Les entreprises du numérique priées de se mettre à la transition écologique
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Les entreprises du numérique priées de se mettre à la transition écologique

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À l’heure de la relance, la transition écologique semble devoir s’imposer comme la pierre angulaire de la politique économique du gouvernement. Les acteurs du numérique n’y échapperont pas : ils sont désormais appelés à se mettre au service de l’environnement. Pour apporter des solutions, dans le cadre de l’initiative Greentech Innovation. Mais aussi pour limiter leur propre contribution aux dérèglements climatiques.

Le gouvernement souhaite que les acteurs du numérique, à l'image des data centers (comme ici, en Gironde), se mettent au vert et limitent leur "empreinte environnementale" — Photo : Vue d'ici

Plus rien ne semble devoir échapper à la mise au vert de l’économie. Depuis plusieurs semaines, le gouvernement met la transition écologique à toutes les sauces : enjeu central du plan de relance, elle est érigée en condition de survie de l’aéronautique et de l’automobile, justifie le déblocage de subventions à l’industrie, sous-tend le pari technologique de l’hydrogène et s’immisce jusque dans les garanties publiques aux exportations. Pas étonnant, dès lors, que le numérique soit prié de s’y plier à son tour.

Reléguée au second plan de la relance, la transformation digitale est ainsi invitée à se mettre au service de la transition écologique. C’est le sens de la stratégie nationale présentée, début octobre, par le gouvernement. Pour faire "converger" ces deux mouvements de fond, elle entend s’attaquer à la double nature du numérique, à la fois chance et menace pour l’environnement.

Accélérer la transition écologique grâce au numérique

L’État compte sur les entreprises du numérique pour l’aider, par l’innovation, la donnée et la technologie, à atteindre ses objectifs dans la lutte contre les dérèglements climatiques. Cette mobilisation passe avant tout par l’initiative Greentech Verte, rebaptisée, depuis le 5 octobre, Greentech Innovation.

• Appel à candidatures pour intégrer Greentech Innovation

Le label Greentech Innovation est remis à des start-up et PME porteuses de "projets innovants à fort potentiel", susceptibles de servir les politiques publiques du ministère de la Transition écologique (soit dans les domaines suivants : efficacité énergétique, énergies renouvelables et neutralité carbone ; bâtiment et ville durable ; mobilité durable ; prévention des risques, santé et environnement ; économie circulaire ; eau, biodiversité et biomimétisme ; numérique durable).

Les entreprises intéressées peuvent rejoindre cette "communauté", dans le cadre d’un nouvel appel à manifestation d’intérêt ouvert jusqu’au 30 novembre. Les lauréats obtiendront le label Greentech Innovation pour trois années reconductibles. Sur cette période, le ministère de la Transition écologique promet de les accompagner par une "offre d’accélération" (formations, mises en relation, etc.) et un accès privilégié à ses "ressources scientifiques et techniques", ses données et son écosystème (Ademe, IGN, etc.).

Le tout s’appuie sur un réseau national d’incubateurs, en cours de constitution. Il s’articule autour de trois structures liées au ministère, à Champs-sur-Marne (au sein de l’École nationale des Ponts et chaussées, en Seine-et-Marne), Orléans (spécialisée sur la donnée environnementale) et Toulouse (basée chez Météo France et tournée vers les objets connectés).

• Fonds de 300 millions d’euros et accompagnement renforcé

En quatre ans, quelque 190 entreprises (dont les toulousains Ilek et Kyanos, le varois Electric 55 Charging ou le messin Vivoka) ont intégré Greentech Innovation. Elles seront en première ligne pour bénéficier de nouveaux avantages, dévoilés au début du mois. Un fonds de 300 millions d’euros, géré par Bpifrance, va ainsi voir le jour pour « verdir encore un peu plus notre écosystème tech et encourager l’émergence de nouveaux projets innovants », a annoncé le secrétaire d’État en charge de la Transition numérique Cédric O.

Par ailleurs, une sélection de start-up « ayant le plus fort potentiel d’innovation environnementale » se verra offrir un accompagnement renforcé de la French Tech, sur le modèle du soutien apporté aux entreprises des programmes Next40 et FT120 (accès privilégié aux services de l’État, visibilité accrue, etc.).

Freiner l’impact néfaste du numérique sur l’environnement

Mais le numérique n’a pas que des vertus. Il doit aussi faire son introspection environnementale. Le secteur serait responsable de 2 % des émissions de gaz à effet de serre en France, selon un rapport du Sénat, mais son empreinte énergétique directe progresserait de 9 % par an, d’après le cercle de réflexion The Shift Project.

Pour tenter de contenir cette nouvelle source de pollution, l’État prend une série d’initiatives, assez éparpillées et modestes. Sa priorité : s’attaquer à la production des équipements, à l’origine de l’essentiel des nuisances environnementales attribuées au numérique. Pour ce faire, il entend agir à deux niveaux.

• Cap sur l’écoconception

En amont, l’État veut promouvoir l’écoconception. Rien de très concret pour l’instant, si ce n’est l’ouverture prochaine de deux appels à projets de l’Ademe.

Le premier, intitulé "Econum : écoconception des services numériques", sera doté de 1,5 million d’euros par an, jusqu’en 2022. Il visera à soutenir la "mise en œuvre d’une démarche d’écoconception sur toute la chaîne de valeur du numérique : terminaux et matériels, logiciels, infrastructures, réseaux, serveurs et data centers". Le second, de 1 million d’euros, consistera en une nouvelle édition de "Perfecto", un appel à projets de recherche, développement et innovation. L’une des thématiques retenues portera précisément sur l’écoconception numérique.

• Peu de moyens pour le réemploi

En aval, l’État souhaite favoriser la réparation, le réemploi, le reconditionnement et le recyclage. D’autant que ces sujets représentent "un enjeu de filière industrielle et d’emploi pour la France". Sauf que les moyens mis sur la table apparaissent bien maigres pour l’instant.

Il s’agit, en l’occurrence, d’une enveloppe de 21 millions d’euros, prévue dans le plan de relance, pour le "développement de la réparation et de ressourceries en vue du réemploi" (ce qui intègre d’autres catégories de produits que les seuls équipements électroniques).

Elle est complétée par des actions ciblées sur le marché du téléphone portable de seconde main. La Répression des fraudes va notamment enquêter sur « les pratiques des constructeurs en matière de pièces détachées » (prix, conditions d’accès, etc.), a promis Cédric O. Pour le reste, le secrétaire d’État renvoie à la loi antigaspillage pour une économie circulaire, adoptée en début d’année, dont plusieurs dispositions sur la réparabilité des produits entreront en vigueur en 2021.

• Incitation fiscale et engagements volontaires

Dernière mesure concrète pour inciter le numérique à la sobriété : les data centers, ces sites où se concentrent les serveurs informatiques, devront prendre des mesures "ambitieuses […] en matière d’efficacité énergétique et de récupération de la chaleur fatale", s’ils veulent continuer à bénéficier de leur tarif réduit de TICFE (taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité).

Pour le reste, les acteurs du numérique sont appelés à s’engager d’eux-mêmes dans une démarche volontaire de respect de l’environnement. Deux initiatives sont mises en avant : le Planet Tech’Care, un "réseau d’intérêts communs", piloté par Syntec numérique et organisé autour d’un manifeste rassemblant acteurs de l’économie et de la formation ; la Charte numérique responsable, imaginé par l’institut du même nom.

Les efforts de l’État paraissent donc bien limités, mais pouvait-il en être autrement ? Le gouvernement le reconnaît lui-même, l’impact du numérique sur l’environnement est peu connu et mal documenté. D’où le premier axe de sa stratégie nationale, consacrée à l’amélioration des connaissances et de l’évaluation même du phénomène.

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