Relance : comment l'État espère pousser les TPE-PME à la transition écologique
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Relance : comment l'État espère pousser les TPE-PME à la transition écologique

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La transition écologique fera-t-elle les frais de la crise du coronavirus ? Pas question, répond le gouvernement, qui a déjà promis que la relance serait verte. Pour encourager les TPE-PME dans cette voie, la ministre Élisabeth Borne a donc dégainé, le 5 juin, un plan de dix mesures et 250 millions d’euros. S’il se voulait « ambitieux », il ne brille guère par son originalité et s'appuie plutôt sur de vieilles ficelles.

Le gouvernement entend inciter les TPE-PME à s'engager dans la transition écologique malgré la crise — Photo : Alexas_Fotos - Pixabay CC0

La relance sera verte ou ne sera pas, martèle le gouvernement depuis plusieurs jours. Faire de la France « la première économie décarbonée de l’Union européenne, c’est l’objectif que nous nous sommes fixé », affirmait encore, le 4 juin, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire.

De fait, ces derniers temps, l’État a eu tendance à verdir les mesures prises en faveur des entreprises. À l’image de l’accent mis sur les véhicules propres dans son plan automobile (par le soutien à l’investissement et les primes à l’achat) ou la contrepartie, exigée à Air France, pour son prêt garanti (abandon des liaisons intérieures réalisables en train en moins de 2h30).

« La transition écologique, ce n’est pas une contrainte pour les entreprises. C’est une opportunité. »

Mais dans des TPE-PME éprouvées par la crise du coronavirus, l’urgence écologique pourrait bien être reléguée au second rang de leurs priorités, au profit de la simple survie économique. Consciente de l’écueil, Élisabeth Borne y est donc allée de son train de mesures, compilé dans un « plan d’accélération de la transition écologique des TPE-PME », voulu comme un complément des actions introduites, par ailleurs, dans les aides aux secteurs en difficulté.

Deux outils pour dresser un état des lieux environnemental

Avant même de parler de transition, l’État invite les entreprises à faire le diagnostic de leur situation écologique. Deux outils sont proposés.

Le « Climatomètre », gratuit, promet une « auto-évaluation du niveau de maturité » de l’entreprise en matière de transition environnementale et d’économie circulaire en quinze minutes.

Le « Diag Éco-flux », payant (1 000 à 1 500 euros), sera proposé à partir du 16 juin. Il proposera à une centaine d’entreprises de plus de 20 salariés une étude de leurs flux d’eau, énergie, matières et déchets, « afin d’identifier des pistes d’économies concrètes et mesurables », indique le dossier de presse. Sont visées en priorité les PME de l’industrie, la distribution et l’hébergement-restauration.

Deux prêts pour financer la transition écologique

Pour ensuite convaincre les TPE-PME de sauter le pas de la transition, le gouvernement les invite… à s’endetter. L’essentiel des 250 millions d’euros du plan passe ainsi dans deux prêts, mis en place par Bpifrance et l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie).

Le premier (« prêt Bpifrance Ademe vert »), sur dix ans, permettra de financer des investissements verts au sens large (économie circulaire, performance énergétique, mobilité propre, innovation produit…), susceptible de limiter l’impact environnemental de l’entreprise. L’enveloppe prévue se monte à 100 millions d’euros pour 250 bénéficiaires environ.

Le second (« prêt Economies d’énergie »), sur trois à sept ans, ira plus spécifiquement aux PME de plus de trois ans d’existence et leurs dépenses d’économies d’énergie (équipements éligibles aux certificats d’économies d’énergie justement, ainsi que prestations et travaux liés). Un millier d’entreprises devrait ainsi se partager 140 millions d’euros d’ici à 2025.

Pour Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, ces deux outils suffiront à « déclencher la volonté de passer à l’acte » des entreprises, puisqu’ils leur donneront les moyens de leurs ambitions environnementales à des conditions avantageuses : taux faibles, garantie publique et différé d’amortissement de deux ans maximum.

Un renfort humain sur un an avec le VTE

Aux moyens financiers, le plan du gouvernement ajoute une ressource humaine à la disposition des TPE-PME avec la création du « VTE vert ». Comprenez un jeune diplômé qui sera chargé, pendant un an et sous le statut récemment créé du volontariat territorial, de mener à bien « le projet de décarbonation » de son entreprise.

Mais ce renfort humain, engagé en alternance, CDD ou CDI, restera rémunéré par l’entreprise, éventuellement aidée par « une petite subvention de 4 000 euros », dixit Nicolas Dufourcq.

Une mise en réseau des entreprises engagées

Le plan du gouvernement prévoit aussi, et surtout, un large volet de mise en réseau des entreprises prêtes à s’engager ou déjà impliquées dans la transition. Une philosophie symbolisée par l’emblème du coq, déjà utilisé par la French Tech (en version rouge) et la French Fab (en bleu), mais logiquement repeint en vert pour le côté écolo. Il est censé devenir l’emblème d’une communauté, encore balbutiante, de dirigeants que l’État espère voir essaimer sur tout le territoire.

Au-delà de cette logique d’ambassadeurs, Bpifrance et l’Ademe vont proposer deux programmes d’accélération. Autrement dit, un accompagnement de longue durée. Il s’agit toutefois, là encore, de mêler du neuf avec du vieux.

• Deux accélérateurs activés

Le premier est l’accélérateur « Transition énergétique », lancé depuis octobre 2019. Une deuxième promotion de trente entreprises est annoncée pour… 2021. Comme son nom l’indique, il continuera de s’adresser uniquement aux acteurs de l’énergie.

Le second, nouveau, se veut un « accélérateur de transition », avec une cible plus large : il s’adresse aux sociétés présentant un « projet ambitieux en matière de transition écologique » bas carbone. Elles seront une vingtaine à l’intégrer, afin d'« asseoir leurs objectifs [environnementaux], éventuellement en faisant évoluer leur business model, structurer un plan d’actions détaillé et en sécuriser le déploiement », a expliqué Élisabeth Borne. Sélection des bénéficiaires en cours d’année, pour un démarrage… en 2021 toujours.

• Deux engagements attendus

Enfin, le gouvernement entend encourager les entreprises à s’engager dans l’économie circulaire (un appel à projets de 15 à 30 millions d’euros sera bientôt lancé autour des matières recyclées) et sur la biodiversité (par le biais du dispositif « Entreprises engagées pour la nature »).

Un plan « ambitieux » dans l’esprit, plus que dans la lettre

Alors, « ambitieux », ce plan, comme l’a qualifié la ministre de la Transition écologique ? Si c’est le cas, il ne l’est pas tant par les moyens déployés (250 millions d’euros à peine donc) ni par les outils mobilisés (près de la moitié existait en fait déjà), mais davantage par le « message simple » qu’il est censé délivrer aux chefs d’entreprise, selon Élisabeth Borne : « Alors que nous allons faire face à une crise économique majeure, a-t-elle expliqué, la transition écologique, ce n’est pas une contrainte, c’est une opportunité. […] C’est de cette manière qu’un dirigeant prépare l’avenir de son entreprise, renforce son attractivité en tant qu’employeur, consolide son projet avec ses salariés, en alliant performances économique et écologique. »

C’est cette logique que le gouvernement a voulu « accélérer ». Mais en douceur : « On ne va pas inventer une recette magique pour que les PME s’engagent dans la transition écologique, si elles ne le veulent pas », a fini par admettre la ministre, qui promet : « Nous pourrons ré-abonder [les dispositifs], quand nous aurons démontré qu’ils marchent formidablement bien. » L’accélération de la transition oui, mais en gardant un œil dans le rétro et le pied sur le frein.

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