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Crise de l’énergie : l’État se résout à aider les PME et amplifie son aide aux ETI
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Crise de l’énergie : l’État se résout à aider les PME et amplifie son aide aux ETI

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Face à la flambée des prix de l’énergie, le gouvernement rouvre les vannes. Il a présenté, le 27 octobre, de nouvelles mesures pour tenter d’alléger la note des entreprises. Un effort à 10 milliards d’euros qui vise désormais beaucoup plus large. À commencer par les PME : elles obtiennent leur propre dispositif, "l’amortisseur électricité".

Un mois et demi après avoir présenté sa boîte à outils 2023 contre la flambée des prix de l’énergie, la Première ministre Élisabeth Borne a dû revoir sa copie, le 27 octobre — Photo : Capture d'écran Twitter

Séance de rattrapage et changement de ton pour le gouvernement sur les aides aux entreprises asphyxiées par la flambée des cours de l’énergie. Plus question de concentrer le tir uniquement sur les structures les plus petites et les activités les plus énergivores, comme l’avait expliqué, et assumé, l’exécutif, il y a seulement un mois et demi.

Pour le gouvernement, un rétropédalage sous pression

Désormais, "nous voulons apporter des réponses à chacun", a assuré la Première ministre Élisabeth Borne, au lendemain d’une prise de parole d’Emmanuel Macron en ce sens. "Il nous paraît juste de consacrer une aide transversale générale aux TPE-PME", a renchéri son ministre de l’Économie, dans une volte-face spectaculaire. À la mi-septembre, le même Bruno Le Maire invitait les chefs d’entreprise à faire passer les hausses de prix dans leurs tarifs, au motif que, "si l’État compense toutes ces augmentations, l’inflation n’en finira jamais."

Depuis, les organisations patronales et professionnelles n’ont cessé de sonner l’alerte. Le gouvernement avait tenté une première fois de corriger le tir, au début du mois. Mais la pression était sans doute devenue trop forte, et le risque trop grand d’un ralentissement généralisé de l’économie. D’où la volonté d’Élisabeth Borne de "donner un peu de sérénité aux entreprises sur la façon dont elles vont pouvoir affronter les mois à venir, en évitant de baisser l’activité". À la clé, l’État rallonge donc son soutien de 7 milliards d’euros, pour le porter à 10 milliards au total.

Pour les TPE, le "bouclier tarifaire" confirmé

La nouvelle parade du gouvernement s’appuie sur trois leviers destinés à trois publics différents. Le premier était déjà bien connu : il s’agit du "bouclier tarifaire", appliqué à la plupart des entreprises de moins de 10 salariés et 2 millions d’euros de chiffre d’affaires (à condition que leur compteur électrique ait une puissance inférieure à 36 kVA). Pour elles, comme pour les ménages, la hausse des tarifs sera limitée à 15 % en janvier, pour le gaz, et en février, pour l’électricité.

Pour les PME, un "amortisseur électricité" automatique

Pour les TPE exclues de ce bouclier, du fait de leurs besoins électriques importants (cas emblématique des boulangeries), comme pour toutes les PME, le gouvernement dégaine une nouvelle arme : l'"amortisseur électricité" (nom définitif donné à la "garantie électricité", évoquée en début de semaine). Valable un an, à partir du 1er janvier, ce dispositif "permettra d’alléger leurs factures de 120 euros par mégawattheure (MWh) en moyenne", a estimé Bruno Le Maire.

Pour l’entreprise, le mécanisme se veut transparent, car automatique. Il s’appliquera à tous les contrats pour 2023, y compris ceux déjà signés. L’économie réalisée sera "directement décomptée de la facture". "Aucun dossier, aucune instruction préalable" ne sera requis, insiste, pour sa part, la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher : "Vous n’avez pas à revoir votre fournisseur ou à renégocier quoi que ce soit" pour en bénéficier.

Dans le détail, le calcul de cet "amortisseur" s’avère toutefois un peu plus complexe à saisir. Il vise seulement la partie de la facture exposée aux cours du marché, estimée à 50 % par le gouvernement. Sur cette moitié-là, a expliqué la ministre, le dispositif vient couvrir "50 % de la différence [donc 25 % du montant total, NDLR] entre le prix de votre contrat et un prix de référence qui devrait être fixé autour de 325 euros le MWh", et plafonné à 800 euros. Ce que son collègue à l’Économie appelle un "couloir de prix", manière de préserver aussi les finances publiques de la volatilité des cours de l’électricité.

Pour illustrer son propos, le gouvernement prend l’exemple d’un contrat signé à 800 euros le MWh. La moitié est considérée comme déjà protégée (du fait de la baisse de la TICFE prolongée en 2023 et du dispositif Arenh sur l’énergie nucléaire à bas coût). Un quart sera supporté au prix fort par l’entreprise, un autre sera allégé par l’État. Dans ce cas, le tarif effectivement payé par la PME serait donc ramené à environ 400 € du MWh, après application de l'"amortisseur" à hauteur de 118 euros (prix de marché à 800 € - prix de référence à 325 € = un "surcoût" de 475 €, subventionné à hauteur de 25 % = 118 €).

"Ce soutien ne va pas faire revenir les prix à leur niveau de 2021", a reconnu Agnès Pannier-Runacher. Mais il doit au moins soulager les entreprises qui avaient contracté cet été, en plein boom des marchés de l’électricité. En attendant sa mise en place, les TPE-PME pourront se tourner vers l’administration fiscale pour des aides sur leurs factures 2022.

Pour les ETI, un guichet simplifié et amplifié sur l’électricité…

Contrairement aux PME, la logique retenue pour les ETI et grandes entreprises reste celle du ciblage, voire du sur-mesure. Dans leur cas, Bercy ressortira, au 15 novembre, sa fameuse aide aux activités les plus gourmandes en énergie, dans une énième version que Bruno Le Maire promet "drastiquement simplifiée". Les précédentes itérations de ce guichet étaient, jusqu’ici, "trop complexes et donc inefficaces", a de nouveau admis le ministre.

De fait, les futurs critères seront plus ouverts. L’entreprise devra avoir subi une hausse de ses factures de gaz et d’électricité de 50 % (et non plus de 100 %). Ces dépenses énergétiques devront représenter 3 % de leur chiffre d’affaires 2022 (plutôt que 2021), ce qui fera rentrer dans le dispositif toutes celles qui ont souffert de la flambée survenue en cours d’année. Par ailleurs, "le critère de perte d’EBITDA n’avait aucun sens, il sera remplacé par une simple baisse des bénéfices". Une baisse fixée par la Commission européenne à 40 ou 50 %. Mais après discussions avec le patronat, Bruno Le Maire va plaider pour obtenir un seuil d’éligibilité à -30 %.

Autre sujet sensible à finaliser avec Bruxelles, selon Élisabeth Borne : la possibilité d’octroyer des acomptes aux demandeurs, "sans attendre la vérification de tous les critères". Un coup de pouce à la trésorerie que son ministre de l’Économie est d’ores et déjà convaincu de pouvoir mettre en place.

Enfin, comme promis, cette aide sera aussi beaucoup plus généreuse. Les trois niveaux de subvention vont voir leurs plafonds doubler, et donc être portés à 4, 25 et 50 millions d’euros. Et même jusqu’à 150 millions d’euros pour les activités dites énergo-intensives, dont les factures peuvent avoisiner le demi-milliard d’euros.

… et ouvert à toutes les entreprises sur le gaz

En complément de ces évolutions, ce même guichet sera ouvert aux entreprises de toutes tailles, dès lors que leur demande vise les dépenses en gaz. La partie électricité sera, en revanche, réservée aux ETI et grands groupes, puisque les TPE-PME pourront, elles, compter sur le nouvel "amortisseur". Mais en attendant la mise en place de ce dernier, au 1er janvier, Bercy promet, à partir du 15 novembre également, de répondre à toutes les sociétés en difficulté avec leurs factures 2022, par le biais "d'aides sous forme de guichet ultra-simplifié".

Bref, "personne ne sera oublié, chacun aura une solution", a insisté Bruno Le Maire. Quitte à renier encore un peu plus sa nouvelle doctrine en faveur du "ciblage" des aides publiques, censée prendre le relais du célèbre "quoi qu’il en coûte".

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