Région Sud
"248 000 intentions d'embauche cette année en Provence-Alpes-Côte d'Azur, c'est une bonne nouvelle"
Interview Région Sud # Industrie # Créations d'emplois

Pascal Blain directeur de France Travail Provence-Alpes-Côte d'Azur : "248 000 intentions d'embauche cette année en Provence-Alpes-Côte d'Azur, c'est une bonne nouvelle"

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L'enquête annuelle de France Travail sur les besoins en main-d'œuvre fait état de près de 248 000 intentions d'embauche cette année en Provence-Alpes-Côte d'Azur. Un chiffre en baisse certes, de près de 11 %, mais qui constitue selon Pascal Blain, directeur général de l'ex-Pôle emploi, une bonne nouvelle, le marché de l'emploi restant très dynamique.

Pascal Blain est le directeur de France Travail Provence-Alpes-Côte d'Azur — Photo : ANNE LOUBET

Avec 248 000 intentions d'embauche en région Sud cette année, peut-on parler de retour à la normale ?

Le nécessaire rattrapage post Covid est passé donc oui, nous pouvons dire que nous revenons à une certaine normale, au niveau de 2019, notamment sur l'emploi saisonnier. Bonne nouvelle, le marché reste bien dynamique en nombre de projets alors même que l'on parle de ralentissement de l'activité. C'est un bon message : il y a de l'emploi disponible et des intentions d'embauche dans tous les bassins de notre région (environ 52 600 intentions d'embauche dans les Alpes-Maritimes, 51 200 dans le Var, 88 650 dans les Bouches-du-Rhône et plus de 34 000 dans le Vaucluse, NDLR).

Sans surprise, le secteur des services est le premier recruteur potentiel avec 68 % d'intentions d'embauche. L'industrie est le dernier avec seulement 3 %. Les projets sont pourtant nombreux ?

Je surveille de près l'industrie et le potentiel de l'ouest de la région, on parle de 12 000-15 000 emplois directs, 60 000 emplois indirects.

Oui, PACA n'est pas réputée pour son industrie, dans les années 80-90, on rêvait d'une France sans usines. Mais grâce notamment à la décarbonation, les courbes de l'emploi dans l'industrie en région PACA sont vertigineuses, on vient de passer au-dessus de la moyenne nationale sur la part du secteur dans le PIB. Il faut faire le pari d'une région industrielle. Pour cela, il faut réussir les grands projets qui sont dans les tuyaux autour de l'éolien, de l'hydrogène, du solaire, de l'acier vert. Il faut aussi répondre par exemple aux attentes d'Airbus Helicopters (7,3 milliards d'euros de chiffre d'affaires, NDLR) dont le carnet de commandes est plein pour plusieurs années. Autour de l'Étang de Berre, il y a des emplois durables pour trente ans à pourvoir et qui payent bien, pour les hommes et les femmes. Chez John Cockerill, on a pris des gens au RSA, payés ensuite entre 2 000 et 3 000 euros brut, c'est un salaire de départ ! Il faut relever ce défi là et saluer les industriels qui travaillent avec l'Education Nationale dès le collège, et avec les lycées professionnels pour valoriser tous ces métiers.

Un gros point noir demeure : 62 % des employeurs de la région jugent leur projet de recrutement difficile.

Avec une pression un peu moindre et une légère baisse des d'offres, on aurait pu imaginer que les difficultés baisseraient, or elles restent à haut niveau.

Avant Covid, nous étions plutôt autour de 40-45 %. Ce qui veut bien dire que la place du travail a changé, il y a un problème de dialogue entre les entreprises et les candidats. Évidemment, il n'y a pas une cause unique mais, comme nous le montre l'enquête, les chefs d'entreprise disent manquer avant tout de candidats et de profils adaptés. Du côté des demandeurs d'emploi, on peut imaginer qu'ils cherchent autre chose que ce qu'ils cherchaient traditionnellement. Le sujet de l'attractivité des offres se pose très certainement.

En région Sud, 62 % des chefs d'entreprise jugent leur projet de recrutement difficile — Photo : France Travail Provence-Alpes-Côte d'Azur

Pourtant, les entreprises font de gros efforts en termes d'attractivité...

Oui, on voit bien que tout le monde fournit des efforts, y compris le secteur public qui représente 22 % des emplois de la région. Tout le monde s'y met, se demande quoi mettre en avant, travaille sur la valorisation des salaires, les conditions de travail, les rythmes notamment dans l'hôtellerie-restauration, sur l'engagement sociétal… Pourtant, le constat est là.

"Pour certains employeurs, les gens n'ont plus envie de travailler, ce n'est pas vrai. Il y a de l'engagement, y compris chez les jeunes, mais ils ne veulent pas s'engager pour les mêmes choses qu'avant. Il faut que nous trouvions collectivement la façon de faire."

Que proposez-vous pour les aider en ce sens ?

Nous avons développé tout un programme de masterclass pour développer l'attractivité des offres. Nous avons aussi des méthodes de recrutement différentes, je pense par exemple aux forums inversés où ce sont les candidats qui mènent la danse et posent les questions aux entreprises. Nous développons surtout des méthodes de recrutement sans CV, pour créer les conditions d'une rencontre différente entre entreprises et demandeurs d'emploi. Cela permet au moins de travailler sur le critère "bon profil" car beaucoup sont bloqués au niveau du CV alors qu'ils pourraient tout à fait donner satisfaction.

Beaucoup de chefs d'entreprise disent que la valeur travail n'existe plus. Partagez-vous ce constat ?

Le travail n'a plus la place qu'il avait avant, c'est certain. Un jeune par exemple qui commence dans un restaurant et se retrouve avec un cuisinier aux méthodes un peu violentes, repartira tout de suite. Certains employeurs traduisent vite fait que les gens n'ont plus envie de travailler, ce n'est pas vrai. Nos études le montrent, il y a de l'engagement, y compris chez les jeunes, mais ils ne veulent pas s'engager pour les mêmes choses qu'avant. Il faut que nous trouvions collectivement la façon de faire. La méthode coercitive n'est pas celle qui fonctionne le mieux.

Ce que je dis est lié aussi à ce que nous voyons, à des entreprises qui trouvent des solutions. A l'image de Fatec, à Marseille qui a embauché 50 personnes d'un coup. Ils sautent le pas, ils font confiance aux gens. Nous allons par ailleurs travailler avec eux sur la question de la mobilité des demandeurs d'emploi. C'est une entreprise qui est engagée dans la société et ça, ça parle aux gens.

"76 % des embauches se font dans les entreprises de moins de 50 salariés"

Selon vous, est-ce que cette nouvelle approche du travail est une tendance de fond qui va perdurer ?

C'est un peu toute la question. Il faut saluer pour cela la politique du gouvernement qui s'attaque à deux sujets freins. D'abord le fait que nous n'arrivions pas à toucher tout le public d'entreprises, notamment les TPE pour lesquelles il est compliqué de recruter, d'abord parce qu'elles n'ont pas de service RH et qu'elles connaissent mal le marché du travail. Elles ont tendance à vouloir ce qui n'existe pas : un jeune chauffagiste avec un CAP, qui parle anglais, accepte les déplacements, a une première expérience et est payé juste au-dessus du Smic ! Quand on explique qu'un senior ou une femme avec une première expérience professionnelle, peut avec une formation, répondre aux besoins, on se fait mal accueillir. Néanmoins, les états d'esprit progressent et c'est capital car 76 % des embauches se font dans les entreprises de moins de 50 salariés. Les entreprises de zéro salarié vont recruter cette année davantage que celles de plus de 200 salariés. Nous allons donc davantage prospecter ces petites entreprises, aller à leur rencontre.

Le deuxième sujet, comme l'a dit le Premier ministre, est de travailler à "désmicardiser la France", oeuvrer à la valorisation des salaires et surveiller l'écart existant entre les salaires et le revenu des allocations. Aujourd'hui, pour beaucoup, reprendre un emploi représente un coût, voire un surcoût. Il faut que l'on se sorte un peu de cela.

Et quelle est votre marge de manœuvre ?

Nous sommes des opérateurs, très dépendants des textes, mais nous faisons œuvre de pédagogie avec les entreprises pour leur expliquer qu'en dessous d'un certain niveau de salaire, ils ne trouveront pas. Nous pouvons aussi faire de la pédagogie auprès des demandeurs d'emploi où il y a aussi de l'engagement : 83 % d'entre eux cherchent activement, il y a une volonté.

Région Sud # Industrie # Services # Créations d'emplois # Conjoncture