Coronavirus - Aides d'urgence : le gouvernement fixe déjà des limites aux entreprises
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Coronavirus - Aides d'urgence : le gouvernement fixe déjà des limites aux entreprises

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Chômage partiel, report des charges, délais de paiement… depuis une semaine, le gouvernement multiplie les mesures exceptionnelles de soutien aux entreprises impactées par la pandémie du coronavirus Covid-19. Mais après les annonces, le temps est venu de la mise en oeuvre. Et le ton volontariste des débuts, en faveur d’un soutien massif à l’économie, laisse place à des nuances, discrètes, mais de plus en plus nombreuses. Tour d'horizon.

Face à la crise du coronavirus, pas facile de s'y retrouver pour les chefs d'entreprise entre l'avalanche d'annonces du gouvernement depuis une semaine et la multitude de nuances apportées par les ministres ces dernières heures — Photo : ©thodonal - stock.adobe.com

En une semaine, la donne a changé. Du premier discours d’Emmanuel Macron sur le coronavirus, au soir du 12 mars, au vote en cours et en urgence du projet de loi de finances rectificative, l’économie française semble avoir basculé dans une dimension parallèle.

Salariés absents ou en télétravail, commerces fermés ou activité perturbée, appels au confinement pour les uns ou à la continuation pour les autres… les entreprises se sont retrouvées prises au piège de cette crise inédite. Pour les soulager, Bercy a voulu mettre le paquet : 45 milliards d’euros d’aide immédiate et 300 milliards de garanties de prêts bancaires.

Mais après une vague d’annonces de mesures économiques, le ton commence, tout doucement, à changer. Et la musique que font entendre peu à peu les ministres pourrait réserver de bien mauvaises surprises aux entreprises. Le refrain qui monte : certes, l’État a largement ouvert les vannes de l’argent public, mais il n’est pas question d’abreuver sans filtre tous les acteurs économiques pour autant. Panorama de ces bémols qui pourraient en faire déchanter plus d’un.

Chômage partiel oui, mais s’il y a baisse d’activité

Centrale dans la réponse du gouvernement à la crise économique, l’extension exceptionnelle du dispositif de l’activité partielle a provoqué confusion et polémique. À l’image de la vive passe d’armes, ces derniers jours, entre ministres et représentants du BTP.

Le 12 mars, Emmanuel Macron avait ainsi affiché sa volonté « que les salariés puissent rester dans l’entreprise, même s’ils sont obligés de rester à la maison, et que nous les payions. » Malgré les préconisations du ministère du Travail après le durcissement du confinement, nombre d’entreprises ont cru pouvoir prétendre à cette mesure, y compris lorsqu’elles prenaient l’initiative de fermer pour protéger leurs salariés.

Le 17 mars, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire entretenait le flou, en conférence de presse : « Il faut qu’il y ait une baisse d’activité qui justifie le chômage partiel [pour bénéficier du dispositif]. Après, s’il y a un mouvement d’inquiétude très fort d’un certain nombre de salariés et que l’entreprise n’arrive plus à les faire venir, avec une baisse d’activité qui en résulte, elle pourra aussi en bénéficier. »

« Si les règles sanitaires sont au rendez-vous, alors il faut aller travailler, si on ne peut pas télétravailler. »

Devant les incompréhensions et la multiplication des fermetures d’entreprises ou le retrait des salariés, Emmanuel Macron a fini, le 19 mars, par lancer un appel aux entreprises à « poursuivre leur activité lorsque cela est possible ».

Si le ton a changé, la doctrine, elle, semble ne pas avoir bougé. Comme en témoigne cette réponse du ministre de l’Action et des Comptes publics Gérald Darmanin, interrogé au 20 Heures de France 2, sur le chômage partiel des ouvriers du bâtiment : « Il faut que les employeurs puissent avoir les moyens d’imposer - parce qu’ils vont discuter avec les organisations syndicales et leurs salariés - les mesures de protection sanitaire (être à un mètre de son voisin, pouvoir se laver extrêmement régulièrement les mains). Si [ces règles] sont au rendez-vous, […] alors il faut aller travailler, si on ne peut pas télétravailler, pour faire fonctionner, non seulement l’économie mais aussi la société. »

• Des sanctions en cas de cumul télétravail - chômage partiel

Autre restriction, toujours utile à rappeler, concernant le chômage partiel : l’employeur ne peut pas en bénéficier s’il fait télétravailler ses salariés. « C’est tout à fait illégal, a souligné la ministre du Travail Muriel Pénicaud dans le journal Le Parisien du 19 mars, et [les fautifs] seront lourdement sanctionnés. Il y aura des contrôles a posteriori. »

Dans cette même interview, elle rappelle, par ailleurs, que « le télétravail est un droit pour le salarié » depuis 2017. À ce titre, l’entreprise ne peut le lui refuser.

Report de charges oui, sauf si vous pouvez payer

Autre volet massif du plan d’aide d’urgence, le report des échéances fiscales et sociales. La mesure semble avoir été très bien entendue par les entreprises. Trop bien peut-être, au vu de cette mise au point, claire et nette, de Gérald Darmanin, lors d’une séance de questions-réponses avec les internautes, le 19 mars : « Il ne s’agit pas d’une remise générale des cotisations et des impôts pour tout le monde ! »

Autrement dit, les entreprises qui ont les moyens pour payer « doivent continuer à le faire et ne pas être en opportunité ». Sans quoi, a-t-il expliqué, l’État se retrouverait dépourvu de ressources financières pour continuer à fonctionner. Bercy a estimé le manque à gagner qui résulterait de ce décalage des échéances à 32 milliards d’euros.

Délais de paiement interentreprises : l’État sera vigilant

Dans la situation de crise provoquée par le coronavirus, l’État cherche par tous les moyens à préserver la trésorerie des entreprises. L’un des leviers possibles consiste à jouer sur les délais de paiement client-fournisseur. Le 17 mars, le secrétaire d’État Olivier Dussopt a promis de faire sa part : « Nous allons veiller à ce que les fournisseurs des administrations publiques soient tous payés en moyenne à 20 jours. » Auparavant, le Médiateur des Entreprises Pierre Pelouzet avait multiplié les appels aux grandes entreprises pour qu’elles en fassent de même avec leurs prestataires.

« Certaines entreprises s’estiment exonérées du paiement de leur facture à cause de la crise sanitaire que nous vivons. C’est inacceptable et dangereux. »

Devant l’Assemblée nationale, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a, lui, délivré un message plus péremptoire : « Certaines entreprises s’estiment exonérées du paiement de leur facture à cause de la crise sanitaire que nous vivons. C’est inacceptable et c’est dangereux pour des milliers de petites et moyennes entreprises prestataires. Les délais de paiement entre entreprises ne doivent pas augmenter. J’ai demandé à la DGCCRF (la répression des fraudes, NDLR) de veiller au respect de ces règles. »

Comme un avertissement de plus que, si la crise du coronavirus est exceptionnelle, elle ne dispense pas pour autant les acteurs économiques de se plier au cadre réglementaire défini par l’État. Sauver l’économie « quoiqu’il en coûte », oui. Mais pas forcément à n’importe quel prix.

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