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Le marché du vin en canettes tire la croissance de Cacolac
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Le marché du vin en canettes tire la croissance de Cacolac

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La PME girondine Cacolac, qui fête en 2024 ses 70 ans, vient d’investir 10 millions d’euros dans une usine pour conditionner du vin dans des canettes d’aluminium. Le dernier chapitre d’une histoire familiale riche en calcium et en jalons industriels.

Christian Maviel, PDG de la PME girondine Cacolac, dans les locaux de la nouvelle usine ICT Drinks, qui va conditionner du vin en canettes — Photo : Romain Béteille

Dans un futur proche et pour la première fois depuis ses débuts, l’essentiel des revenus de la PME girondine Cacolac ne proviendra plus des ventes de sa célèbre marque de boisson au cacao mais du conditionnement de boissons pour des industriels. "Le virage ne nous perturbe pas. Au contraire, faire plus de B to B donnera davantage de moyens à notre propre marque", rassure Christian Maviel, PDG de cette PME de 51 salariés qui a réalisé 25 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2022.

L’entreprise familiale, que le petit-neveu du créateur détient aujourd’hui à 90 %, fait tourner depuis ce mois de mars 2024 la ligne de production de sa nouvelle usine pour laquelle elle a investi 10 millions d’euros (dont 800 000 euros de France Relance). Le nouveau bâtiment de 2 500 m2 d’ICT Drinks est situé à Léognan, en face de l’usine Cacolac créée en 2000. L’usine est spécialisée dans le remplissage à façon - pour d’autres sociétés - de vin en canettes, une activité commencée en 2011.

ICT Drinks, la nouvelle usine de la PME girondine Cacolac, a nécessité dix millions d’euros d’investissements. Elle a commencé sa production de vin en canette en ce mois de mars — Photo : Cacolac

Du lait chocolaté au vin

"Nous voyons arriver de belles demandes en quantités et en volumes, que ce soit aux États-Unis, en Scandinavie, en Angleterre ou dans les appels d’offres du catering aérien pour remplacer les bouteilles en plastique. La France est plus réfractaire, même si l’emballage Bag in Box a explosé depuis le Covid", raconte Christian Maviel.

L’objectif du nouveau site, qui devrait embaucher une dizaine de personnes supplémentaires dans l’année : produire jusqu’à 40 millions d’emballages par an. Cacolac, qui fabrique 50 % de ses 45 à 50 millions d’emballages annuels en tant que sous-traitant, devrait encore voir grimper ce chiffre. Un pari osé dans un marché du vin en crise profonde.

La nouvelle usine de Cacolac, ICT Drinks, pourra remplir jusqu’à 40 millions de contenants. Elle se spécialise dans le remplissage de vin en canette — Photo : Cacolac/ICT Drinks

Chez Cacolac, les paris, on connaît. Après tout, si Robert Lauseig, codirigeant de la Laiterie de la Benauge créée en 1928 par Dominique Lanneluc et ses trois fils, n’avait pas effectué ce voyage en Hollande en 1954 pour y chercher du matériel, il n’aurait pas ramené la recette du lait aromatisé chocolaté dans ses valises pour créer la marque que le grand public connaît aujourd’hui.

"La laiterie de la Benauge, fruit de la fusion en 1947 entre deux laiteries, celle des Lanneluc et celle de Robert Lauseig à Pompignac (Gironde) avait pour but d’organiser toutes les collectes de lait du département. Jusque dans les années 90, d’ailleurs, Cacolac avait ses producteurs de lait attitrés et son propre centre de collecte à Tonneins, dans le Lot-et-Garonne", rappelle le PDG de l’entreprise.

Jusque dans les années 90, Cacolac possédait son propre centre de collecte de lait à Tonneins (Lot-et-Garonne) — Photo : Cacolac

L’industriel change de dimension

L’idée du Cacolac tombe à pic, au moment où on lutte contre la dénutrition et l’alcoolisme dans les écoles et où Pierre Mendès France demande aux enfants de boire du lait. L’entreprise est aussi pionnière du marketing : ses camionnettes publicitaires itinérantes sillonnent le pays et sa boisson cacaotée investit les bars, fêtes foraines et foires. Suivront les publicités télévisées dans les années 80, le sponsoring du monocoque d’Yves Parlier dans la décennie suivante et même un coup de projecteur inespéré d’une marionnette des Guignols de l’info.

C’est en 1970 que la Laiterie de la Benauge prend réellement le nom de son produit phare, décennie qui voit aussi déferler la grande distribution. Au départ conditionné dans des bouteilles en verre "car adressant plutôt la consommation individuelle", Cacolac prend le virage de la canette en aluminium dans un contexte d’explosion des supermarchés afin d’augmenter ses volumes. Si jusqu’à aujourd’hui, les deux contenants se partageaient à parts égales l’essentiel du volume de Cacolac, la canette prend peu à peu l’ascendant, encore plus depuis deux ans avec l’augmentation des prix de 40 % de la bouteille en verre.

La première usine Cacolac était située à La Benauge (Bordeaux). Elle a fermé ses portes en 2000 — Photo : Cacolac

Les vacanciers locaux se souviennent aussi de Cacolac pour l’installation en 1978 de sa tour de stérilisation. "C’était une confirmation que les fondateurs croyaient au concept et voulaient ancrer son développement sur de nombreuses années", raconte le PDG. Pour la marque, c’est ce processus de fabrication qui ancre le goût de son produit. La laiterie évolue avec elle et se dote, au fil du temps, de nouveaux équipements dont une salle de remplissage dans les années 80.

Vente à un fonds et retour de la famille

Le déménagement dans de nouveaux locaux en 2000 à Léognan fait redémarrer l’entreprise "d’une page blanche" et développe les années suivantes l’activité B to B, malgré un creux au moment de la crise de 2007.

La vente de l’entreprise en 2011 au fonds d’investissement Trixaim, spécialisé dans la nutrition santé et déjà repreneur en 2010 du fabricant de barres alimentaires tourangeau Balarama, a été "un peu subie. Mon père a du arrêter l’activité pour des raisons de santé. Nous ne voulions pas vendre à un gros groupe pour ne pas que la marque disparaisse dans un tiroir. Je suis resté directeur de l’usine pour la caution familiale et garder une continuité dans la maîtrise de l’outil de production", se souvient Christian Maviel.

Les ambitions de Trixaim finissent mal : Balarama est placé en redressement judiciaire en 2013, Cacolac et le groupe propriétaire l’année suivante. "J’ai repris l’entreprise en février 2015 grâce deux tours de table : l’un auprès de la famille et d’investisseurs, le deuxième avec les fonds Galia Gestion et Irdi", raconte Christian Maviel.

Forte croissance

Redevenu indépendant et familial fin 2019, Cacolac est passé depuis son rachat de 7 à 25 millions d’euros de chiffre d’affaires, avec une marque propre toujours en croissance et qui renouvelle régulièrement sa gamme (Cacolac Bio en 2017, une brique réduite en sucre pour les enfants en 2020, une recette à la vanille en 2023…). Et elle a encore des idées dans les cartons.

La caravane publicitaire Cacolac à Bordeaux lors du Tour de France 1956 — Photo : Cacolac

"Nous voulons reprendre possession de notre premier univers, le bar, qui a été délaissé avec l’essor de la grande distribution. Nous souhaitons redynamiser ce segment car les bars et la vente à emporter ont pris une part prépondérante dans les habitudes de consommation en France. Nous allons lancer plusieurs nouveaux produits dans ce sens cet été", abonde le chef d’entreprise.

En 2024, année des 70 ans de Cacolac, l’entreprise se lance donc dans un nouveau défi industriel et espère dépasser les 30 millions d’euros de chiffre d’affaires. Son espoir : grignoter des parts de marché aux ventes de vin en canettes, "qui représentent dans le monde 400 à 500 millions d’unités par an", termine Christian Maviel. Et ainsi ajouter de nouvelles recettes financières… sans changer celle de sa boisson star.

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