Coronavirus : comment l'Etat compte éviter la panne sèche de l'industrie automobile
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Coronavirus : comment l'Etat compte éviter la panne sèche de l'industrie automobile

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Le secteur automobile a son plan de soutien sectoriel. Preuve de l’importance stratégique de la filière et de l’ampleur de la crise, c’est le président de la République Emmanuel Macron en personne qui l’a présenté dans l’usine Valeo d'Etaples (Pas-de-Calais). Un plan en deux parties, l’une offensive pour relancer les achats de voitures, l’autre défensive pour maintenir l’emploi et l’activité en France. Mais si les objectifs affichés sont ambitieux, les moyens restent limités.

Usines à l'arrêt, marché en berne : la filière automobile a encaissé de plein fouet la crise du coronavirus — Photo : ©Julien Cresp

Comment éviter à une filière automobile française, déjà fragile, de caler définitivement, sous le coup de la crise du coronavirus ? Le président de la République Emmanuel Macron a tenté d’apporter une double réponse, le 26 mai, lors de la présentation d’un deuxième plan de soutien sectoriel, une semaine après celui dédié au tourisme (à 18 milliards d’euros), et en attendant un prochain pour l’aérien.

Moins de 3 milliards d’euros pour aider l’automobile

Face au choc de l’offre et de la demande encaissé par le secteur (les ventes en concession et l’activité en usine ont, chacune, baissé de 80 % environ, a rappelé le président), l’État entend bien relever les deux défis à la fois - défendre les entreprises et inciter les acheteurs. Le tout pour un coût global estimé à « un peu plus de 8 milliards d’euros ». Un chiffre en réalité gonflé par le prêt garanti par l’État (mais financé par les banques) de 5 milliards d’euros promis à Renault, ainsi que par le coup de pouce au projet d’Airbus des batteries, déjà programmé.

Au final, ce sont donc moins de 3 milliards d’euros d’annonces nouvelles que le président a dévoilés. L’enjeu est pourtant de taille - la filière automobile est composée de 4 000 entreprises, représentant 400 000 emplois (900 000 avec les activités en aval et les services) et 18 % du chiffre d’affaires de l’industrie manufacturière de la France, a rappelé Emmanuel Macron. D’où sa volonté de faire du « pacte entre l’État, les entreprises et l’ensemble des salariés que nous sommes en train de sceller [dans l’automobile] […] un exemple et une source d’inspiration » pour l’ensemble du secteur secondaire.

Pour les entreprises, investissements et contreparties

De fait, Emmanuel Macron ne manque pas d’ambitions pour l’automobile française. Clé de voûte de son plan, un « objectif mobilisateur » : « faire de la France la première nation productrice de véhicules propres en Europe, en portant à plus d’un million par an, sous cinq ans, la production de voitures électriques, hybrides rechargeables ou hybrides ».

• Investissement et subventions pour moderniser la filière

Pour y parvenir, le plan de soutien comporte un volet d’investissement public d’à peine 1 milliard d’euros. Il devra servir à « la modernisation des chaînes de production, la robotisation, la numérisation, l’innovation écologique et l’industrie 4.0 ».

Fonds d’investissement réservé aux sous-traitants. Ce nouvel outil sera doté de 600 millions d’euros (400 M€ de l’État, 200 M€ des groupes PSA et Renault) pour des investissements en fonds propres et quasi-fonds propres réservés aux sous-traitants. Cette manne pourra servir à la modernisation des chaînes de production ou au sauvetage d’entreprises en difficulté, que ce soit pour éviter des faillites ou faciliter des rapprochements.

Soutien à l’innovation. Dans le cadre du Programme d’investissements d’avenir 2021-2025, 150 millions d’euros seront réservés à des projets de R&D dès cette année. Ils seront sélectionnés fin juin. Précision importante du gouvernement : le financement de l’État sera envisageable « en contrepartie d’engagements et d’investissements des industriels ».

Subventions pour l’usine du futur. L’État prévoit 200 millions d’euros pour accompagner « l’ensemble des entreprises sous-traitantes dans leur transformation et leur montée en gamme ». Il s’agit notamment de les amener vers l’usine du futur, y compris par des prestations de conseil ou un « accompagnement personnalisé » des grands donneurs d’ordres, précise le dossier de presse du gouvernement.

Emmanuel Macron a, pour sa part, cité en exemple le projet « 48 volts » de moteur électrique à basse tension, développé par son hôte du jour, Valeo. L’État va y participer à hauteur de 40 millions d’euros (sur un total de 100 M€), dans la mesure où il profitera à quatre usines françaises. Car il n’est pas question, pour les pouvoirs publics, de faire un chèque en blanc aux entreprises de l’automobile. Le président de la République a souligné qu’il attendait, au contraire, des engagements de leur part.

• Les entreprises priées de produire en France

Et pour cause : dans l’esprit d’Emmanuel Macron, ce plan de soutien a aussi valeur de « pacte ». D’où une logique donnant-donnant. Le chef de l’État a ainsi assuré, preuves à l’appui, que « les constructeurs [avaient] pris en contrepartie une série d’engagements forts qui consistent à relocaliser la production à valeur ajoutée en France, consolider et maintenir la totalité de la production industrielle sur nos sites ».

PSA salué pour ses efforts. Peugeot devrait investir 360 millions d’euros d’ici à 2022, de manière à produire 450 000 véhicules en France, dont 130 000 électriques ou hybrides. La nouvelle devrait bénéficier aux usines de Rennes (Ille-et-Vilaine), Mulhouse (Haut-Rhin), Poissy (Yvelines) et Sochaux (Doubs), a précisé le chef de l’État.

Renault rappelé à ses promesses dans le Nord. Le groupe au losange, de son côté, ne s’est pas attiré que des louanges. Certes, les engagements dans l’électrique sont là : production de ces véhicules quadruplée en France d’ici à 2024 ; développement d’un nouveau moteur sur le site de Cléon (Seine-Maritime) plutôt qu’en Asie ; participation au projet franco-allemand d’Airbus des batteries, au côté de PSA et Saft (Total).

Mais Emmanuel Macron s’est montré, par la suite, plus cinglant. S’il n’a fait aucune référence au sort des quatre usines (Flins, Choisy-le-Roi, Dieppe et Caudan), menacées par le plan d’économies de Renault, dévoilé le 29 mai, le président de la République a, en revanche, rappelé les promesses d’investissement dans le Nord, formulées devant lui, en novembre 2018. Et il a conditionné l’octroi du prêt garanti par l’État de 5 milliards d’euros, attendu par le groupe automobile, au succès de discussions, prévues le 1er juin, sur l’avenir des salariés de Maubeuge et Douai et les garanties apportées aux sous-traitants dépendants de ces sites.

• Les salariés appelés à des concessions

Dans ce « pacte » voulu par Emmanuel Macron, les salariés aussi seront appelés à faire des efforts, au-delà du recours à l’activité partielle déjà largement utilisée (250 000 salariés du secteur concernés, d’après l’Élysée).

Accords de réduction d’activité. À partir de la semaine prochaine, le chef de l’État entend conclure par le dialogue social des accords de « préservation des emplois et des compétences ». Son idée consiste à « négocier au niveau de la branche et de l’entreprise des plans qui permettent d’ajuster l’activité », mais aussi « utiliser le temps libéré par du chômage partiel provisoire pour réussir à [faire] monter en compétences » les salariés.

Formation et alternance. Le gouvernement promet, par ailleurs, des actions complémentaires en faveur de la formation professionnelle. Un « plan d’urgence » pour l’apprentissage est également annoncé, pour « réduire significativement le coût d’un jeune en alternance ».

Pour les consommateurs, des primes d’achat renforcées

C’est l’autre grand volet du plan de soutien à l’automobile : pour remettre de l’huile dans le moteur de la consommation, l’État injecte du liquide, grâce à une refonte des primes à l’achat, à partir du 1er juin et jusqu’à la fin de l’année. Ce soutien à la demande lui coûtera 1,3 milliard d’euros. Une nécessité, alors que 400 000 voitures attendent un acquéreur depuis la mi-mars. Soit 10 milliards d’euros de marchandises invendues à cause du confinement.

Bonus écologique. Ce coup de pouce se montera à 7 000 euros pour l’acquisition d’une voiture électrique par un particulier, 5 000 euros par une entreprise (après avoir été abaissé à 3 000 euros au 1er janvier 2020). Les hybrides rechargeables seront désormais couvertes par le dispositif, à hauteur de 2 000 euros.

Prime à la conversion. Elle est élargie sur de nombreux critères, au point qu’Emmanuel Macron l’a qualifiée de « prime de relance ». Toute mise au rebut d’un véhicule polluant pour l’acquisition, en neuf ou d’occasion, d’une voiture électrique, hybride rechargeable, mais aussi thermique de dernière génération (diesel inclus), s’accompagnera d’une aide de 5 000 euros pour les deux premières catégories, 3 000 euros pour la dernière. Seules 200 000 primes seront toutefois distribuées à ces conditions.

Les entreprises ne sont pas oubliées : l’aide à l’achat d’un utilitaire léger électrique ou hybride rechargeable passe à 5 000 euros (au lieu de 2 500 euros).

Commande publique renforcée. L’État promet de montrer l’exemple en matière de voitures propres : il se fixera bientôt « un objectif de 50 % de véhicules électriques, hybrides ou à hydrogène » pour ses flottes. De la même manière, il entend accélérer sur l’installation de points de recharge électrique : les 100 000 bornes, prévues pour 2022, devront être installées dès 2021.

Habitué à évoluer sur une "ligne de crête" depuis le début de l'épidémie de coronavirus, Emmanuel Macron semble donc avoir opté pour la même stratégie avec ce plan de soutien. Il mêle pari d'une relance écologique, nécessité de reprise économique et tentative de redynamisation industrielle. Avec, au carrefour de ces enjeux et à la croisée des chemins, une filière à sortir du point mort.

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