France
Les tensions sur les délais de paiement poussent le gouvernement à reprendre l'initiative
France # Capital

Les tensions sur les délais de paiement poussent le gouvernement à reprendre l'initiative

S'abonner

Avec la crise du coronavirus, les retards de paiement entre entreprises sont repartis à la hausse. Si l’ampleur de cette envolée reste soumise à débat, les prochains mois pourraient ajouter de l’huile sur le feu. Pour l'éviter, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire avance trois propositions. Et demande aux entreprises d’être plus responsables, et moins égoïstes.

Si la crise du Covid-19 n’a pas fait exploser les délais de paiement, comme redouté au printemps 2020, leur dégradation reste notable. Et le remboursement à venir de prêts garantis par l’État pourrait aggraver la situation des entreprises en 2022 — Photo : ©Blue Planet Studio - stock.adobe.com

Contre les retards de paiement, Bercy veut jouer sur l’information et la responsabilisation des entreprises. La crise du Covid-19 a remis cette question sous le feu des projecteurs, avec la crainte, dès le début de l’épidémie, d’un blocage généralisé des règlements entre acteurs économiques. La catastrophe redoutée n’a pas vraiment eu lieu mais le problème demeure car, avant même le coronavirus, les acteurs économiques ne brillaient pas vraiment par leur comportement de paiement.

Les trois pistes de Bercy contre les retards de paiement

Le ministre de l’Économie a donc exposé trois pistes, le 21 octobre, pour ramener de la "solidarité à l’intérieur des filières" et enrayer "le règne du chacun pour soi" et d’un "individualisme" néfaste pour l’économie. Les délais de paiement seront donc pris en compte dans la cotation Fiben des entreprises réalisée par la Banque de France, et ce "à partir de 2022, et le plus tôt sera le mieux", a indiqué Bruno Le Maire.

Un peu plus évasif ensuite, le ministre a plaidé pour que les amendes dressées par la Répression des fraudes "soient rendues publiques". En réalité, elles le sont déjà, mais uniquement sur le site de l’administration. Il s’agirait donc d’étendre cette parution à d’autres supports. Lesquels et quand ? Mystère, mais le patron de Bercy est "prêt" à plus de "transparence".

Pour le reste, Bruno Le Maire renvoie la balle aux entreprises : "Réfléchissez à cette idée-là : introduire le respect des délais de paiement comme élément positif et valorisant de [votre] raison d’être." Ou, à défaut, suggère-t-il encore, présenter cette ponctualité comme une mesure de performance, à mettre en avant auprès de ses actionnaires. En parallèle, l’État assure faire sa part. Et dit mobiliser les collectivités locales, ouvertement pointées du doigt, afin qu’elles accélèrent le règlement de leurs factures aux entreprises.

L’impact de la crise du Covid-19 sur les délais, moins grave que prévu ?

La situation des délais de paiement en France est-elle pour autant si inquiétante, en cette fin d'année ? La réponse est loin d’être évidente, à la lecture des études qui se multiplient, et parfois se contredisent, sur le sujet.

Les grandes entreprises à nouveau critiquées

L’intervention de Bruno Le Maire faisait suite à la publication d’un baromètre annuel du cabinet Arc. Il conclut à une hausse des retards de paiement interentreprises en 2021, désormais évalués à 15 jours (+2 en un an).

Cette moyenne masque toutefois deux situations différentes. Pointées du doigt il y a huit mois, les PME tendent finalement à réduire leur dépassement de délai (-0,9 jour), sans parvenir pour autant à effacer sa récente envolée (+6,8 jours par rapport à 2019). Beaucoup plus vertueuses pendant l’épidémie, en 2020, les grandes entreprises, elles, se sont complètement relâchées cette année (+4,3 jours), nouveau record relevé dans cette étude. Pis, cette dégradation est unilatérale : les sociétés les plus importantes ont payé leurs PME fournisseuses avec 13,3 jours de retard en moyenne, soit 6,2 de plus qu’un an auparavant.

Sur ce point, l’enquête rejoint l’Observatoire public des délais de paiement : fin septembre, il tirait l’oreille des grandes entreprises, accusées d’être les principales bénéficiaires de la situation.

Une envolée des retards à relativiser

Sur le constat général, l’étude du cabinet Arc se montre toutefois plus alarmiste qu’une autre, publiée en même temps par KPMG et Sidetrade. Les deux sociétés affirment avoir passé au crible 25 millions de transactions, émanant de plus de 800 000 entreprises, entre novembre et juillet. Résultat : les retards s’étaient plutôt stabilisés, en juillet, à 11,3 jours, soit 0,3 jour au-dessus de son niveau d’avant-crise.

La part des factures réglées hors délai refluerait également à 47 %, contre 53 % payées dans les temps. Soit exactement la proportion inverse constatée fin 2020. En revanche, les petits retards (1 à 10 jours) n’avaient jamais été aussi nombreux en juillet (31 %) que sur les neuf derniers mois.

Une crise des délais de paiement encore possible

Ces observateurs se rejoignent toutefois autour d'une même conviction : la vigilance doit rester de mise dans les prochains mois. KPMG et Sidetrade s’inquiètent, en particulier, du prochain "remboursement des prêts garantis par l’État (PGE) et autres aides allouées, pour un montant total équivalent à 250 milliards d’euros".

Un quart des dirigeants interrogés par l’Ifop pour le cabinet Arc estiment déjà que "leurs clients ne seront pas en mesure de faire face" à toutes leurs échéances (celles exceptionnelles, associées à la crise, comme le PGE, et les habituelles, liées à leur activité normale). Dès lors, les délais de paiement "pourraient devenir [la variable] ajustable de cette sortie de crise", met en garde Denis Le Bossé. Le président du cabinet Arc en appelle donc à "une prise de conscience collective". La fameuse responsabilisation, à laquelle appelle également le ministère de l’Économie.

France # Capital # Conjoncture # Gestion