L'État mobilise 45 milliards d'euros dans sa « guerre économique et financière » contre le coronavirus
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L'État mobilise 45 milliards d'euros dans sa « guerre économique et financière » contre le coronavirus

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Branle-bas de combat à Bercy. Le ministère de l’Économie continue à sonner la mobilisation générale pour limiter les effets dévastateurs de la pandémie de Covid-19 sur les entreprises. Bruno Le Maire a annoncé, le 17 mars, le chiffrage de son plan d’aide (près de 45 milliards d’euros) et détaillé quelques mesures nouvelles, notamment un fonds de solidarité au profit des petites entreprises et des indépendants.

Mesures exceptionnelles, négociations avec banques, bailleurs ou assureurs, appels à la solidarité... le ministère de l'Économie multiplie les annonces depuis deux jours pour préserver les entreprises françaises, fortement perturbées par la pandémie de coronavirus — Photo : © Philippe LEJEANVRE

Des formules qui empruntent au langage militaire et un ton aussi martial que déterminé. En conférence de presse, ce 17 mars, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire s’est érigé en chef des armées de Bercy, mobilisé pour contenir les ravages de la pandémie de Covid-19 sur les entreprises et leurs salariés. « Cette guerre économique et financière sera longue, violente et devra donc mobiliser toutes nos forces nationales, européennes et du G7 », a-t-il averti, reprenant le langage guerrier employé, la veille, par le président de la République Emmanuel Macron.

Son plan de bataille se décline en deux chiffres : 45 milliards d’euros d’aide immédiate et 300 milliards d’euros de garanties sur les prêts bancaires.

Un plan d’aide immédiat de près de 45 milliards d’euros

Préserver la trésorerie des entreprises et maintenir les salariés dans l’emploi : le gouvernement maintient ces deux objectifs stratégiques avec ce plan d’aide immédiat. L’idée est de « pouvoir redémarrer le plus rapidement possible l’économie », une fois la crise sanitaire passée.

« Ce dispositif de plan d’urgence économique sera maintenu tant que la crise du coronavirus ne sera pas finie. »

Bercy estime donc à 45 milliards d’euros le montant des mesures nécessaires. Dans le détail fourni par Bruno Le Maire, le total est, en réalité, de 42,5 milliards sur deux mois. Mais l’enveloppe globale, comme la durée des mesures, pourront évoluer : « Ce dispositif de plan d’urgence économique sera maintenu tant que la crise du coronavirus ne sera pas finie », a souligné le ministre. Un projet de loi de finances rectificative sera présenté dès le 18 mars, en Conseil des ministres, pour acter ces différentes aides.

• Fonds de solidarité pour les TPE

Principale nouveauté présentée le 17 mars : la création d’un fonds de solidarité pour les TPE, commerçants et indépendants. Il comportera deux volets.

Le premier est une aide forfaitaire de 1 500 euros par entreprise. Ce « filet de sécurité », que Bruno Le Maire promet « rapide, simple, automatique », sera versé, sur simple déclaration, par les directions générales des finances publiques.

Pourront y prétendre uniquement les entreprises réalisant moins d’1 million d’euros de chiffres d’affaires et remplissant au moins l’une de ces deux conditions : leur activité a cessé sur ordre des autorités (cas des établissements fermés par arrêté des 14 et 15 mars, comme les bars et restaurants) ou leur chiffre d’affaires de mars 2020 a chuté de plus de 70 % par rapport à celui de mars 2019. [EDIT : cette dernière condition a évolué début avril]

Dans un second temps, ce fonds prévoit un « dispositif anti-faillite pour les entreprises qui emploient au moins un salarié et seraient en très grande difficulté, malgré le recours à tous les autres dispositifs ». Pour elles, l’État est prêt, « au cas par cas », à aller au-delà des 1 500 euros du forfait de base.

Ce fonds pourrait profiter à 600 000 entreprises, selon Bruno Le Maire. Il sera doté de 2 milliards d’euros pour un mois. [EDIT : ce sera finalement 1 milliard, selon le projet de loi de finances rectificative]

• Chômage partiel et reports de charges

Le reste des mesures était déjà connu. Il s’agit, d’une part, de l’extension, pendant deux mois, du dispositif d’activité partielle, avec prise en charge intégrale de l’État à hauteur de 4,5 Smic (coût estimé à 8,5 Md€). Nuance importante : « Il faut qu’il y ait une baisse d’activité qui justifie le chômage partiel. Après, s’il y a un mouvement d’inquiétude très fort d’un certain nombre de salariés et que l’entreprise n’arrive plus à les faire venir, avec une baisse d’activité qui en résulte, elle pourra aussi en bénéficier. »

D’autre part, le paiement différé des charges fiscales et sociales dues en mars est confirmé. Soit un manque à gagner, pour l’État, évalué à 32 Md€… somme qui pourrait être définitivement perdue pour les caisses publiques : « À la fin de la crise, nous ferons une évaluation de la situation des entreprises, a expliqué Bruno Le Maire, et si ce report doit se transformer en annulation, au cas par cas, nous le ferons. »

• Gel des factures et des loyers au bon vouloir des créanciers

Ces reports de charges répondent au cap pour le moins ambitieux que s’est donné Bercy : « Zéro recette, zéro dépense ». Autrement dit, l’objectif est que « l’intégralité des dépenses des entreprises [soient] reportées, pour celles qui n’ont plus aucune recette ». C’est en vertu de ce principe directeur que Bruno Le Maire, interrogé par les journalistes, est revenu sur « la suspension des factures d’eau, de gaz et d’électricité, ainsi que les loyers », proposée, la veille, par le président de la République.

« À tous les bailleurs qui peuvent reporter les loyers, nous leur demandons de le faire. »

Cette mesure, au bénéfice des TPE-PME et indépendants les plus fragilisés, dépend en fait des négociations en cours et du bon vouloir des parties prenantes. Bercy discute ainsi avec EDF, Engie et les fournisseurs concernés, pour la partie facturation. « Nous leur demandons de faire preuve d’une bienveillance particulière à l’égard des entreprises qui seraient en situation de ne pas pouvoir payer pour des problématiques de trésorerie », a expliqué la secrétaire d’État Agnès Pannier-Runacher, lors d’une séance de questions-réponses avec les internautes.

Même dialogue ouvert avec les principaux bailleurs de France, concernant les loyers. Le gouvernement a ainsi trouvé un accord avec le Conseil national des centres commerciaux, qui a accepté le principe du report. Pour le reste, et notamment les petits bailleurs privés, « le principe de solidarité doit s’appliquer : à tous ceux qui peuvent [repousser leurs échéances], nous leur demandons de le faire », a indiqué Bruno Le Maire, écartant toute « mesure autoritaire » en la matière.

Des garanties de prêts à hauteur de 300 milliards d’euros

Sur ce point, peu de nouveautés : le ministre de l’Économie a repris le chiffrage donné par Emmanuel Macron la veille. Ainsi, « tous les nouveaux prêts bancaires seront garantis par l’État à hauteur de 300 milliards d’euros ».

« Les banques n’ont donc plus aucune raison de refuser quelque prêt que ce soit à quelque entreprise que ce soit. »

Une mesure « radicale » pour éviter que le financement des entreprises par les banques ne se grippe complètement, ajoutant de la paralysie financière au décrochage économique. « Les banques n’ont donc plus aucune raison de refuser quelque prêt que ce soit à quelque entreprise que ce soit », a insisté Bruno Le Maire. Et de rappeler que leur fédération s’est engagée à reporter jusqu’à six mois les remboursements de crédits des entreprises, et ce « sans frais ».

Au niveau européen, les États membres vont réaliser un effort similaire, pour un montant cumulé de garanties de prêts de trésorerie de 1 000 milliards d’euros. Ils se disent également disposés « à engager des mesures immédiates de dépenses financières à hauteur de 1 % du PIB européen ».

Médiation, négociations et solidarité pour faire face

Dans ce contexte mouvant, où recours à la contrainte et appel à la solidarité s’entremêlent, Bercy invite les entreprises à solliciter les services de médiation en cas de difficulté : médiateur des entreprises (en cas de difficultés client-fournisseur, pour négocier le report des loyers avec son bailleur, etc.) ou médiateur du crédit. Sur ce point, Agnès Pannier-Runacher s’est montrée ferme : les entreprises qui étaient saines avant la crise du Covid-19 « seront accompagnées par les banques. C’est très clair, c’est leur engagement et si ce n’est pas fait, nous leur rappellerons de manière très nette. »

De son côté, l’État promet de faire un effort sur ses délais de paiement : « Nous allons veiller à ce que les fournisseurs des administrations publiques soient tous payés en moyenne à 20 jours », a affirmé le secrétaire d’État Olivier Dussopt. Il s'est également engagé à accélérer le remboursement de la TVA et des crédits d'impôts pour les entreprises. [EDIT : Le 22 mars, Bercy a également indiqué qu'il serait possible de « demander un remboursement anticipé des créances d'impôt sur les sociétés restituables en 2020 »]

Enfin, s’il est hors de question de prendre en charge les pertes d’exploitation des entreprises, Bercy indique être en discussions avec les assureurs. « La catastrophe sanitaire ne figure pas dans leurs motifs de remboursement, mais nous allons voir comment ils peuvent participer, eux aussi, au titre de la solidarité, au soutien des entreprises », a affirmé Bruno Le Maire.

Autant dire qu’après les annonces du jour, et avant le vote en urgence du projet de loi de finances rectificatif dans la semaine, Bercy n'en est qu'aux premiers jours de sa bataille économique contre le coronavirus.

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