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Comment le spécialiste vendéen du canard Ernest Soulard traverse la crise de la grippe aviaire
Vendée # Agroalimentaire # Conjoncture

Comment le spécialiste vendéen du canard Ernest Soulard traverse la crise de la grippe aviaire

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L’activité, à l’arrêt depuis fin avril après l’apparition de la grippe aviaire, reprend mercredi 14 septembre chez Ernest Soulard. La PME vendéenne de 250 collaborateurs, spécialiste du canard, a, durant cette période inédite dans son histoire, investi pour se moderniser et porté une attention particulière sur les conditions de travail dans son abattoir.

Ernest Soulard, spécialiste du canard, est basé à l’Oie, ancienne commune qui a intégré Essart-en-Bocage — Photo : Francis leroy

Mercredi 14 septembre 2022 : la date est entourée en rouge sur le calendrier d’Ernest Soulard. La PME familiale de 250 collaborateurs basée aux Essarts-en-Bocage en Vendée, spécialisée dans le canard et produisant notamment du foie gras, relance son activité. Fin avril, elle avait été brutalement stoppée. Au coup de tonnerre qu’était le Covid, succédait la calamité qu’est la grippe aviaire, particulièrement virulente en Vendée. Cette crise, la plus éprouvante qu’ait jamais connue l’entreprise fondée voici 85 ans, aurait pu l’ébranler dans ses fondements. Mais sa présidente Magali Panau a fait de la fameuse phrase de Nietzsche "ce que ne nous tue pas nous rend plus fort" son antienne : trois millions d’euros ont été investis durant cette période pour moderniser l’entreprise et ainsi mieux repartir.

45 % du chiffre d’affaires lié à la restauration

Petit retour en arrière pour saisir l’ampleur des cataclysmes qui ont touché Ernest Soulard, une entreprise qui maîtrise tous les métiers, de la production de l'oeuf au produit fini. Les deux tiers du chiffre d’affaires de la PME, environ 100 millions d’euros en année classique, concernent le canard dit maigre. Élevé pour sa viande, il est distribué (filet, cuisse…) en frais ou en surgelé, en France comme à l’étranger, notamment en Allemagne et au Danemark où il est consommé pour les fêtes. Sur ce marché, "nous sommes le troisième acteur français", souligne Magali Panau. Le tiers restant de l’activité est lié au canard engraissé à partir duquel est produit le foie gras, le magret ou encore le confit. Ernest Soulard représente environ 5 % de ce marché.

Magali Panau, présidente d’Ernest Soulard : "En 86 ans d’existence, jamais l’entreprise n’a connu une telle crise." — Photo : Cyril Raineau

Lorsque le Covid se manifeste en 2020 et que les établissements baissent leur rideau pour cause de confinement, la PME subit douloureusement le contrecoup : 45 % de son activité est destinée à la restauration (la grande distribution représentant 20 %). Reste que le chiffre d’affaires régresse mais ne chute pas ("nous ne nous sommes pas arrêtés") pour se fixer à 80 millions d’euros. "Heureusement, avec la culture de l’export nous avions aussi adopté celle du congelé que nous avons pu revaloriser par la suite, se souvient la présidente, et nous avions poussé sur d’autres canaux de distribution dont la vente directe."

La grippe aviaire frappe, plus d’un million de canards perdus

Le Covid perd de sa vigueur mais en février 2022, point une nouvelle catastrophe : l’Influenza Aviaire. "Cela faisait trois ans qu’elle était apparue dans le Sud-Ouest, nous pensions être protégés puisque nous avions investi dans la claustration de nos canards, avions travaillé sur les flux de camion, sur les entrées des sites d’élevage. " Rien n’y fait, le virus s’étant transformé pour gagner en contagiosité. Près de 16 millions de volailles sont éliminées en France, dont… 11 millions en Vendée. Les 250 éleveurs partenaires situés à 80 km à la ronde d’Ernest Soulard sont touchés. 1,2 million de canards sont perdus, soit 75 % du cheptel.

Les conséquences ne s’arrêtent pas là. Le couvoir de la PME situé à Remouillé (Loire-Atlantique) ferme. La Cuisine de Constance, un outil de 7 000m² tout neuf de préparation du foie gras et des confits pour lequel 10 millions d’euros ont été investis, est contrainte de faire de même. Puis fin avril, toute la production doit cesser.

La situation des salariés devient une urgence. Un accord d’activité (ou chômage) partielle est signé dans les mêmes conditions que durant la crise Covid. Certains suivent une formation. D’autres, comme l’accord le leur permet, partent travailler temporairement dans des entreprises voisines en manque de main-d’œuvre. "Nous avons également mis en place des réunions d'information et des visites du site pour les salariés".

L’abattoir rénové, des postes de travail modernisés

La PME élève deux types de canard, le barbarie pour sa viande et le mulard qui est engraissé pour notamment produire le foie gras — Photo : Ernest Soulard

Puis, Ernest Soulard dégaine un plan d’investissement, saisissant l’opportunité inédite de l’arrêt total de l’outil de production pour des rénovations qui étaient programmées dans les prochaines années. Des sols, murs et plafonds de l’abattoir qui nécessitaient un rafraîchissement sont rénovés. Le projet d’amélioration des conditions de travail qui avait été retenu dans le cadre du plan de relance suite au Covid voit sa mise en œuvre accélérée. L’aménagement et l’automatisation de postes dans ce même abattoir sont lancés. Les vestiaires du personnel sont modernisés, le flux de marchandise optimisé… "Ces trois millions d’investissement, c’était une manière de dire à nos collaborateurs que malgré la crise, nous étions confiants et que nous nous en sortirions avec de meilleures conditions de travail", observe Magali Panau.

Un retour à la normale souhaité début 2023

Début juillet, les canards étaient de retour dans les élevages. À compter du 19 septembre, les premiers filets, magrets, cuisses etc.. ont recommencé à être livrés. Mais tout ne redémarre pas comme avant. "Nous n'avons pas redémarré avec 100 % des volumes, mais à 40 % en septembre et octobre avant de monter en puissance. Nous espérons un retour à la normale début 2023", souligne la dirigeante.

Un espoir donc, plutôt qu’une certitude : "Nous sommes contents mais prudents, souligne Magali Panau. Nous savons que la grippe aviaire est toujours présente. Nous avons mis en place des protocoles stricts avec les professionnels de la filière canard pour chaque lot et chaque étape de l’élevage. À la moindre alerte, nous sommes en mesure d’agir très vite pour contenir la maladie." Un palliatif en attendant un vaccin. En cours d’expérimentation, si cette solution s’avère efficace, elle ne sera pas disponible avant l’hiver.

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