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Pourquoi les entreprises détiennent les clés de la réindustrialisation de la France
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Pourquoi les entreprises détiennent les clés de la réindustrialisation de la France

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Pour sauver ses usines, la France ne doit pas se contenter de relocaliser. Il lui faut surtout se réindustrialiser, plaide Bpifrance, dans un ouvrage dévoilé en exclusivité par Le Journal des Entreprises. Vaste programme, mais la mission est loin d’être impossible, selon la banque publique. À partir de l’exemple de 13 entreprises engagées sur cette voie, elle explique comment regagner en compétitivité, à l’heure du changement climatique et des technologies numériques.

Le nordiste Exotec fait partie des 13 entreprises érigées en exemple de réindustrialisation — Photo : Exotec Solutions

Réindustrialiser l’Hexagone, Bpifrance y croit dur comme fer. Mais pas question de prêcher seule dans le désert. Pour évangéliser les entreprises et les convertir aux vertus de la production made in France, la banque publique sort un nouveau guide, au titre résolument enthousiaste : Ré-industrialisons ! Ensemble pour une industrie innovante et conquérante.

Particularité de cet ouvrage de 51 pages : il s’appuie sur les témoignages de 13 sociétés, telles que le nordiste Exotec, l’isérois Soitec, l’alsacien Alsapan ou le normand CPM industries. Treize apôtres de la réindustrialisation, jugés exemplaires pour leur gestion de la crise du Covid-19. Or, assurent les auteurs, leur "résilience" découle directement d’une stratégie volontariste et de "plans de transformation" préalables à l’épidémie.

Transformer son entreprise pour réussir sa réindustrialisation

L’idée, avec ce "plaidoyer", est, dès lors, d’apporter la preuve par l’exemple "qu’il est possible de fabriquer en France des produits compétitifs à forte valeur ajoutée intégrée, explique Philippe Mutricy, le directeur des études de Bpifrance. Nous voulons donner envie de développement industriel, stimuler l’ambition, avec un message d’espoir et un mode d’emploi." Car, en la matière, pas de miracle : une réindustrialisation réussie passe nécessairement par une transformation profonde de l’entreprise.

Le guide délivre ainsi sept "priorités stratégiques" à implémenter pour accomplir cette mutation, chacune étant illustrée par les 13 dirigeants témoins. Au programme : gagner en qualité et flexibilité grâce aux outils numériques, repenser son développement commercial, s’appuyer sur le capital humain, réinventer les relations avec ses fournisseurs et/ou donneurs d’ordres, développer son écosystème, se projeter à l’international… "mais, à mes yeux, la plus importante pour le dirigeant est : s’engager dans la transition écologique de son entreprise", souligne Philippe Mutricy.

« Notre étude explique comment arriver à créer de la valeur pour défendre ses prix. »

"Cette priorité donne une cible à cinq ans. Or, pour l’atteindre, il faut construire un chemin qui intégrera forcément les six autres." Le contexte plaide aussi en faveur d’une telle démarche - le défi climatique pourrait s’imposer aux acteurs économiques bien plus vite qu’ils ne le pensent, sous l’effet notamment des politiques publiques, actuelles ou à venir (à l’image du futur pacte vert de l’Union européenne).

De cette contrainte environnementale peuvent toutefois émerger de nouvelles opportunités. Le guide relaie ainsi les réflexions en cours chez Normandise, fabricant d’aliments pour animaux domestiques : "De par notre process de production, nous refroidissons les produits après stérilisation, donc nous disposons de chaleur fatale. Cette chaleur pourrait servir au développement de [nouvelles protéines]", indique le directeur général François Duquesne.

Ce genre de réflexions devrait devenir des réflexes à l’avenir. Problème : en général, les entreprises peinent à traduire leur conscience écologique en actes économiques. La faute, notamment, à la difficulté de faire accepter à leurs clients les éventuels surcoûts de ces efforts environnementaux. "Notre étude répond justement à cette question : comment j’arrive à créer de la valeur pour défendre mes prix."

Améliorer sa compétitivité hors coût pour préserver ses marges

Car c’est bien là, en réalité, tout l’enjeu de ce guide de Bpifrance. Et la clé, aussi, d’une réindustrialisation réussie : "sortir d’une logique unique de coût", pour guérir les usines tricolores de leur manque chronique de compétitivité hors prix. Deux chiffres, cités par la banque publique, illustrent le problème : "Sur la période 1991-2019, la valeur ajoutée industrielle a augmenté de 41 % en volume en France, contre 34 % seulement en Allemagne. Mais en valeur, le rapport s’inverse : +42 % pour la France, +70 % pour l’Allemagne".

Autrement dit, décrypte Philippe Mutricy, "nos chefs d’entreprise sont plus souvent obligés d’accepter des baisses de prix, quand, outre-Rhin, la qualité proposée permet aux industriels locaux de mieux préserver leurs marges". Sans compter que "la relation client entre sous-traitants et donneurs d’ordres a toujours été particulièrement difficile en France, avec des délais de paiement trop longs, un soutien à l’innovation des PME trop faibles et une mise en concurrence avec les producteurs asiatiques trop forte."

Dans ce contexte, la réindustrialisation tient de la gageure. Sauf à la considérer comme une partie de la solution. Ce qui suppose de voir plus loin que la seule relocalisation, vantée par le gouvernement et soutenue par son plan de relance.

Réindustrialiser, plutôt que relocaliser, pour se renforcer

Plus que le simple rapatriement de productions parties à l’étranger, Bpifrance milite ainsi pour un "re-développement de l’industrie française, sur de nouvelles bases". Lesquelles ? L’étude en identifie six, comme autant de pistes à creuser pour les entreprises prêtes à se lancer : valoriser les compétences ; raccourcir le cycle de production ; se rapprocher du client final ; "produire propre" ; faire de la "personnalisation de masse" avec l’industrie 4.0 ; et bâtir une offre de services.

À ce sujet, Philippe Mutricy donne l’exemple, absent du livre, d’un fabricant de boulons pour l’aéronautique et l’automobile, devenu, en 2013, "expert en fixation industrielle" : "Il a augmenté ses marges de façon considérable, parce qu’il est sorti d’une vision un peu étroite du produit pour évoluer vers le service et le conseil."

« Certes, cette stratégie de réindustrialisation demande des efforts en sortie de crise, mais elle sera extrêmement rémunératrice ensuite. »

Mais est-ce vraiment le bon moment pour pousser des entreprises, éreintées par des mois de crise sanitaire, vers des projets de transformation d’une telle ampleur ? Non. C’est le moment idéal, corrige Philippe Mutricy : "Premier arrivé, premier servi ! Les entreprises qui intégreront plus vite les enjeux climatiques, le raccourcissement des chaînes de production, la création de forte valeur ajoutée en France, etc., seront celles qui prendront les premières parts de marché, assure-t-il. Certes, cette stratégie demande des efforts en sortie de crise, mais elle sera extrêmement rémunératrice ensuite."

Les entreprises seront-elles prêtes à prendre le risque de se réinventer maintenant ? Peut-être, mais pas sans certaines garanties. Selon une récente étude du Lab de Bpifrance, centrée sur la relocalisation, 90 % des industriels se disent favorables à faire revenir des usines dans le pays. Mais, pour 55 % d’entre eux, ce n’est tout simplement pas envisageable sans soutien de l’État, car leur "équation économique" actuelle ne suffit pas, seule, à rendre viable un tel projet.

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