Coronavirus : comment les start-up peuvent tirer parti des aides d'urgence de l'État
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Coronavirus : comment les start-up peuvent tirer parti des aides d'urgence de l'État

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Le gouvernement aménage ses aides d’urgence pour les start-up. Après avoir annoncé un plan de 4 milliards d’euros en leur faveur, le secrétaire d’État au Numérique Cédric O leur a livré des conseils pratiques pour les aider à utiliser toutes ces mesures à bon escient. Il est notamment revenu sur le prêt garanti par l’État, le remboursement accéléré des crédits d’impôt ou encore le chômage partiel.

Lors d'une visioconférence animée par le réseau France Digitale, Cédric O, le secrétaire d'État au Numérique, a notamment invité les start-up à adopter la "stratégie du hérisson" face à la crise du coronavirus Covid-19 — Photo : Tamaya20 sur Wikimedia Commons - CC BY-SA 4.0

Afficher la mobilisation du gouvernement auprès des start-up, sans nier les difficultés à mettre en œuvre les mesures annoncées. C’est l’exercice auquel s’est livré le secrétaire d’État au Numérique, lors d’une séance de questions-réponses en ligne organisée, le 30 mars, par l’association France Digitale.

Moins d’une semaine après avoir présenté un plan d’aide spécifique aux entreprises technologiques et innovantes, Cédric O n’a pas manqué de lancer aux start-up un appel à la patience, voire la persévérance et l’indulgence. « Nous essayons de faire du mieux que nous pouvons, dans l’urgence. Il est probable que les premières versions [des mesures d’aides] soient imparfaites et que nous essayions de corriger au fil de l’eau », a prévenu le secrétaire d’État.

Au-delà de cette précaution, Cédric O s’est surtout arrêté sur les modalités pratiques d’accès à plusieurs dispositifs, lancés par l’État contre la crise provoquée par la pandémie de coronavirus. Passage en revue.

Remboursement de crédits d’impôt : en faire la demande

L’un des axes majeurs du plan mis en place pour les start-up consiste, pour l’État, à accélérer ses versements aux entreprises. Qu’il s’agisse de leur rembourser par avance des crédits d’impôt restituables en 2020 (en l’occurrence, les crédits d’impôt recherche - CIR - et innovation - CII) ou de leur verser par anticipation des aides à l’innovation déjà attribuées mais pas encore débloquées (dans le cadre du Programme d’investissements d’avenir).

Sur ces deux points, Cédric O insiste : il faut que l’entreprise fasse la démarche de réclamer son dû à l’administration. Ce n’est qu’à cette condition que, dans le cas du CIR 2019, le remboursement pourra se faire « dès mars, plutôt qu’en octobre ou novembre ».

Par ailleurs, si vous attendiez une restitution de CIR ou de CII au titre de l’année 2018, « les sommes [pourront] être décaissées rapidement », promet le secrétaire d’État, mais à deux conditions : que vous en fassiez la demande et, surtout, que votre CIR ne fasse pas l’objet d’une vérification administrative. Cette réserve ne s’applique pas pour le CIR 2019 : il vous sera rendu, « que vous soyez sous le coup d’un contrôle pour [la période] avant 2019 ou pas ».

Prêt garanti par l’État : solliciter Bpifrance (en dernier recours)

Cédric O le reconnaît volontiers : sur le terrain, les nouveaux prêts garantis par l’État (PGE) connaissent déjà quelques accrocs. Des entreprises ont signalé leurs difficultés à obtenir de leurs banques ce financement de court terme. Pour autant, le secrétaire d’État au Numérique avance des solutions pour les start-up. Car elles sont tout à fait légitimes pour y prétendre : Bercy estime même à 2 milliards d’euros la somme qui devrait leur revenir au titre de ce dispositif.

Quelles start-up peuvent obtenir un PGE ?

Quasiment toutes, assure le secrétaire d’État au Numérique. Preuve en est le double critère introduit pour déterminer la somme qu’une « entreprise innovante » peut emprunter au titre du PGE. Ce montant maximum correspond soit à deux fois sa masse salariale 2019 (hors cotisations patronales), soit à 25 % de son chiffre d’affaires 2019 (si ce plafond, valable pour n’importe quelle autre entreprise, lui est plus favorable). Ce champ d’application pose deux questions :

Qu’est-ce qu’une « entreprise innovante » au sens de l’État ? Ce sont toutes celles qui, dans les cinq années écoulées, ont « reçu une aide à l’innovation, notamment toutes les aides de Bpifrance », « ont été incubées ou accélérées » ou « ont compté à leur capital un VC (investisseur en capital-risque, NDLR) ». Pour Cédric O, « on couvre à peu près tout le monde avec cette définition extrêmement large ». Si toutefois votre chargé d’affaires ne vous croit toujours pas, « vous pouvez demander à la DGE (Direction générale des entreprises, NDLR) une attestation qui dit que vous avez le droit à ce prêt de trésorerie de la part de l’État… Ce document permettra peut-être de détendre les banques », espère-t-il.

Un bémol tout de même : ce prêt est interdit aux « entreprises en difficulté », telles que les définit l’Union européenne, « ce qui peut être le cas, notamment, pour certaines biotech. Nous avons conscience que, pour ces start-up, cela pose problème, mais nous regardons avec Bpifrance comment faire pour les couvrir également. »

Qui entre dans le calcul de la masse salariale ? Uniquement les salariés de votre entreprise. Certaines start-up auraient aimé y intégrer aussi les travailleurs indépendants avec lesquels elles collaborent. Ce ne sera pas possible, a répondu le secrétaire d’État.

Obtenir un PGE en 3 étapes pour une start-up

Cédric O incite les entreprises à suivre sa méthode en trois temps pour décrocher un prêt garanti par l'État :

1. « Se mettre en mode hérisson : pour ceux qui ont des difficultés de trésorerie à court ou moyen terme, il faut déjà utiliser le chômage partiel et les reports de charges de manière à faire baisser vos coûts ».

2. Solliciter votre banque, et éventuellement ses concurrents, si votre entreprise décide de se tourner quand même vers un prêt garanti par l’État pour couvrir ses besoins de trésorerie. Mais il ne faut guère se faire plus d’illusions que le secrétaire d'Etat lui-même : « Nous avons sensibilisé les banquiers, mais je pense que ça va être compliqué », dans la mesure où « ils ont peu l’habitude des start-up et vont avoir tendance, dans une période où ils sont complètement sous l’eau, à privilégier les dossiers qu’ils connaissent ». Si vous avez déjà essuyé un refus, il ne faut toutefois pas hésiter à retenter votre chance, car « les banques ont aussi des problèmes de transmission d’information et d’organisation » en ces temps de pandémie.

3. Contacter Bpifrance, en cas d’échec ferme et définitif des banques traditionnelles. La banque publique d’investissement peut en effet octroyer des PGE en direct aux start-up (et uniquement aux start-up). Mais cette facilité est à utiliser en dernier recours : « même s’il y a des chances que votre demande se voie refuser par votre banque, commencez par aller la voir elle, sinon Bpifrance risque aussi d’être submergé », prévient Cédric O.

Chômage partiel : retenter sa chance

Comme le prêt garanti par l’État, l’activation du chômage partiel provoque quelques migraines dans les entreprises. Le conseil de Cédric O aux start-up est de renouveler leur demande, même après avoir essuyé un premier refus de l’administration. « Nous avons traversé deux phases, se justifie le secrétaire d’État : nous sommes partis extrêmement fort avec ce dispositif d’activité partielle. Mais à un moment, nous avons vu certains phénomènes d’optimisation. Il y a donc eu un correctif, qui a probablement été un peu trop fort. Résultat, des dossiers ont pu être refusés de manière illégitime. »

Cédric O assure que le ministère du Travail a refait passer des consignes depuis, « pour dire que le but du chômage partiel était d’être utilisé. L’objectif est bien que nous puissions traiter toutes les demandes »… même si les services chargés de les traiter sont « évidemment débordés » en ce moment.

Si toutefois des blocages persistaient, Cédric O invite les entreprises à les lui signaler par le biais de France Digitale. Le réseau a ainsi mis en ligne un formulaire dédié.

Délais de paiement : signaler les abus

Sur la question récurrente des délais de paiement interentreprises, le discours est le même que sur le chômage partiel : il faut signaler les retards abusifs. Le Médiateur des entreprises est l'interlocuteur à privilégier. « À Bercy, nous n’avons pas de problème pour passer des coups de fil » aux grands groupes mauvais payeurs, a également glissé Cédric O.

Également dans le collimateur des start-up, les géants américains du web. Le secrétaire d’État doit s’entretenir avec eux dans la semaine.

Levées de fonds : temporiser avec des obligations convertibles

Les start-up qui devaient lever des fonds pourront bénéficier des obligations convertibles proposées par Bpifrance. « L’objectif n’est vraiment pas de monter au capital, mais de faire un prêt 'bridge', le plus possible avec le concours des investisseurs historiques de l’entreprise. Il me semble en effet assez sain qu’ils redonnent de la visibilité aux sociétés dans lesquelles ils sont déjà engagés », note le secrétaire d’État au Numérique.

Après une année 2019 record en France, le financement des start-up en capital-risque pourrait toutefois subir un violent coup d’arrêt, sous l’effet de la crise en cours. C’est qu’a laissé entendre Benoit Grossmann d’Idinvest Partners, présent à la visioconférence de Cédric O en tant que coprésident de France Digitale. « On continue à regarder de nouveaux dossiers mais la grille de lecture va forcément changer », a indiqué l’investisseur, avant de prévenir : « Les prochains mois vont être très difficiles pour les sociétés qui comptaient réaliser des tours de table de 20 à 50 millions d’euros. L’ensemble des investisseurs va être plus focalisé, malheureusement, sur leur portefeuille existant, plutôt que sur la prise de nouvelles participations. »

Un avertissement qui sonne comme un appel de plus à faire le dos rond. La stratégie du hérisson pourrait décidément bien devenir le nouveau modèle gagnant des start-up en 2020.

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