Coronavirus : l'État promet 18 milliards d'euros pour sauver le tourisme
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Coronavirus : l'État promet 18 milliards d'euros pour sauver le tourisme

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Le tourisme placé sous perfusion de l’État. Avec un plan sectoriel annoncé à 18 milliards d’euros, le gouvernement entend porter à bout de bras un secteur au bord de l’asphyxie, mais ô combien précieux pour l’économie nationale : il pèse 7 % du PIB français et représente 2 millions d’emplois. Pour limiter la casse, les entreprises touristiques, de l’événementiel à la culture, en passant par l’hébergement-restauration, pourront compter sur des aides d’urgence renforcées et un programme d’investissement de 3 milliards d’euros.

Des terrasses bondées sous un soleil d'été ? La scène reste encore incertaine pour 2020. Alors en attendant d'autoriser la réouverture des établissements, le gouvernement annonce 18 milliards d'euros d'aide et d'investissement pour tout le secteur touristique — Photo : © comité régional du tourisme de Bretagne

Un plan d’aide sur-mesure pour le tourisme : les professionnels se seraient sûrement bien passés de cet honneur, mais ils sont devenus, le 14 mai, les premiers à bénéficier d’un programme de soutien sectoriel de l’État - bien avant l’automobile et l’aérien, deux autres filières sinistrées par la crise du coronavirus. C’est que, à quelques semaines des vacances d’été, il y a urgence pour ces entreprises, touchées de plein fouet par les fermetures administratives et les restrictions de circulation en vigueur depuis mars.

Pour aider les acteurs du tourisme au sens large (hôtellerie-restauration, événementiel, culture et sport inclus), le gouvernement a donc présenté 21 mesures, évaluées à 18 milliards d’euros. La moitié de ces actions porte sur le financement des entreprises, qu’il s’agisse de mesures de trésorerie de court terme ou de programmes d’investissement sur la durée.

Un soutien d’urgence à l’emploi et la trésorerie

Au centre du plan tourisme, un ensemble de mesures immédiates pour préparer les entreprises à la reprise d’activité, à travers des actions en faveur de l’emploi et, surtout, de la trésorerie. En la matière, rien de révolutionnaire : le gouvernement reprend des outils bien connus depuis le début de la crise, pour les élargir ou les pérenniser.

• Emploi : le chômage partiel comme seul recours

Chômage partiel prolongé. Les professionnels du tourisme échapperont à l’évolution annoncée de l’activité partielle à partir du 1er juin. Les conditions actuelles du dispositif seront maintenues jusqu’à fin septembre [EDIT : échéance qui pourrait être repoussée jusqu'à fin décembre, selon une ordonnance du 24 juin]. Ils pourront ensuite continuer à en bénéficier « si leur activité ne reprend que progressivement, dans des conditions qui seront le cas échéant revues », précise le gouvernement.

Plateforme des métiers et d’orientation pour le tourisme créée. Attendu depuis un an, cet outil sera lancé à la mi-juin. Il est censé faciliter le recrutement de saisonniers.

• Charges : entre annulations, réductions et reports

Exonérations sociales automatiques. Principale nouveauté, la création d’un « crédit de cotisation ». « Égal à 20 % des salaires versés depuis février, [il] sera imputable sur l’ensemble des cotisations dues par l’entreprise. »

Ce mécanisme s’ajoute à l’exonération automatique, déjà annoncée, des cotisations sociales dues par les TPE-PME sur la période de mars à juin. Montant estimé du cadeau : 2,2 milliards d’euros. Mais le gouvernement précise que ces dégrèvements pourront être prolongés « tant que durera la fermeture obligatoire des établissements ».

Pour les entreprises de taille plus importante, « des étalements longs des charges sociales et fiscales reportées » restent possibles, ainsi que des annulations de dette, mais au cas par cas.

Annulations des loyers et redevances publics. Autre geste de l’État et de ses opérateurs : les TPE et PME concernées n’auront pas à leur payer les loyers et redevances d’occupation du domaine public, dus le temps de leur fermeture administrative.

Réduction de taxes locales. La taxe de séjour et la cotisation foncière des entreprises du tourisme pourront être revues à la baisse. Cette mesure est toutefois laissée à la discrétion des collectivités locales.

Report des échéances bancaires. Les banques aussi sont appelées à faire un geste : les PME pourront demander à leur agence de reporter jusqu’à douze mois leurs remboursements de crédits. La règle instaurée au début de la crise limitait cette possibilité à un maximum de six mois. Étant précisé que la banque reste libre d’accepter ou non la requête, « en fonction des besoins évalués dans le cadre de la relation client ».

• Liquidités : des aides aux conditions plus avantageuses

Plafond redéfini pour le prêt garanti par l’État. Le PGE permet en principe d’emprunter auprès de sa banque l’équivalent de trois mois de chiffre d’affaires annuel. Pour les entreprises du tourisme, la règle change : le montant maximal du crédit sera calculé sur le CA des trois meilleurs mois de 2019. Une nuance qui vaut à ce prêt garanti spécial d’être rebaptisé « PGE saison ».

Fonds de solidarité élargi et prolongé. L’accès au fonds est maintenu jusqu’à fin 2020 (au lieu de fin mai) et ouvert aux entreprises de plus de 20 salariés et 2 millions d’euros de chiffre d’affaires (au lieu de 10 salariés et 1 M€) [EDIT : le fonds a également été étendu, le 10 juin, aux secteurs dont l'activité dépend du tourisme]. L’aide complémentaire, attribuée par les Régions, passe à 10 000 euros (au lieu de 5 000).

L'ensemble des aides présentées ci-dessus sont détaillées sur une plate-forme d'information officielle, www.plan-tourisme.fr.

• Assurance : des pertes d’exploitation prises en charge

Dans la tourmente depuis le début de l’épidémie, pour leur gestion précautionneuse de la crise et leur lecture conservatrice des contrats, les assureurs sont mis à contribution pour sauver le tourisme. Ils vont débourser pas moins de 1,05 milliard d’euros, dont 900 millions en indemnisation (« 600 M€ de prise en charge contractuelle, 300 M€ extracontractuelles », précise le gouvernement). Le reste viendra renforcer, d’ici à l’été, l’effort d’investissement consenti par l’État.

Près de 3 milliards d’euros d’investissement

Pour sauver les entreprises du tourisme à l’arrêt depuis deux mois, les mesures habituelles ne pouvaient pas suffire. Le gouvernement annonce donc un vaste programme d’investissement de 2,9 milliards d’euros d’ici à 2023. Il sera porté par Bpifrance et la Banque des Territoires, à travers plusieurs leviers. Elles participent à consolider la trésorerie des entreprises, mais aussi leurs fonds propres.

• Fonds et prêts pour financer la reprise

Fonds d’urgence régionaux. Ces dispositifs locaux, abondés par la Banque des Territoires, vont permettre d’accorder aux entreprises 230 millions d’euros, sous forme d’avances remboursables.

Prêts complémentaires de la Banque des Territoires. Autre effort consenti par la filiale de la Caisse des dépôts : 500 millions d’euros vont être débloqués « en complément d’offres bancaires […] pour accompagner le repositionnement de l’offre touristique ».

Prêt Tourisme de Bpifrance. La Banque publique d’investissement fait plus que tripler l’enveloppe prévue avant-crise pour son « Prêt Tourisme ». Il passe à 1 milliard d’euros.

• Investissements pour construire l’avenir

Le plan d’investissement, éventé le 11 mai, est confirmé : plus de 1,3 milliard d’euros seront injectés en fonds propres dans les entreprises. L’idée est « aussi bien de soutenir le redéploiement de l’offre des petits acteurs du tourisme, ancrés dans les territoires, que d’investir dans la consolidation et l’excellence de la filière, à travers des prises de participations stratégiques auprès d’acteurs de taille plus importante ». L’État investisseur misera en particulier sur des projets durables et numériques.

Dans le détail, il est notamment prévu une enveloppe de 300 millions pour « la filière thermalisme, montage et ports de plaisance », la création d’un fonds « Rebond Tourisme » (FRT) de 400 millions d’euros et le renforcement du FTSI, le Fonds Tourisme social investissement, porté à 225 millions d’euros. (+150 M€).

Des coups de pouce pour relancer la demande

Les consommateurs seront-ils au rendez-vous de la reprise ? Au-delà des incertitudes liées à l’évolution même de l’épidémie, cette question hante bon nombre d’entreprises. Avec la fermeture des frontières, les professionnels du tourisme savent qu’ils ne pourront compter que sur la demande nationale pour sauver ce qui peut l’être de la saison 2020. Dans ces conditions, le gouvernement a tenté d'apporter quelques réponses pour rassurer les visiteurs.

• Respect des règles sanitaires

Les entreprises touristiques n'échapperont pas aux désormais incontournables fiches métiers et guides pratiques du ministère du Travail. Ces documents (déjà en ligne ou à venir) complètent le protocole sanitaire général publié le 3 mai. Ils fournissent un ensemble de consignes à suivre pour garantir des conditions de sécurité optimales aux salariés comme aux clients. Une contrainte nouvelle, présentée par le gouvernement comme « un élément indispensable de réassurance » pour faire revenir les touristes.

• Incitations à la consommation

Plafond des tickets-restaurants. Le montant maximal autorisé chaque jour sera doublé. Il passe à 38 euros. Une somme utilisable week-ends et jours fériés. La mesure, destinée à soutenir la restauration, sera valable jusqu’à la fin de l’année.

Conditions de remboursement. Pour pousser les Français à la réservation, le gouvernement demande aux professionnels un geste commercial, sous la forme d’une offre de remboursement intégral pour toute annulation des commandes à venir sur la période estivale. Un appel déjà entendu par plusieurs fédérations professionnelles.

Le gouvernement donne à présent rendez-vous à la filière avant la fin de l’année, pour mesurer l’impact de ce premier paquet de mesures et en prendre éventuellement de nouvelles. Avant cela, il lui reste une autre décision, cruciale, à prendre : celle de la réouverture des derniers commerces encore fermés, dont les cafés et restaurants. Verdict attendu pour eux dans la semaine du 25 mai. Car malgré ses 18 milliards d’euros, ce plan tourisme sera de bien peu d’utilité, si les entreprises sont, au final, obligées de garder portes closes.

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