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Après la charcuterie, Fleury Michon se lance dans les protéines végétales en tranches
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Après la charcuterie, Fleury Michon se lance dans les protéines végétales en tranches

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Spécialiste du jambon, l’ETI familiale vendéenne Fleury Michon veut évoluer avec les tendances du marché. Après trois ans de recherche, elle vient de mettre au point trois recettes de tranches végétariennes à base de légumineuses. Un nouvel axe de développement pour l’entreprise plus que centenaire, qui intervient 30 ans après une première diversification vers la volaille.

Billy Salha, directeur général de Fleury Michon, lance de nouveaux produits à base de protéines végétales — Photo : Benjamin Robert

Ses prises de parole sont rares. "Je parle quand j’ai quelque chose à dire", sourit malicieusement Billy Salha, directeur général de Fleury Michon depuis 2019. Et aujourd’hui, il faut bien le dire, l’annonce est de taille. L’ETI familiale vendéenne, connue pour ses tranches de jambon de porc, se tourne vers une autre source de protéines, cette fois-ci d’origine végétale : les légumineuses. Les trois premiers produits de cette nouvelle gamme seront à base de pois chiches, de lentilles corail, et de haricots blancs. "Dans les années 1990, nous avions pris le virage de la volaille sous forme de tranches, ce qui s’est révélé un grand succès. Trente ans après, c’est un nouveau virage avec ces protéines végétales. Un produit qui répond aux consommateurs qui se tournent vers un régime flexitarien et qui souhaitent des alternatives à la viande", poursuit Billy Salha.

Un produit végétal qui ne cible pas les végétariens

Aujourd’hui, outre les discours des nutritionnistes et experts qui incitent à végétaliser notre alimentation, beaucoup de consommateurs affichent, dans les différents sondages, une envie de réduire leur consommation de produits carnés. Billy Salha y voit un paradoxe, avec une consommation réelle qui n’est pas forcément au niveau des aspirations. C’est notamment pour y remédier que l’ETI vendéenne de 3 500 collaborateurs se lance sur ce marché, avec un prix similaire aux tranches de volailles (2,29 € les quatre tranches). "C’est 30 % de moins que les alternatives végétales analogues à la viande", indique Nathalie Dubian, directrice marketing de Fleury Michon, pour qui le prix de ces alternatives limite leur démocratisation. "Leurs produits se destinent plutôt aux personnes végétariennes, prêtes à mettre un prix plus élevé. Nous ne visons pas les mêmes clients", explique Billy Salha. Pour limiter son prix, Fleury Michon revendique des processus de fabrication plus simples et plus naturels. "Leurs produits subissent en général plusieurs séquences de transformation, en passant notamment par des étapes d’extrusion des protéines en poudre, note Billy Salha. De notre côté, nous ne cherchons pas à imiter le goût de la viande. Nous achetons les produits bruts. Les sacs de légumineuses arrivent en direct dans nos usines". Fleury Michon justifie son format en tranches pour des aspects pratiques plus que d’imitation de viande. D’ailleurs, lorsque nous l’interrogeons sur le récent débat public autour de l’appellation de "jambon", ou "steak" concernant des produits végétaux, Billy Salha hausse les épaules. "Pour nous ce n’est pas un sujet primordial". Si ces tranches ne remplacent pas la viande, elles n’ont pas non plus vocation à remplacer les pois chiches de la maison. "C’est plutôt un produit de fond de frigo. Le format tranche permet de manger dehors facilement, pour un pique-nique par exemple", poursuit Billy Salha.

Les tranches végétales seront produites sur le site principal de Fleury Michon, près de Pouzauges. "Nous travaillons notamment avec la coopérative vendéenne Cavac et le normand Agrial pour les pois chiches et les haricots blancs", détaille le directeur général. À l’inverse, les lentilles corail ne viennent pas de France, mais du Canada. "Les cultures françaises sont aujourd’hui trop petites. Mais nous sommes en contact avec des partenaires. Nous ambitionnons de les produire aussi en France d’ici 18 mois", poursuit Billy Salha.

120 millions d’euros d’investissement sur cinq ans

Ces nouveaux produits auront nécessité environ trois ans de recherche. "Nous y avons consacré une équipe d’environ 80 personnes, et plus de 300 essais pour aboutir à ce résultat", souligne Gérard Chambet, directeur général des opérations de Fleury Michon. Ces tranches ont ainsi bénéficié des investissements du groupe, qui avait prévu une enveloppe globale de 120 millions d’euros entre 2021 et 2026. "Nous avons dépensé 25 millions d’euros en 2021, puis la même somme en 2022. Nous sommes donc sur la bonne trajectoire et réaffirmons cet engagement", poursuit Billy Salha. Outre les tranches végétales, ces investissements ont permis à Fleury Michon de passer de nombreux plats cuisinés dans des barquettes en bois, au lieu du plastique habituel. Cela a également financé des ombrières photovoltaïques sur l’ensemble des sites de production de Fleury Michon. Elles fournissent en moyenne 8 % des capacités énergétiques des usines.

Quand le roi du jambon rencontre un os

Fleury Michon est présent en bourse à hauteur de 30 % du capital, avec un chiffre d’affaires de 795 millions d’euros en 2022. Elle reste donc avec 65 % toujours à majorité familiale. "Environ 5 % du capital est détenu par les salariés, qui ont tous au bout d’un an maximum le droit à des actions", détaille le directeur général. L’entreprise possède aujourd’hui huit sites en France (sept en Vendée, un dans les Hauts-de-France), suite à la fermeture, en avril 2023, de son usine de Plélan-le-Grand (35) qui employait une centaine de salariés. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir cherché un repreneur durant plusieurs mois. "Notre site était en surcapacité. Il était dédié au canard, une branche percutée à répétition par les crises de grippe aviaire. Nous suivons l’ensemble des anciens salariés jusqu’à ce qu’ils retrouvent un travail", promet le directeur général. Au-delà des grippes aviaires, le groupe a également fait face à l’augmentation du coût des matières premières, notamment liée à la guerre en Ukraine, ou encore précédemment la crise du Covid-19. Cette dernière a surtout touché l’activité de catering, soit les repas servis dans les avions, et qui représentait jusqu’alors 10 à 12 % des activités de Fleury Michon. Si le groupe n’a pas encore dévoilé ses chiffres 2023, ce secteur devrait tout de même être bien reparti cette année. "Tous ces événements cumulés ont néanmoins entraîné un surcoût entre 2022 et 2023 de 100 millions d’euros", constate Billy Salha.

Le "sans nitrite" comme nouveau fer de lance

Malgré ces difficultés et le virage végétal, Fleury Michon reste une entreprise de charcuterie. Mais là aussi, les chiffres ne sont pas forcément au beau fixe. Le secteur du jambon de porc est en décroissance. "C’est une tendance de fond, avec une baisse de 2 à 3 % par an depuis 2015. Au total, 15 000 tonnes de jambon ont disparu du marché des grandes et moyennes surfaces", détaille Billy Salha. Pour éviter d’être percuté par cette baisse de plein fouet, et rassurer les consommateurs, Fleury Michon mise depuis trois ans sur les produits sans nitrites. Ils représentent aujourd’hui 24 % en valeur du marché du jambon de porc. "Depuis début 2023, ces produits représentent plus de 62 % de nos ventes", se targue le directeur général.

Un premier pas vers l’international ?

Spécialiste du jambon sur le marché français, l’ETI vendéenne ne va pas pour autant empiéter à l’étranger. "Le jambon est un produit qui possède un fort aspect culturel. Par exemple, les Espagnols ont leurs propres jambons de porc" détaille Billy Salha. À l’inverse, la tendance actuelle du régime flexitarien est a minima européenne, ce qui laisse entrevoir un terrain de jeu plus grand. "Nous tâcherons d’abord d’en faire un succès français. Mais si la réussite est au rendez-vous, nous pourrons envisager de possibles exportations", indique le dirigeant.

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