Pays de la Loire
Le tourisme d’entreprise retrouve de la vigueur en Loire-Atlantique et en Vendée
Enquête Pays de la Loire # Industrie

Le tourisme d’entreprise retrouve de la vigueur en Loire-Atlantique et en Vendée

S'abonner

Le Covid avait partiellement fermé leurs portes. En ce second semestre 2022, les entreprises les rouvrent sans réserve aux visiteurs, quand d’autres se dévoilent pour la première fois. Opération séduction pour dénicher de nouveaux collaborateurs ou clients, volonté de transparence sur leur process ou mise en lumière du savoir-faire… le tourisme industriel se relance en Loire-Atlantique et en Vendée.

Les Chantiers de l’Atlantique, à Saint-Nazaire, sont un incontournable de la visite d’entreprise en Pays de la Loire — Photo : Vincent Bauza

Les visites des entrailles des Chantiers de l’Atlantique et les coulisses des ateliers d’assemblage d’Airbus figurent au top des demandes de l’office de tourisme de Saint-Nazaire. Tous les ans, des milliers de visiteurs hument les effluves des fromages Beillevaire à Machecoul, alors que la Fraiseraie phosphore sur un vaste projet d’agrotourisme à Pornic. Ces exemples révèlent à quel point les visites d’entreprise sont loin d’être anecdotiques dans le panorama économique des Pays de la Loire : chaque année, 500 d’entre elles s’ouvrent aux touristes.

Après une année 2019 record ponctuée par 500 000 visiteurs, les vagues successives de Covid ont infléchi les demandes avec 200 000 touristes en 2020 et 215 000 en 2021. "Mais tout repart comme il y a trois ans", se félicite, à l’aune des premiers mois de 2022, Emmanuel Blanc, directeur de Terre de Sel, filiale de la coopérative Les Salines de Guérande. Le dirigeant a un regard avisé sur le sujet : son entreprise invitant à découvrir les marais salants est sur la première marche régionale avec 50 000 visites en 2021 (75 000 hors pandémie), devant les Chantiers de l’Atlantique et ses 28 539 entrées.

Anne-Marie Vallée, animatrice de l’association Visitez nos entreprises en Pays de la Loire (65 entreprises adhérentes) — Photo : Visitez nos entreprises en Pays de la Loire

Vecteur de communication

"Ouvrir ses portes est un formidable vecteur de communication, offrant l’opportunité de changer son image", plaide Anne-Marie Vallée, animatrice régionale d’un réseau pionnier en France pour concevoir, structurer et valoriser les visites. L’association Visitez nos entreprises en Pays de la Loire fédère 65 structures, à 70 % des TPE, 20 % des PME et 9 % des ETI.

Dominique Goubault, PDG de l’imprimerie qui porte son nom à La Chapelle-sur-Erdre (35 salariés, 5 M€ de chiffre d’affaires), reçoit 25 groupes par an et partage cette vision. "Une imprimerie, ça fait du bruit, ça sent l’encre. On peut penser qu’on appuie sur un bouton et puis c’est parti, mais ça ne fonctionne pas ainsi. Montrer notre ambiance, notre savoir-faire, fait partie de mes convictions personnelles."

"Inviter à nous découvrir renvoie à notre rôle social, abonde Aurélie Belmont, responsable RH de NVequipment à Saint-Gilles-Croix-de-Vie. Donner à voir le monde de l’entreprise est de notre responsabilité." Au-delà de son activité, le numéro un européen des équipements de protection extérieure de bateaux (15 millions d’euros de chiffre d’affaires prévisionnel en 2022, 180 salariés) pousse la transparence jusqu’à dévoiler aux 150 visiteurs annuels sa stratégie.

NVequipment, en Vendée, va jusqu’à révéler sa stratégie lors des visites — Photo : Tony Guillou

Dans cette volonté lever le voile sur leurs coulisses, les entreprises insistent sur cette notion de transparence. Principalement dans l’agroalimentaire, secteur le plus représenté au sein de l’association Visitez nos entreprises puisqu’il constitue 40 % des adhérents, avant l’industrie (26 %), le vin (25 %) et l’artisanat (10 %). "Entre la perception du public et la réalité, il y a souvent une différence", confirme David Giraudeau, directeur général de La Mie Câline (300 salariés, 100 M€ de chiffre d’affaires), en Vendée. L’ETI fait découvrir toute l’année à 5 000 ou 6 000 visiteurs son site production de Saint-Jean-De-Monts, qui alimente en pains, viennoiseries et pâtisseries ses 240 points de vente de l’Hexagone. "Nous étions initialement des artisans qui sommes devenus industriels. Quand l’usine est née en 1996, nous l’avions créée en pensant à l’ouvrir aux visiteurs". Avec un credo : "Montrer la réalité autour de l’industrie de la boulangerie du XXIe siècle, que les recettes restent celles d’artisans mais qui utilisent les outils modernes pour produire des volumes importants."

Des visiteurs avant tout du territoire

La Fraiseraie pousse le concept de transparence jusqu’à réfléchir à un vaste projet, sur ses terres à Pornic. La PME de 50 salariés (7 M€ de chiffre d’affaires) y a acquis un terrain de 100 hectares en 2021, à la fois pour y édifier un atelier plus moderne mais aussi en faire un site dédié à l’agrotourisme. "Nos consommateurs nous demandent comment nous fabriquons nos glaces. La meilleure façon de l’expliquer est de leur montrer", résume son PDG Alain Têtedoie. Ce programme, qui ne verra pas le jour avant cinq ans, est aussi un "projet de territoire", argue-t-il, tant l’entreprise y est associée et tant les habitants de Pornic se sont attachés à son glacier.

Et c’est là l’un des autres aspects qui motive les entreprises à lever leur rideau, "favoriser l’adhésion de la population locale en leur expliquant leur raison d’être", analyse Anne-Marie Vallée. Si les scolaires représentent 17 % des visites dans la région, les touristes dits de proximité englobent 75 % d’entre elles dans les Pays de la Loire.

Terre de Sel s’escrime à ce point à séduire les locaux que sa filiale Salines de Guérande déploie une offre dédiée. "Il faut savoir les attirer car ils pensent nous connaître, décrypte son directeur Emmanuel Blanc. Nous avons créé des visites des marais salants sur des thématiques originales comme sur un oiseau emblématique du territoire, la reconversion d’un ingénieur en paludier… Vingt-deux sont organisées en 2022. Avec succès, les habitants du secteur s’estimant pris en considération. Ensuite, ils joueront peut-être le rôle d’ambassadeur auprès de leurs familles et amis."

Du business direct ou induit

La fromagerie Beillevaire, à Machecoul, a repensé son parcours de visite à l’aide d’un scénographe en 2019 — Photo : Morgane Vallé

Car au-delà de montrer sa meilleure image ou de la fierté à montrer son savoir-faire, faire appel au tourisme est aussi, pour certaines entreprises, synonyme de rentrée d’argent. Autrement dit, l’opportunité de développer les ventes de manière directe avec une boutique, ou induite en suscitant l’envie du consommateur.

La fromagerie Beillevaire en est l’une des illustrations. L’institution du grand Ouest de près de 500 collaborateurs dédie trois de ses salariés à la boutique et aux visites du site de production de Machecoul. La part semble fine au regard du chiffre d’affaires de la fromagerie se situant à 100 millions d’euros, mais les 4 000 visites payantes par an et les ventes en boutique représentent 400 000 euros de revenus pour l’entreprise.

L’aspect business est également assumé par la coopérative des Salines de Guérande (25 M€ de CA, 75 salariés, 220 paludiers). La création de sa filiale Terre de Sel répondait il y a vingt ans à la volonté de canaliser les touristes qui se baladaient insoucieusement dans les marais salants, des propriétés privées. S’est immédiatement greffée la volonté de partager un message pédagogique sur la protection de l’environnement, le respect du métier de paludier, mais aussi le souhait de mettre en valeur les produits. "Notre modèle est rentable, remarque son directeur Emmanuel Blanc. Notre boutique réalise 2 millions d’euros de chiffre d’affaires. Nous vendons environ 1 % du sel de la coopérative et réalisons 10 % environ de son chiffre d’affaires grâce aux autres produits vendus et aux visites. Le tourisme est un investissement sur le long terme, les personnes qui se rendent dans les marais salants en tirent une bonne impression et rachèteront le produit quand ils retourneront chez eux." En quinze ans, la filiale Terre de sel a vu ses effectifs grossir de 4 à 22 salariés.

Terre de Sel est une filiale des Salines de Guérande dédiée au tourisme — Photo : Terre de Sel

Séduire de nouveaux collaborateurs

La visite d’entreprise constitue également un vecteur "incontournable" pour susciter des vocations, remarque Anne-Marie Vallée, de l’association Visitez nos entreprises. Le recrutement est du reste la raison première qui incite le cabinet d’expertise comptable indépendant nantais HLP audit (une centaine de collaborateurs) à ouvrir pour la première fois ses portes à compter de septembre 2022. "Dans un contexte où nous peinons à attirer, l’idée est de montrer nos métiers, l’environnement de travail, explique Marine Zimer, responsable RH. Derrière cette initiative, nous souhaitons embaucher, ou pourquoi pas accompagner des jeunes dans leur choix professionnel." HLP Audit a imaginé un parcours de visite "dynamique, avec un tour des locaux, des points d’échange avec nos collaborateurs et associés sur différents métiers, la vie interne, les évolutions de poste."

Une question d’organisation

"Dès lors que l’on est convaincu que les visites sont un levier pour répondre à de multiples enjeux, il faut les structurer, souligne Anne-Marie Vallée au sujet des contraintes qui peuvent naître de dévoiler ses coulisses. Cela nécessite d’organiser son projet."

Pour certaines comme pour l’imprimerie Goubault, ces contraintes sont marginales, voire inexistantes, notamment sur le plan humain. "Nous faisons les visites de manière artisanale, les gens veulent du témoignage, que l’on raconte des histoires. Un salarié qui a quitté l’entreprise il y a douze ans répond toujours présent. Parfois, ce sont des commerciaux qui s’exercent en présentant l’entreprise, ça peut aussi être moi", fait savoir son dirigeant.

Dans le secteur agroalimentaire, pour des questions de gestion des risques, de respect de l’hygiène tout en importunant le moins possible l’activité, le circuit qui épouse souvent la chaîne de fabrication doit être scrupuleusement pensé. Ainsi, Beillevaire a redessiné son parcours en 2019. "J’ai travaillé sur le sujet avec un scénographe, note Charlotte Rondeau. Nous voulions un circuit ludique et sensoriel où le visiteur, qui découvre la fabrication du beurre, des yaourts, du fromage, peut aussi venir seul donc sans guide." Ici, les salariés ont signé un contrat stipulant qu’ils travailleront sous le regard de visiteurs.

Cinq nouvelles entreprises par an

Chez la Fraiseraie, qui part d’une "feuille blanche", selon son PDG, un comité de pilotage a été mis en place pour échafauder le projet d’agrotourisme "de la manière la plus ouverte possible". Il est composé d’experts dans leur domaine (du végétal, de l’urbanisme, du tourisme…) pour que le lieu ait une vocation autant touristique que pédagogique. "Notre volonté est d’être novateur dans la démarche, et surtout dans l’interaction avec les visiteurs", précise Alain Têtedoie. Avant le Covid, la Fraiseraie recevait de 2 000 à 3 000 extérieurs par an. Les locaux actuels n’étant plus adaptés, la PME n’a pas relancé les visites.

La Fraiseraie envisage un vaste projet de site d’agrotourisme à Pornic — Photo : HIHN Jessy

Le géant de l’agroalimentaire vendéen Fleury Michon (3 800 salariés, 735 M€ de chiffre d’affaires en 2020) a lui aussi tiré un trait alors qu’il enregistrait 738 visiteurs en 2019 : "Notre priorité est de préserver la santé de nos collaborateurs et de nos consommateurs. Compte tenu du contexte sanitaire incertain, nous n’avons pas prévu d’autres visites", fait savoir l’industriel. La confiserie Pinson (30 salariés, 3 M€ de CA), à Montaigu, en Vendée, a elle aussi stoppé du fait de la pandémie. Mais "nous les reprendrons quand nous aurons réaménagé le parcours", assure Clara Herlin, responsable marketing.

Un chiffre illustre cette volonté accrue d’ouverture au grand public : cinq nouvelles entreprises rejoignent chaque année le réseau Visitez nos Entreprises en Pays de la Loire.

Pays de la Loire # Industrie # Agroalimentaire # Information-communication # Tourisme