Plan de relance : à quoi vont servir les 100 milliards d'euros du gouvernement ?
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Plan de relance : à quoi vont servir les 100 milliards d'euros du gouvernement ?

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Jour J pour le plan de relance du gouvernement. Longtemps annoncé, ce programme de 100 milliards d’euros doit aider au rétablissement de l’économie française, affaiblie par l’épidémie de Covid-19. Impôts de production, investissements stratégiques, transition écologique, soutien à l’emploi… ce plan, baptisé « France Relance », devrait changer la vie des entreprises à plus d’un titre, au cours des deux prochaines années.

Avec son plan de relance, le gouvernement espère contribuer au maintien, voire la relocalisation, des usines en France. L'industrie devrait ainsi être le principal bénéficiaire de la baisse des impôts de production de 10 milliards d'euros — Photo : © Guy Cotten / Franck Betermin

Le Premier ministre en avait déjà donné les principaux ingrédients (emploi, industrie, environnement) à la mi-juillet. Les membres de son gouvernement y étaient allés, depuis, de quelques confidences aux allures de saupoudrage (1 Md€ pour les relocalisations, 2 Md€ pour la culture, etc.). L’heure est venue, pour le gouvernement, de présenter (enfin) sa recette pour remettre sur pied l’économie française, mise à la diète par l’épidémie de Covid-19.

Au menu de ce programme, baptisé prosaïquement « France Relance », quelque 70 actions et deux objectifs majeurs : retrouver, d’ici à 2022, le même niveau d’activité qu’en 2019 (malgré une récession estimée à -11 % en 2020) et limiter la propagation du chômage en 2021-2022 (en dépit des 800 000 destructions d’emplois attendues cette année).

Une enveloppe de 100 milliards d’euros, vraiment ?

Reporté à deux reprises, attendu depuis plusieurs mois, le plan de relance se veut en tout cas à la hauteur de la crise historique en cours. Et d’abord par son montant : 100 milliards d’euros. L’équivalent de 4 points de PIB, soit « à peu près ce que nous estimons être la perte de croissance » provoquée par l’irruption du coronavirus en France, glisse Matignon. L’effort consenti serait même quatre fois plus important que celui réalisé après la crise financière de 2008.

Mais ce chiffre rond ressemble quelque peu à un effet d’annonce. Les 100 milliards seront, en réalité, mobilisés sur deux ans et demi, jusqu’en 2022 inclus. Et certaines mesures ont déjà été annoncées, chiffrées, voire réalisées. Y sont, par exemple, intégrés les actions en faveur de l'emploi des jeunes, ou encore le volet d’aide au financement de la R & D prévu dans les plans de soutien à l’aéronautique et à l’automobile.

Un plan de relance, deux temporalités, trois piliers

Pour autant, et au-delà du montant de 100 milliards d’euros, le gouvernement affiche surtout ses ambitions à travers les objectifs assignés à « France Relance ». Le plan doit servir aussi bien à « relancer l’activité à court terme qu’à préparer la France à l’horizon 2030. Il ne doit pas être un feu de paille », insiste l’entourage du Premier ministre Jean Castex. Autrement dit, le rebond d’aujourd’hui doit jeter les bases de la croissance de demain.

« Le plan de relance vise à faire en sorte que l’économie ne s’effondre pas, que le chômage n’explose pas. »

Sur RTL, le chef du gouvernement a toutefois insisté sur les impacts à brève échéance. Ce plan vise à « réinjecter massivement de l’argent dans l’économie », pour « faire en sorte [qu’elle] ne s’effondre pas, que le chômage n’explose pas. » Et pas question de voir dans ces 100 milliards un cadeau aux entreprises : « C’est un cadeau fait à la France », a répliqué Jean Castex. « Si les entreprises repartent, il y a moins de chômage et plus d’emplois. C’est aussi simple que cela. »

Pour ce faire, le gouvernement entend donc agir, et investir, dans trois domaines : la compétitivité économique, la transition écologique et la cohésion sociale et territoriale.

Améliorer la compétitivité : relocaliser et investir

Le gouvernement compte consacrer 35 milliards d’euros à la compétitivité et l’innovation des entreprises françaises. Ce que le Premier ministre a présenté comme un « plan de réarmement industriel pour la France ».

Baisse des impôts de production (10 Md€). Annoncé de longue date, confirmé récemment, ce geste fiscal, accordé sans « contrepartie directe », est « la seule mesure pérenne » du plan de relance. Et pour cause : elle est « nécessaire pour renforcer la compétitivité de nos entreprises et la relocalisation sur le territoire », justifie le gouvernement. Et de rappeler que ces impôts sont deux fois plus importants en France, comparativement à la moyenne européenne.

Concrètement, cette réduction annuelle de 10 milliards d’euros sera donc obtenue par :
- une diminution de 50 % de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), grâce à la suppression de la part régionale de cet impôt (-7,25 Md€) ;
- une baisse de moitié des impôts fonciers, au bénéfice de 86 000 établissements industriels (-1,75 Md€ de taxe sur les propriétés bâties et -1,54 Md€ de contribution foncière des entreprises) ;
- un abaissement du taux de plafonnement de la contribution économique territoriale, qui passera de 3 à 2 % de la valeur ajoutée.

Selon les calculs de Bercy, la mesure profitera principalement aux ETI (à 42 %), plus qu’aux TPE-PME (32 %) ou aux grandes entreprises (26 %). Au niveau sectoriel, l’industrie devrait capter 37 % de ce cadeau fiscal, le commerce 15 %.

Lancement d’un quatrième programme d’investissements d’avenir (11 Md€). Appelé à la rescousse de la relance, le PIA sera mobilisé à hauteur de 11 milliards d’euros en 2021-2022 (sur les 20 Md€ que devrait atteindre cette quatrième tranche d’ici à 2025). Cette somme ira vers le développement de marchés, technologies ou filières stratégiques, que ce soit en matière de transition écologique (hydrogène, recyclage, produits biosourcés, etc.) ou numérique (intelligence artificielle, cybersécurité, cloud, éducation, santé, quantique). L’objectif est également de « garantir un financement structurel pérenne et prévisible aux écosystèmes […] de recherche et d’innovation ».

Renforcement des fonds propres des entreprises (3 Md€). Au plus fort de la crise, les prêts garantis par l’État ont eu le mérite d’apporter un coussin de trésorerie immédiat aux entreprises. Mais l’inconvénient d’accroître leur endettement (+152 Md€, selon le gouvernement), au risque de pénaliser leur redressement à l’avenir.

« Dans une logique aussi défensive qu’offensive », Bercy va donc proposer une double garantie publique, d’une part, sur des prêts participatifs de long terme, équivalents à des quasi-fonds propres (à hauteur de 2 Md€) et, d’autre part, sur des fonds d’investissement labellisés « France Relance » (1 Md€). L’idée est, par effet de levier, avec le concours des banques, d’apporter ainsi 15 à 20 milliards d’euros de fonds propres aux sociétés tricolores.

Pas question de leur signer un chèque en blanc pour autant. Interrogé sur les contreparties aux aides accordées aux entreprises, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a jugé « légitime » que l’État impose aux bénéficiaires des prêts participatifs des exigences « en matière de respect de l’environnement, de gouvernance (sur l’égalité femmes-hommes, par exemple), d’intéressement et de participation ».

Subventions à l’investissement industriel dans les territoires (1 Md€). Cette enveloppe se divisera en deux parties : 600 millions pour les projets de relocalisation dans cinq secteurs cibles ; 400 millions pour les investissements réalisés dans les Territoires d’industrie.

Pour Jean Castex, ces subventions, comme la mobilisation du PIA, sont une réponse directe à la crise du coronavirus. Elle « a mis en lumière quelque chose […] qui devient insupportable : la dépendance de l’économie française dans certains secteurs vitaux pour le pays », a-t-il insisté sur RTL. Sa volonté est donc d'« investir massivement pour que nous localisions ou relocalisions des activités actuelles ou futures. »

Aide à la transition numérique (2,5 Md€). Ne vous fiez pas au montant global : seuls 385 millions d’euros seront effectivement orientés vers la digitalisation des TPE-PME, la majeure partie de cette enveloppe étant réservée à l’État et aux territoires ! Un demi-milliard supplémentaire sera toutefois consacré au « développement des infrastructures numériques, en particulier le très haut débit ».

Agir pour l’environnement : rénover et innover

Dans son discours de politique générale du 15 juillet, Jean Castex avait promis 20 milliards d’euros en faveur de l’environnement. Ce sera finalement 30 milliards. Le gouvernement a décidé de concentrer son action sur les quatre secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre, auquel s’ajoute un soutien plus léger à l’économie circulaire.

Transports : les modes de déplacement les moins polluants privilégiés (11 Md€). À commencer par le ferroviaire : il récupérera, à lui seul, 7,4 milliards d’euros (au bénéfice notamment du fret, des trains de nuit et des « petites lignes »). Pour le reste, il s’agit de soutenir les « mobilités du quotidien » (1,2 Md€ pour le plan vélo et les transports en commun) et les véhicules propres (incitations à l’achat, construction de bornes électriques).

Industrie : la transition écologique par l’innovation (9 Md€). Le gouvernement met 9 milliards sur la table pour se « donner les moyens industriels et technologiques d’atteindre la neutralité carbone en 2050 ». Premier exemple mis en avant : un investissement de 7 milliards d’ici à 2030 (dont 2 Md€ dès les deux prochaines années) pour développer la filière de l’hydrogène vert (issu d’énergies renouvelables) en France. L’an dernier, elle avait dû se contenter d’une enveloppe de 100 millions d’euros.

>> A lire : Comment l'Etat veut faire de l'hydrogène le moteur de sa relance verte

Par ailleurs, un programme de « décarbonation de l’industrie » sera doté de 1,2 milliard (dont 200 M€ dès cette année) et piloté par l’Ademe. Seront accompagnés dans ce cadre les travaux d’efficacité énergétique, les remplacements de chaudières (au profit de sources de chaleur bas carbone) ou encore les projets de sites industriels très polluants (comme les aciéries ou les cimenteries) nécessitant le recours à des technologies lourdes.

>> Plus de détails sur les deux premiers appels à projets pour la décarbonation des usines (efficacité énergétique et la biomasse)

Bâtiment : priorité à la rénovation énergétique (6,7 Md€), avec un vaste programme de travaux sur les bâtiments publics (4 Md€) et les logements de particuliers (2 Md€ pour étendre « à tous les Français », au 1er janvier 2021, le nouveau dispositif MaPrimeRénov'). Les TPE-PME ne sont pas oubliées et devraient récupérer 200 millions d’euros. Enfin, quelque 500 millions financeront des opérations lourdes de réhabilitation du parc HLM.

Agriculture : vers une production plus durable et locale (1,2 Md€). L’effort portera, entre autres, sur l’alimentation (350 M€ pour les circuits courts et les efforts environnementaux), le renouvellement de l’équipement agricole (250 M€), l’élevage (250 M€, notamment pour la modernisation des abattoirs), les forêts (200 M€), etc.

Économie circulaire : des ressources pour les déchets (500 M€). Le développement du recyclage et du réemploi sera accompagné, entre autres par la modernisation des centres de tri et l’accompagnement de la filière plastique.

Assurer la cohésion : préserver l’emploi et les territoires

Le plan de relance comporte un dernier volet à près de 36 milliards d’euros, centré sur les acteurs locaux, l’aménagement du territoire et l’emploi. Au-delà de quelques mesures éparses (50 M€ pour le tourisme, 350 M€ pour l’entretien du réseau routier et des ponts, etc.), trois axes s’en dégagent.

Emploi : des recettes bien connues pour éviter le chômage (15 Md€). L’emploi demeure « notre priorité absolue », a répété Jean Castex en introduction de sa présentation. Pour le préserver, le Premier ministre compte sur le plan jeunes, annoncé fin juillet (6,7 Md€) et l’activité partielle, qu’il s’agisse du régime classique ou de celui de longue durée, créé au cours de l’été (6,6 Md€). Avec l’un comme l’autre, le gouvernement espère sauver 300 000 emplois en 2021, mais aussi en créer 400 000 autres en un an, à partir de la fin de cette année, dont au moins 160 000 grâce au plan de relance, a indiqué Jean Castex sur RTL.

Plusieurs actions en faveur de la formation s’ajoutent à ces dispositifs. Exemple : le Fonds national de l’emploi (FNE-Formation) sera doté d’1 milliard d’euros, au bénéfice des entreprises en chômage partiel. Leurs salariés seront, dans ce cas, orientés de préférence vers les métiers soutenus par le plan de relance. En parallèle, « près de 400 millions supplémentaires seront investis dans l’adaptation à la transformation des métiers dans certains secteurs et aux projets de reconversion des salariés », a promis la ministre du Travail Élisabeth Borne.

Commerce : un soutien par petites touches (3,15 Md€). Le plan de relance prévoit 150 millions d’euros pour la rénovation des magasins de centre-ville. Les 3 milliards restants, à la main de la Banque des territoires, se partageront entre la mise en place de sociétés foncières pour soutenir le petit commerce et la construction de logements sociaux.

Santé : confirmation des investissements dans les hôpitaux (6 Md€), avec l’accent mis sur les équipements et le numérique.

⏩ A LIRE : Le détail de l'ensemble des mesures du plan « France Relance »

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