Gironde
Girondins de Bordeaux : Pascal Rigo ou la success story d'un boulanger mordu de foot
Portrait Gironde # Agroalimentaire # Sport

Girondins de Bordeaux : Pascal Rigo ou la success story d'un boulanger mordu de foot

S'abonner

Alors que le club de football des Girondins de Bordeaux a été placé sous la protection du tribunal de commerce, l'entrepreneur bordelais Pascal Rigo est présenté comme l'un des potentiels repreneurs. Après avoir fait fortune en Californie, il a lancé depuis Bordeaux un réseau de boulangeries qui ne cesse de s’étendre. Portrait d’un insatiable.

Après avoir cartonné avec ses boulangeries aux Etats-Unis et en Gironde, Pascal Rigo a des vues sur le club de football des Girondins de Bordeaux. — Photo : D.R

Il est l’un des rares motifs d’espoir dans un ciel bien gris pour les supporters du club de football des Girondins de Bordeaux : Pascal Rigo était présenté en décembre par le quotidien Sud-Ouest comme un possible repreneur du club. L’homme d’affaires, tout juste sexagénaire, étudie bel et bien, avec d’autres associés, l’éventualité d’un rachat partiel ou total des parts de King Street, l’actuel propriétaire. Mais ce n’est que l’un des scénarios sur la table, explique-t-il. « D’abord, ce n’est pas à nous de dire à King Street ce qu’ils doivent faire. Mais n’importe quelle entreprise est à vendre à n’importe quel moment. Il suffit que quelqu’un soit prêt à y mettre le prix. Nous, à titre personnel, on n'est pas prêts à mettre le prix qui a été annoncé dans la presse », soit environ 120 millions d’euros. « Ce qui est important, ce n’est pas vraiment une offre ou une conversation qu’on pourrait avoir en ce moment avec King Street, l’important c’est ce qui va advenir des Girondins dans les semaines, mois, et années à venir. Sans entrer dans les détails, nous évoquons un projet, ce qu’on pourrait imaginer ensemble autour des Girondins de Bordeaux. S’il y a une volonté avec King Street de bâtir quelque chose, de préparer une transition, d’avancer sur un projet dans lequel on pourrait être des maîtres d’œuvre et être incroyablement impliqués, on ira ».

Le club sextuple champion de France traverse probablement l’une des crises les plus aiguës de son histoire. Résultats sportifs médiocres, public désertant le stade avant même la pandémie et l’interdiction de s’y rendre, relations exécrables entre le président délégué, Frédéric Longuépée, et les supporters, déficit chronique : les Marine et Blanc sont exsangues, et pire que cela encore depuis que les droits TV ont fait l’objet d’une renégociation à la baisse, après le retrait de Mediapro. « On peut difficilement aller plus bas que là où on est aujourd’hui », convient Pascal Rigo, authentique connaisseur et amoureux d’un club qu’il soutient depuis son enfance, passée à Paillet, tout près de Bordeaux.

Ascension fulgurante en Californie

C’est dans cette enfance, aussi, qu’il faut chercher les racines de l’autre passion de Pascal Rigo, celle qui lui a permis de gagner sa vie et même de faire fortune aux États-Unis : le pain. Passant un CAP de boulanger - « le deuxième plus beau métier du monde, derrière celui de footballeur », sourit-il - le jeune homme fait ses armes chez un compagnon du devoir de Langoiran, Bernard Contraire. Il y trouve une figure paternelle, lui qui a perdu ses parents très tôt, avant de s’envoler en Californie à la fin des années 1980. Il fonde à Los Angeles une première boulangerie, Bread Only, qui connaît un succès fulgurant. Au milieu des années 1990, il s’installe à San Francisco, y ouvre une autre enseigne, La Petite Boulange, qui va encore mieux s’imposer : on y trouve des pains bio, des farines de qualité, Pascal Rigo ouvre une deuxième, puis une troisième boutique, et bientôt elles sont 25 à voir le jour. Forte de 1 500 collaborateurs, pour un chiffre d’affaires annuel allant jusqu’à 90 millions de dollars, l’enseigne devient rapidement un poids lourd qui éveille les convoitises.

Elle est rachetée en 2012 par Starbucks, pour 100 millions de dollars. Pascal Rigo, lui, intègre l’organigramme du géant américain de l’agroalimentaire. Il contribue à en métamorphoser la logistique pour améliorer la qualité des produits qui y sont proposés. Il revendique une action collective ayant permis à Starbucks de faire mieux que doubler son chiffre d’affaires lié à la nourriture seule : « 1,4 milliard à mon arrivée, contre 3,2 milliards deux et demi plus tard. En utilisant des leviers très simples : le bon, rapprocher les producteurs du lieu de consommation, servir des produits chauds et financièrement abordables. »

« Fédérer par l’exemple »

En 2015, Pascal Rigo quitte Starbucks : la France, qu’il ne fréquente plus que pour les vacances, lui manque. L’année suivante, c’est au Cap Ferret qu’il relance une aventure entrepreneuriale : une toute petite boutique, près du marché, accueille La Ptite Boulangerie. Là encore, carton immédiat : son pain séduit, ses pâtisseries aussi, l’enseigne arrive à Bordeaux et ce sont aujourd’hui 160 collaborateurs et 16 boutiques qui la composent, pour beaucoup intégrées à des grandes surfaces comme Auchan ou Carrefour. « On est dans l’air du temps, avec de belles farines bio et un prix du pain très accessible. La grande distribution, c’est peut-être le grand méchant loup, mais ce sont aussi jusqu’à 10 000 clients par jour. C’est là que l’on peut changer les choses et œuvrer à une meilleure alimentation ».

Au-delà de ses ambitions de développement de son entreprise et de ses envies pour les Girondins, Pascal Rigo ambitionne aussi de fédérer les énergies des acteurs économiques de Bordeaux. « J’aimerais imaginer des actions pérennes, je voudrais qu’on ait un impact sur les citoyens et les préparer aux défis de demain. Climat, utilisation des ressources, population qui augmente, énergies inadaptées : comment peut-on agir sur notre territoire, sans obliger personne mais en imaginant des systèmes de financement entre le public et le privé pour fédérer par l’exemple ? Pour que les entreprises fassent comprendre qu’une autre manière de produire est possible ? Nous voulons nous fonder sur des initiatives et des infrastructures qui existent déjà pour élaborer une méthodologie et des financements qui peuvent nous permettre d’avoir un impact sur le territoire national et même les pays limitrophes de façon exceptionnelle rapide. » Ce projet, Bordeaux Impact Groupe (BIG), est une réalité depuis 2019 et Pascal Rigo entend le faire grandir encore cette année. Tout en veillant aux destinées des Girondins des Bordeaux ? « On verra bien. On n’y est pas », s’amuse-t-il.

Gironde # Agroalimentaire # Sport