’a pas, et n’aura pas eu, pendant les trois mois de la crise épidémique » [EDIT : des exceptions à cette règle générale ont été introduites depuis, au bénéfice des secteurs du tourisme et de l'aéronautique].

Pour les start-up et entreprises créées depuis le 1er janvier 2019, le plafond diffère : elles pourront demander un prêt équivalent, au maximum, à « deux années de masse salariale » (article 5 de l’arrêté du 24 mars 2020).

• À quel taux d’intérêt les entreprises pourront emprunter ?

En théorie, ce taux sera « extraordinairement faible », dixit Bpifrance. En pratique, il dépendra de la situation de chaque entreprise et de la négociation avec son banquier.

Pour le moment, tout le monde promet de « l’argent bon marché ». À commencer par Frédéric Oudéa. Le président de la Fédération bancaire française s’avance sur un taux d’intérêt aux alentours de 0,25 % ou 0,5 %, ce qui correspondrait peu ou prou au seul coût de la garantie publique (défini à l’article 7 de l’arrêté du 24 mars 2020).

« Le coût de ce financement sans marge est proche de zéro aujourd’hui. »

Comment est-ce possible ? D’une part, parce qu’il promet que « les banques ne feront pas de marges » sur ce nouveau produit. D’autre part, parce que « compte tenu de la situation des taux actuels et des délais dont on parle, le coût de ce financement sans marge est proche de zéro aujourd’hui ».

Pour appuyer son propos, Frédéric Oudéa donne l’exemple d’une entreprise réalisant 10 M€ de CA HT. Si elle emprunte 2,5 millions d’euros (le maximum autorisé pour elle), le PGE lui coûtera environ « 6 250 € pour cette première année », d’après ses calculs.

• Quel est le niveau de garantie apporté par l’État ?

Il varie en fonction de la taille des entreprises : 90 % pour les TPE, PME et ETI (moins de 5 000 salariés et CA inférieur à 1,5 milliard d’euros de CA) ; 80 % pour les entreprises dont le chiffre d’affaires oscille entre 1,5 milliard et 5 milliards d’euros ; 70 % pour celles qui dépassent ce dernier seuil.

Cet appui étatique doit se suffire à lui-même : « Il est hors de question que soit réclamées aux entrepreneurs des garanties sur leur biens personnels », a ainsi averti le ministre de l'Économie Bruno Le Maire, le 31 mars.

Comment obtenir ce prêt ?

Dans tous les cas, votre interlocuteur de référence est votre banque habituelle (ou l’un de ses concurrents). « La banque octroie le prêt, l’État le garantit, insiste Sébastien Raspiller (Direction générale du Trésor). On est donc dans une relation contractuelle entre l’établissement bancaire et l’entreprise, comme d’habitude. La seule différence, c’est que ce prêt est garanti par l’État. » Deux cas de figure sont néanmoins à distinguer.

• Vous êtes une TPE, PME ou ETI

Votre entreprise compte moins de 5 000 salariés et un CA inférieur à 1,5 Md€. Vous devez commencer par contacter votre banquier pour lui faire une demande de prêt, qui respecte les conditions définies plus haut. « C’est sur cette base que s’engage la discussion, explique Nicolas Dufourcq. Il n’y a pas grand-chose d’autre à discuter en réalité que le taux d’intérêt… » Sébastien Raspiller tempère : « A la banque, dans sa discussion, avec l’entreprise, d’apprécier aussi les besoins de celle-ci. » À noter que l’article 4 de l’arrêté du 24 mars 2020 précise que l’établissement prêteur « consent [le PGE] sans autre garantie ou sûreté ».

En tout état de cause, si l’établissement bancaire vous donne un « pré-accord », vous devez vous connecter sur le site https://attestation-pge.bpifrance.fr/, afin d’obtenir un identifiant unique. À cette étape, « il ne faut pas se tromper, prévient Nicolas Dufourcq, quand vous reportez, sur le formulaire, le montage financier convenu avec votre banquier (montant et taux du PGE, NDLR) : une fois validé, vous ne pourrez plus le changer ! »

À l’issue de cette démarche en ligne, vous devez transmettre l’attestation obtenue à votre agence. Laquelle accorde alors le prêt. En théorie, les banques se sont engagées à répondre aux demandes de la plupart des TPE-PME en cinq jours.

• Vous êtes une start-up

Le secrétaire d'État au Numérique Cédric O a détaillé, le 30 mars, la marche à suivre pour les "entreprises innovantes". Elles doivent, elles aussi, se tourner vers leur banque en priorité. Mais en cas d'échec, elles ont la possibilité d'obtenir un PGE directement auprès de Bpifrance.

• Vous êtes une grande entreprise

Votre entreprise dépasse les 5 000 salariés et le milliard et demi d’euros de CA. Bercy a un droit de regard sur votre prêt : une fois que vous avez obtenu un pré-accord de vos partenaires bancaires, vous devez transmettre votre demande de PGE à garantie.etat.grandesentreprises@bpifrance.fr. Bpifrance et la Direction générale du Trésor l’examinent, puis la garantie de l’État est accordée par arrêté du ministre de l’Économie. Ce n’est qu’ensuite que les banques accordent le prêt.

Attention toutefois à respecter quelques critères ajoutés par le politique, comme le respect des délais de paiement interentreprises ou la modération actionnariale : « Je refuserai tout prêt à une grande entreprise qui aurait versé des dividendes, a prévenu Bruno Le Maire, fin mars. Si elle a suffisamment de trésorerie pour en verser, elle ne peut pas bénéficier de la garantie de l'État, lorsqu'elle demande un prêt. »

• Dans quel délai le PGE est-il octroyé ?

Les banques, par la voix de la FBF, assurent s’être mises en ordre de bataille pour répondre à toutes les entreprises dès le 25 mars. Mais l’appétit pour le financement de court terme est très fort actuellement et « les banques vont être confrontées à des difficultés matérielles », prédisait le Médiateur du crédit Frédéric Visnovsky le 23 mars, avant même le lancement de ce mécanisme.

En prévision, Frédéric Oudéa a donc lancé un appel « à une espèce de bon sens civique envers ceux qui ont encore de la trésorerie, de manière à ce qu’ils attendent un peu pour ceux qui n’en ont plus… Et nous, nous allons essayer au maximum de traiter les cas les plus urgents. »

Pour le reste, le président de la Fédération bancaire française se montre rassurant : au-delà de l’instruction même du dossier et une fois la démarche de l’identifiant unique réalisée, « le décaissement pourra se faire très vite. Nous visons un délai moyen de quelques jours. »

Les banques joueront-elles le jeu ?

Là est toute la question. Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire veut y croire. Il en veut pour preuve l’engagement de « Frédéric Oudéa, au nom de tout le réseau bancaire français, à ce que les banques ne fassent pas de bénéfices sur ces prêts garantis par l’État ». Et de citer également « les taux de couverture différenciés suivant la taille de l’entreprise » et « la tarification fixée au minimum possible » comme autant de preuves de bonne volonté des banquiers.

Même optimisme chez Bpifrance, pour qui, le PGE sera octroyé à toutes les entreprises, ou presque, car elles ont, « d’une certaine manière, un droit à ce crédit, d’après Nicolas Dufourcq, parce que l’État le garantit en général à 90 % » et la banque ne supporte donc que 10 % du risque. C’est loin d’être aussi simple.

« Il y aura du crédit pour tout le monde. »

Ainsi, Frédéric Oudéa (FBF) lui-même s’est, certes, voulu rassurant : « Les banques sont dans l’état d’esprit de déployer ce système de manière massive ». « Il y aura du crédit pour tout le monde », a-t-il encore répété. Mais, dans le même temps, son discours trahit plusieurs nuances.

D’abord, « le taux d’emprunt des banques ne sera pas plafonné. » Même sans faire de marges, elles restent libres de pratiquer un taux d’intérêt bien supérieur aux 0,25 % et 0,5 % cités en exemple. Ensuite, « n’oubliez pas que les banques aussi vont avoir du risque dans cette affaire, a-t-il rappelé. Limité à 10 % sur les prêts aux petites entreprises, mais augmentant à 20 % puis 30 % sur les plus grandes… » La prudence restera donc de mise au moment d’étudier les demandes de prêts. En définitive, garantie de l’État ou non, les banques détiennent autant les clés du coffre que celles du succès de cette opération.

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