Comment l'usine du futur peut doper l'industrie française
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Comment l'usine du futur peut doper l'industrie française

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Après la vapeur, l’électricité et les technologies de l’information et la communication, la quatrième révolution industrielle est en marche. Avec le numérique, la robotique ou encore l’intelligence artificielle, l’industrie française a toutes les cartes en main pour sonner son réveil. À condition que les PME régionales ne ratent pas le virage de l’usine 4.0.

En France, 5 000 PME auraient enclenché un processus de transformation industrielle. — Photo : Panuwat

Depuis cinq ans, Ventana Arudy, une ancienne fonderie créée en 1938, a plongé dans le grand bain de la quatrième révolution industrielle. Réalisant des pièces de grandes dimensions en aluminium et en magnésium pour l’aéronautique, cette usine, basée dans les Pyrénées, souhaitait diviser par quatre ses délais de développement et par deux ses coûts d’industrialisation, tout en réduisant la pénibilité des tâches et en diminuant son impact sur l’environnement. L’usine a développé une chaîne numérique tout au long du processus de fonderie, en introduisant notamment l’impression 3D dans les procédés de fabrication et en impliquant les collaborateurs dans l’ensemble du processus. Une « métamorphose » réussie et saluée par un label « Vitrine industrie du futur ».

Cinquante-huit autres entreprises arborent cette marque, décernée par l’Alliance Industrie du Futur (AIF). Portée par une trentaine d’organisations (comme CCI France, l’UIMM ou Bpifrance), cette association accompagne les projets de modernisation des entreprises industrielles françaises par les nouvelles technologies. Et pour emmener l’industrie tricolore dans l’ère du 4.0, elle compte bien s’appuyer sur une centaine d’entreprises « vitrines » d’ici à la fin de l’année, dont la moitié de PME.

Des technologies variées pour améliorer la productivité

Mais convaincre les entreprises de prendre le virage de l’industrie 4.0 n’est pas toujours chose aisée. Le concept représente en effet une réalité parfois complexe à appréhender : les technologies web et mobiles sont les plus connues. L’industrie 4.0 fait aussi référence à la réalité augmentée, une technologie qui permet de visualiser en temps réel des objets et des entités physiques sur un support numérique. Idem pour la réalité virtuelle, qui plonge l’utilisateur dans un monde virtuel et lui propose d’interagir avec lui.

Il existe aussi la fabrication additive, aussi connue sous le nom d’impression 3D, pour réaliser des pièces de forme spécifique et complexe en un temps record. Autre innovation : le cloud, qui permet de bénéficier de la puissance de calcul et de stockage de serveurs informatiques distants. Le big data, ou l’utilisation de données numériques à grande échelle, peut aussi être un axe de développement. Sans oublier la blockchain, utile pour protéger efficacement les échanges de données. Enfin, l’industrie du demain devra composer avec l’intelligence artificielle et des robots capables de travailler en collaboration avec les hommes.

Une transformation digitale salvatrice pour l'industrie française

Ces nouvelles technologies constituent une réelle opportunité pour redorer le blason de l’industrie tricolore, car elles promettent des vrais gains de productivité. En même temps, elles peuvent aider à relever certains défis socio-économiques, comme la préservation de l’environnement, la baisse de la pénibilité ou la traçabilité des marchandises. Les premiers effets se font d’ores et déjà ressentir. « L’industrie française a connu une vraie saignée ces quinze dernières années. Elle est passée de 16 % à 12,5 % du PIB et près d’un million d’emplois ont été perdus. Mais, depuis deux ans, on sent une vraie reprise : 10 000 emplois nets ont été créés l’an dernier », constate Jean-Marie Danjou, délégué général de l’Alliance Industrie du Futur.

« À l’horizon 2022, l’objectif est que 10 000 PME industrielles aient enclenché cette transformation numérique. »

En effet, il s’ouvre aujourd’hui davantage d’usines en France qu’il ne s’en ferme. En deux ans, l’Hexagone s’est ainsi doté de 42 unités de production supplémentaires, selon les estimations du cabinet Trendeo. Et dans la course mondiale à l’industrie du futur, le coq tricolore de la French Fab n’est pas en retard. En matière d’industrie 4.0, les entreprises françaises se situent au même niveau que leurs consœurs des États-Unis, du Royaume-Uni et d’Allemagne, selon une étude de BCG réalisée auprès de 1 500 entreprises, qui constate toutefois que les industriels chinois sont légèrement en avance.

« Aujourd’hui, il faut que les entreprises françaises effectuent un saut technologique, qui passe par le numérique et l’industrie du futur. Les 30 000 PME industrielles du territoire doivent être encouragées », appuie Jean-Marie Danjou. « La priorité, ce sont les PME dans leurs territoires. 5 000 d’entre elles, environ 20 %, ont déjà fait l’objet d’un début de transformation. Il reste beaucoup de travail. À l’horizon 2022, l’objectif est que 10 000 d’entre elles aient enclenché cette transformation », rappelle-t-il.

L'impact de l'usine du futur sur le modèle économique

Incitations fiscales pour favoriser la transformation numérique, mécanismes de suramortissement pour les investissements en robotique, fonds SPI, prêts spécifiques proposés par Bpifrance… : les pouvoirs publics ont récemment mis en place plusieurs dispositifs financiers pour accompagner la transformation de l’industrie française. Pour aider sur le terrain les entrepreneurs, ont aussi vu le jour des programmes pilotés par les conseils régionaux, en partenariat avec l’Etat. Ils prennent la forme de diagnostics et d’un accompagnement par des consultants.

« Ce n’est pas la technologie qui est compliquée, mais la conduite du changement qu'elles vont impliquer. »

En Bretagne, l’une des régions phares dans ce domaine, la Breizh Fab a ainsi déjà accompagné une cinquantaine d’entreprises vers le 4.0. La plupart d’entre elles sont issues de la filière mécanique, d’autres relèvent du domaine électronique, de la plasturgie ou encore de la menuiserie industrielle. « Un quart d’entre elles ont des demandes sur les outils numériques, d’autres sur l’automatisation et la robotisation. Certaines sur la réalité virtuelle », raconte Jean-Marc Thouélin, pilote du volet industrie du futur pour la BreizhFab.

Mais les besoins vont bien au-delà du conseil sur les nouveaux outils : « Nous nous sommes rendu compte que ces entreprises ont aussi des demandes au sujet de la stratégie, du lean, du management ou de la performance financière », ajoute-t-il. Car, avant de mettre en place de nouvelles technologies, il s’agit avant tout de revoir les fondamentaux du business : « L’organisation des ateliers, la maîtrise des coûts, c’est la base, souligne ainsi Stéphanie Hervé, correspondante pour l’Alliance Industrie du Futur. Le Graal, c’est de transformer son modèle économique en intégrant des outils numériques. Mais avant cela, il y a des étapes à respecter et les entreprises sont en train de le comprendre. Ce n’est pas la technologie qui est compliquée, c’est la conduite du changement que vont impliquer ces technologies qu’il faut anticiper. »

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