Emploi, industrie et écologie, au cœur du futur plan de relance à 100 milliards d'euros
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Emploi, industrie et écologie, au cœur du futur plan de relance à 100 milliards d'euros

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Préparé depuis des semaines, annoncé pour la rentrée, le plan de relance de l’économie commence enfin à se dévoiler. Le Premier ministre Jean Castex a profité de son discours de politique générale, le 15 juillet, pour en poser les principaux jalons. Si l’emploi est officiellement désigné « priorité absolue » du nouveau gouvernement, la reconquête industrielle et la transition écologique seront aussi au cœur de ce programme à 100 milliards d’euros. Avec néanmoins un semblant de primauté donné à la première sur la seconde.

Principale mesure concrète présentée par Jean Castex dans son discours de politique générale, le "dispositif exceptionnel de réduction du coût du travail", plafonné à 4 000 euros par an, doit favoriser l'embauche des jeunes de moins de 25 ans — Photo : © bnenin - stock.adobe.com

Le gouvernement lève un coin du voile sur son futur plan de relance. Au lendemain de l’interview présidentielle du 14-Juillet et à la faveur de son discours de politique générale devant les députés, le nouveau Premier ministre Jean Castex a dessiné les grandes lignes de ce programme de « reconstruction » économique.

Attendu à la rentrée, il a été estimé à 100 milliards d’euros par Emmanuel Macron. Cette somme, « ce n’est pas rien, mais c’est une nécessité vitale », a souligné Jean Castex, face à une « crise économique et sociale d’une ampleur probablement inégalée depuis la dernière Guerre mondiale ». Au-delà de la santé, qui bénéficiera d’un effort de près de 20 milliards d’euros à elle seule (13 milliards en reprise de dette, 6 milliards en investissement), ce plan de relance reposera sur trois piliers : l’emploi, l’industrie et l’écologie.

L’emploi : une priorité « absolue » pour contrer la crise sociale

Ce sera « l’obsession » de son gouvernement : Jean Castex a érigé « la lutte contre le chômage et la préservation de l’emploi » comme sa « priorité absolue […] pour les prochains 18 mois ».

En la matière, le Premier ministre s’est surtout contenté de reprendre les annonces faites, la veille, par Emmanuel Macron, sans en apporter de chiffrage global. Il est notamment revenu sur le futur « dispositif exceptionnel de réduction du coût du travail » des jeunes salariés, seule mesure concrète de son discours : toutes les entreprises pourront en bénéficier, dans la limite de 4 000 euros par an, dès lors qu’elles recruteront une personne de moins de 25 ans, à un niveau de rémunération inférieur à 1,6 Smic.

En parallèle, Jean Castex prévoit de consacrer 8 milliards d’euros à l’activité partielle en 2021 (contre 31 milliards budgétés dans le dernier projet de loi de finances rectificative pour 2020), notamment pour financer le nouveau dispositif de longue durée. Un effort supplémentaire d’1,5 milliard est également prévu pour la formation, avec « un objectif de 200 000 places supplémentaires en 2021, notamment au bénéfice des jeunes et des demandeurs d’emploi ».

L’industrie : 40 milliards pour regagner en indépendance

« Les crises ont ceci de singulier qu’elles jouent le rôle de révélateur », a philosophé le Premier ministre, en introduction de son discours. Pour Jean Castex, l’épidémie de coronavirus a ainsi souligné la fragilité d' « un appareil productif incapable de pourvoir à nos besoins en biens et ressources stratégiques. Nous avons atteint un niveau de dépendance qui n’est pas raisonnable. » Dans son collimateur également, la cession à des capitaux étrangers de « nos fleurons industriels et technologiques […] sans que nous [ayons pu ou souhaité] réagir ».

« Nous allégerons les impôts qui pèsent sur la production en France. »

Aussi le gouvernement a-t-il décidé de consacrer 40 milliards d’euros « pour que cela change ». Comment ? Jean Castex ne le dit pas, mais se limite à une énumération de principes : « Nous allégerons les impôts qui pèsent sur la production en France (une demande insistante du patronat, NDLR), nous développerons sur notre territoire les technologies d’avenir, nous réduirons notre empreinte carbone, nous accélérerons la numérisation des entreprises et administrations. »

L’écologie : 20 milliards pour décarboner l’économie

Jusqu’ici assez discret sur le sujet, Jean Castex est décidé à faire du plan de relance « un accélérateur puissant de la transition écologique ». Objectif : « faire de la France l’économie la plus décarbonée d’Europe ».

Pour ce faire, le gouvernement prévoit plus de 20 milliards d’euros pour financer « la rénovation thermique des bâtiments, réduire les émissions des transports et de nos industries, produire une alimentation plus locale et durable, soutenir les technologies vertes de demain, comme les batteries, mieux recycler et moins gaspiller ». « Nos entreprises aussi doivent évoluer, et les investissements massifs du pacte productif vont les y aider », a lancé Jean Castex, sans plus de précisions.

« Nous pouvons redevenir une grande nation industrielle grâce et par l’écologie. »

Autres pistes, un peu plus concrètes : « un moratoire pour l’installation de nouveaux projets de centres commerciaux dans les zones périphériques », ainsi qu’un « plan vélo » (infrastructures, deux-roues électriques) promis comme étant « très ambitieux ».

« Nous pouvons redevenir une grande nation industrielle grâce et par l’écologie », a assuré Jean Castex. Autrement dit, dans l’esprit du Premier ministre, l’écologie sera un moyen, plus qu’une fin en soi. Une toile de fond de la relance, plutôt qu’un premier rôle.

Une méthode pour garantir l’application effective des mesures

Le Premier ministre a été, en revanche, plus prolixe sur le fameux « changement de méthode » qu’il avait annoncé dès le premier jour de son entrée à Matignon.

Il s’agit, en amont, de s’appuyer sur le dialogue social et la capacité d’initiative des territoires. En aval, et au nom de « l’efficacité opérationnelle », Jean Castex entend aussi s’assurer du suivi des engagements publics.

La mise en œuvre du plan de relance fera ainsi l’objet d’un point d’étape du gouvernement tous les deux mois. À cette occasion, il portera « une attention particulière […] à l’allègement et la simplification des procédures qui pourraient en retarder ou contrarier l’application ».

Deux autres points de vigilance concernent les entreprises : celles qui seront aidées ou utiliseront l’activité partielle de longue durée, devront s’astreindre à « une stricte modération dans la distribution des dividendes », comme l’avait déjà indiqué Emmanuel Macron la veille. Enfin, « nous serons très exigeants sur les conditions de traitement des sous-traitants », a assuré le Premier ministre.

« Il n'est pas envisageable, dans le contexte que nous traversons, de demander aux Français un effort fiscal supplémentaire. »

Ce même souci de la « mise en œuvre concrète » des décisions sera poursuivi en matière environnementale. L’État demandera en effet « à tous les territoires » de s’engager, avant fin 2021, dans des « contrats de développement écologique, avec des plans d’actions concrets, chiffrés et mesurables ».

Comment Jean Castex compte-t-il, lui-même, financer, justement, son plan à 100 milliards d’euros ? Le Premier ministre a rapidement évacué la question, en excluant deux options et en formulant un vœu. Il n’y aura pas d' « effort fiscal supplémentaire » demandé aux Français, ni aucune mesure néfaste pour l’emploi : « C’est en favorisant le retour à [la] croissance […] et en travaillant davantage » que le gouvernement pense régler la note de la relance. En attendant, il ira plus sûrement trouver les fonds dans les caisses de l’Union européenne [EDIT : plus d'un tiers proviendra du plan de relance de l'UE, toujours en négociation, a-t-il reconnu devant le Sénat, le 16 juillet] et le creusement de la dette française.

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