Les PME et ETI peinent à convertir leur conscience écologique en actes durables
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Les PME et ETI peinent à convertir leur conscience écologique en actes durables

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Les PME et ETI sont-elles prêtes à prendre le virage de la transition écologique ? Pas sûr, à en croire une étude de Bpifrance Le Lab menée avant l’irruption de l’épidémie de coronavirus en France. Certes, les dirigeants d’entreprise ont pris conscience de l’urgence climatique. Mais à la barre de leur entreprise, les réflexes économiques reprennent le dessus et leurs convictions n’ont souvent que peu de poids face à leurs réalités opérationnelles.

La transition écologique dans les PME et ETI françaises se limite trop souvent à de "petits gestes", déplore une étude de Bpifrance Le Lab — Photo : Nick Fewings - Unsplash

Convaincus, mais pas convertis. Les dirigeants de PME et d’ETI peinent encore à passer le cap de l’action quand il s’agit d’environnement. Et pourtant, ils ont bel et bien conscience de l’urgence climatique. C’est tout le paradoxe sur lequel s’est penché Bpifrance Le Lab, dans une enquête réalisée auprès de 1 006 chefs d’entreprise en début d’année et publiée le 8 juillet.

Dans la théorie, une prise de conscience des PME

« S’il ne fallait retenir qu’une seule idée de cette étude, posent d’emblée ses auteurs, c’est que le lien ne se fait pas entre la casquette citoyenne et la casquette dirigeante » des chefs d’entreprise. Une leçon tirée de ce double constat : d’un côté, les patrons interrogés se sentent largement concernés (à 86 %) par les objectifs mondiaux de réduction des émissions carbone. De l’autre, une petite moitié seulement (51 %) reconnaît intégrer la question climatique à sa stratégie.

Une position qui ne résiste pas à une analyse plus poussée. Quand ils sont interrogés sur les enjeux qui pèsent le plus dans leurs décisions (hors considérations purement économiques), ces entrepreneurs placent les sujets environnementaux en dernière position. D’où la conclusion désabusée du Lab de Bpifrance : « L’attachement à leur entreprise, à travers tout ce qui peut l’impacter de façon plus immédiate (la réglementation, l’emploi, etc.), 'l’emporte' dans ce qui semble être un choix irréconciliable entre défendre l’environnement et défendre son entreprise ».

Dans la pratique, une écologie limitée aux « petits gestes »

« Le dirigeant a beaucoup de mal à réconcilier l’enjeu climatique et l’équation économique de son entreprise », admet Pascal Lagarde, directeur exécutif de Bpifrance. Résultat, la transition engagée dans les PME et ETI s’avère loin d’être à la hauteur des enjeux et semble se réduire, le plus souvent, à un simple calcul coûts-bénéfices de court terme. Dans cette logique, les actions entreprises se doivent d’être tangibles, à risque limité et gain assuré.

• Des actions modestes

« Les entreprises passent encore peu à l’action et, quand elles le font, c’est à travers les mesures les moins coûteuses et les plus rapides en termes de retour sur investissement », confirme Pascal Lagarde. Au palmarès des pratiques les plus répandues, figurent ainsi le recyclage des déchets (71 %), la réduction de l’usage du plastique et du papier (59 %), l’extinction automatique de la lumière et de la climatisation, ainsi que l’acquisition d’équipements plus économes (51 % chacun).

Une écologie des « petits gestes », surtout mise en place « pour se conformer à la réglementation et réduire les coûts d’exploitation », plus que pour répondre à l’urgence climatique. L’étude souligne ainsi que les actions plus ambitieuses, mais aussi plus onéreuses ou complexes (rénovation thermique des bâtiments, sélection de fournisseurs sur des critères environnementaux, etc.) sont bien moins appliquées (adoptées respectivement par 34 % et 26 % des répondants).

• Des investissements secondaires

La même ligne de conduite est à l’œuvre dans les décisions stratégiques : « Le lien entre l’activité économique et le climat étant trop peu évident pour les PME-ETI, l’arbitrage entre un investissement aux résultats tangibles à court terme et un investissement en faveur du climat, avec un retour sur investissement incertain et lointain, se fait au détriment du second. »

Pas étonnant, dès lors, que seuls 13 % des dirigeants estiment pouvoir, dans les cinq ans, réduire « de manière importante » leur empreinte environnementale (contre 66 % qui pensent pouvoir le faire « un peu »).

Pour l’avenir, trois freins à lever

Comment alors débrider la transition écologique dans les PME et ETI ? Les principaux concernés mettent leur peu d’entrain à réduire leurs émissions carbone sur le compte de l’insuffisance de leurs moyens financiers (citée à 49 %). Ils en appellent d’ailleurs aux pouvoirs publics pour les soutenir à travers subventions et fiscalité avantageuse.

Mais deux autres ingrédients apparaissent aussi fondamentaux pour que la "mayonnaise" écologique prenne enfin dans les entreprises. D’une part, la reconnaissance de leurs efforts environnementaux par leurs acheteurs. « Les PME n’engageront pas d’actions massives tant que les clients et consommateurs ne seront pas prêts à payer le surcoût éventuel », estime Bpifrance.

D’autre part, les dirigeants attendent beaucoup de la technologie pour décarboner leur activité, mais déplorent l’absence de solutions adaptées à leurs enjeux. « Effectivement, elles n’existent pas ou les dirigeants eux-mêmes ne savent pas qu’elles existent », nuance Pascal Lagarde. De quoi encourager la mise en relation des entrepreneurs français, « ce qu’on appelle, chez Bpifrance, rapprocher la French Tech de la French Fab ».

• Et maintenant, on fait quoi ?

Pour l’avenir, la banque publique d’investissement n’entend pas en rester là. Elle veut mettre l’accent sur l’information et l’accompagnement pour aider les entreprises à « atténuer leurs impacts » sur l’environnement et « adapter leur business model » à la nouvelle donne climatique.

La première pierre de cette stratégie a été posée en juin, avec la présentation de dix mesures pour "l’accélération de la transition écologique des TPE-PME". La seconde sera intégrée au programme de relance du gouvernement, présenté à la rentrée. Il s’agira, pour Bpifrance, de reprendre le "plan climat" qu’elle devait dévoiler en avril, avant l'irruption du coronavirus.

Le nouveau contexte sanitaire, justement, ne risque-t-il pas de remettre en cause l’engagement, déjà limité, des PME en faveur de l’environnement ? « Les entrepreneurs vont se remettre assez vite sur des problématiques de moyen terme », veut croire Nicolas Dufourcq, le directeur général de Bpifrance, au vu de la reprise plus forte que prévu de l’économie. « Mais il est vrai que, post-Covid, leur priorité est d’abord de rétablir leur équilibre. Ils sont très actifs pour remettre du charbon dans la machine. » Pas sûr toutefois que cette énergie ne serve vraiment les objectifs de transition écologique.

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