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Les produits de biocontrôle d’Agriodor vont s’attaquer aux espèces indésirables du monde entier
Rennes # Agriculture # Innovation

Les produits de biocontrôle d’Agriodor vont s’attaquer aux espèces indésirables du monde entier

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Agriodor développe des produits de biocontrôle pour lutter contre les espèces indésirables qui ravagent les cultures. Née des recherches d’Ené Leppik, la deep-tech rennaise a levé 5 millions d’euros en 2023 pour accélérer son développement sur un marché mondial.

L’équipe d’Agriodor, basée au Biopôle à Rennes, a été multipliée par deux en 2023 — Photo : Agriodor

Les insectes vont en voir de toutes les couleurs… ou plutôt en sentir de toutes les odeurs ! La deep-tech rennaise Agriodor émerge sur le marché des produits de biocontrôle avec ses solutions olfactives qui éloignent les insectes ravageurs des cultures. Un sujet sans frontières. "Nous construisons l’entreprise tout de suite dans une dimension internationale, car nous sommes les premiers au monde à proposer une telle approche, explique Olivier Le Port, son secrétaire général. Le marché des insecticides pèse 7 milliards d’euros au niveau mondial et Agriodor compte prendre une belle part de ces marchés."

Pour cela, la start-up a déjà déposé plusieurs brevets. L’idée de départ est née du travail d’Ené Leppik, chercheuse en écologie chimique d’origine estonienne, accompagnée par l’Inrae de Versailles. "J’ai mené des recherches sur les interactions plantes-insectes. Les plantes sont immobiles et se développent pour se défendre contre les insectes qui, eux, ont pour sens principal l’olfaction. Pour s’orienter, se reproduire, s’alimenter… Ils identifient les plantes aux odeurs (des composés organiques volatiles) qu’elles émettent", explique-t-elle. Agriodor a donc développé des odeurs destinées à éloigner les ravageurs.

Pour la féverole, la lentille, la betterave…

Elle a ainsi d’abord étudié le comportement de la bruche de la féverole (petit coléoptère qui ne mange que de la féverole), développé des pièges avec une odeur reconstituée. Des panneaux sont englués d’attractif, facile à installer (20 pièges par hectare), et qui attrape les insectes. "Ce piégeage de masse fonctionne, nous l’avons testé avec une coopérative, puis lancé deux premiers produits : l’un pour la féverole, l’autre pour la lentille", relate Ené Leppik. Pour fabriquer et commercialiser ses solutions, elle s’associe avec le business angel Alain Thibault en 2019. Puis, pour se rapprocher du monde agricole, Agriodor s’installe à Rennes en 2021, où elle trouve un écosystème favorable à ses envies d’international.

Pour la féverole et la lentille, la deep-tech fabrique ses mélanges d’odeurs depuis ses laboratoires du Biopôle, qui sont ensuite commercialisés par la société suisse de biocontrôle Andermatt. "Nous avons signé un contrat de distribution, qui couvre une dizaine de pays", souligne la chercheuse. Mais s’attaquer à la féverole n’est pas le marché le plus important. La betterave offre de plus larges perspectives. Ce troisième produit consiste à épandre des granulés de minéraux incorporant des odeurs dans les champs pour éloigner les pucerons. "C'est révolutionnaire en écologie chimique, car c'est une solution alternative aux néonicotinoïdes qui sont en train d'être interdits. Après des essais fructueux en 2023, Agriodor est en phase d'homologation de sa solution avec en parallèle des discussions avec des partenaires pour passer l'échelle", ajoute Ené Leppik.

Effectifs multipliés par deux

"Dans les années à venir, la solution betterave représentera plusieurs millions d’euros de chiffre d’affaires", prévoit le secrétaire général. Le processus d'homologation en Europe est aussi long pour les solutions de Biocontrole proposées par Agriodor que pour les pesticides. Cela ne va toutefois pas empêcher Agriodor de se développer, notamment vers le Brésil et les États-Unis, où la mise sur le terrain est plus rapide. Pour accélérer, elle a levé 5 millions d’euros en mai 2023, auprès de nouveaux investisseurs. "Nous allons pouvoir notamment signer des contrats industriels, développer la partie commerciale, et continuer la recherche sur d’autres cultures, comme le colza, la salade, l’arboriculture", cite Ené Leppik. Elle recrute pour cela, ayant déjà doublé ses effectifs en 2023 (de 9 à 19 CDI aujourd’hui).

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