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Le Gouessant affronte les crises en se diversifiant
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Le Gouessant affronte les crises en se diversifiant

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La coopérative agricole Le Gouessant fait face à des vents contraires avec la baisse de la consommation du bio, la flambée des coûts des matières premières et la grippe aviaire. Mais le spécialiste de l’alimentation animale possède des ressources et s’appuie sur ses relais de croissance (pôles alimentaires, nutritionnels et aquaculture) et l’innovation pour poursuivre son développement.

La pomme de terre est la culture historique de la coopérative agricole Le Gouessant — Photo : DR

La coopérative agricole Le Gouessant (850 collaborateurs) s’apprête, en avril, à valider des résultats 2022 solides, avec une augmentation du chiffre d’affaires à 770 millions d’euros (contre 657 millions d’euros en 2021) et un résultat net qui devrait s’approcher des 4,5 millions d’euros (contre 3,5 millions d’euros une année auparavant mais 10 millions d’euros les années précédentes).

Pourtant, ces chiffres sont trompeurs. D’autres indicateurs, comme le nombre de cochons commercialisés (585 000 en 2022) qui a stagné l’année dernière, ou celui des œufs commercialisés (717 millions) en baisse de 9 %, racontent une histoire un peu différente. Car l’entreprise basée à Lamballe fait face à des vents contraires. Qui bousculent tout le tissu économique, comme la hausse des coûts de matières premières, notamment celui des céréales, qui impactent les élevages de bovins, porcs, volailles et les productions de pommes de terre des 4 500 adhérents de la coopérative costarmoricaine. Sans compter la grippe aviaire et la baisse de la consommation du bio, qui déstabilisent la coopérative plus particulièrement.

15 % de bio

Pour contrer les effets de la grippe aviaire - dont deux foyers ont été détectés dans les Côtes-d’Armor ces derniers mois - la coopérative offre un accompagnement préventif face à l’épizootie, et financier en cas d’abattage des animaux. Et croise les doigts pour que le fléau ne s’étende pas.

La crise du bio est encore plus impactante. Son poids dans l’activité économique de la coopérative, à travers sa filiale Ufab qui a fêté l’année dernière ses 50 ans, se situe à environ 15 % du chiffre d’affaires, entre aliments bios pour les animaux et commercialisation d’animaux bios. Ainsi, par exemple, les poules pondeuses des adhérents du Gouessant sont 2,5 millions. Les œufs de 900 000 d’entre elles pouvaient prétendre à une vente en bio. Finalement, la moitié a dû être écoulée en "plein air", entraînant un manque à gagner très important pour les éleveurs concernés (les œufs bios se vendent 16 euros les 100, contre 8 euros pour les "plein air").

Le "food" en plus du "feed"

Un programme de reconversion a débuté en 2022 et va se prolonger cette année, concernant au total une cinquantaine d’exploitants et 400 000 pondeuses, dont les produits devront être écoulés à l’avenir en "plein air". "Certains sont des historiques, presque des éleveurs militants et ils prennent ça comme un désaveu", regrette Rémi Cristoforetti, directeur général de la coopérative. "Ces marchés devraient être protégés car ils demandent des investissements de plus en plus importants."

Pour adoucir ces turbulences, Le Gouessant développe ses relais de croissance, notamment son offensive dans l’alimentation humaine ("food"), lui le spécialiste de la nutrition animale ("feed"). Dans le domaine du bio, le silo de Châteaubourg (Ille-et-Vilaine), inauguré en 2019 pour un investissement de 7 millions d’euros, est désormais dévolu pour un tiers à l’alimentaire (orges brassicoles, flocons d’avoine, blé meunier). Depuis fin 2022, la coopérative produit des ingrédients fonctionnels pour éléments de texturation, comme des sauces, à partir de pois et féveroles, sur son site de Noyal-sur-Vilaine (Ille-et-Vilaine). Les clients sont l’industrie agroalimentaire et les ingrédientistes. "Il y a le même besoin de protéines végétales qui se substituent au soja dans le domaine du conventionnel. Il y a des choses à faire", remarque le dirigeant. "Notre rôle est d’aider les exploitants à trouver des débouchés dans l’alimentaire, par exemple avec le sarrasin, l’épeautre ou d’autres céréales."

Marque Terres de Breizh

Le pôle alimentaire comprend également une activité de transformation de la culture historique de la coopérative : la pomme de terre. Celle-ci est précuite vapeur pour servir d’ingrédient à l’industrie agroalimentaire. Certaines sont également placées en filets ou bourriches pour une distribution en GMS sous la marque Terres de Breizh. 30 000 tonnes (+ 9 % en un an) de pommes de terre ont ainsi transité en 2022 sur le site du siège de Lamballe pour ces opérations. Terres de Breizh commercialise également des yaourts, charcuteries et des œufs pour un chiffre d’affaires de 5 millions d’euros en 2022, en progression.

Le pôle alimentaire a également grossi avec l’achat en janvier 2023 de 70 % de la société de distribution de légumes Celtileg basée à Paimpol (40 millions de CA en 2022). Les 30 % restants seront acquis en 2028. "Avec Celtileg, nous allons développer une activité de pommes vapeur et mutualiser nos produits auprès de la GMS mais également aller vers des circuits plus spécialisés."

Distribué par Decathlon

Ce pôle comprend enfin une partie activités grand public avec DARwin, lancée en octobre 2021, qui produit des aliments pour les animaux domestiques et de compagnie au sens large. La gamme s’adresse aux animaux de basse-cour, aux poissons de pêche loisirs et d’ornement et aux animaux de zoo. Distribuée dans les jardineries, elle le sera également, à partir du printemps, dans les magasins Decathlon. Une étape importante dans le développement de la coopérative. "C’est un nouveau métier, dans l’exigence logistique et de présentation, ce qui représente pour nous un moteur d’excellence opérationnelle", confie Rémi Cristoforetti. DARwin a réalisé 4 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2022.

Investissements et acquisitions

Les autres relais de croissance de la coopérative sont les pôles nutrition et aquaculture. Le premier est né de l’acquisition en 2005 de Newborn Animal Care, qui produit des solutions naturelles pour limiter le recours aux médicaments. Cette activité, qui a été renforcée par l’achat de Vetinnov en janvier 2020, a pesé 16 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2022, en hausse de 25 %. Le pôle aquaculture a également été renforcé par une acquisition, celle d’Aqualia début 2022, dont l’usine se situe à Arue, dans les Landes. Ce site a nécessité un investissement de 2,5 millions d’euros, dont les travaux se sont terminés fin 2022. "Nous sommes désormais bons pour adresser le marché", informe le dirigeant. "Dans ce domaine, nous sommes n°1 français en termes de capacité de production mais très petits par rapport aux géants mondiaux." Le Gouessant a donc choisi de se spécialiser dans des espèces comme les truites, crevettes, bars et dorades. Outre sur le site d’Arue, les aliments aquacoles sont également produits à Saint-Aaron dans les Côtes-d’Armor. Au total, les relais de croissance de la coopérative ont pesé 90 millions d’euros en 2022, en hausse de 11 %.

Le Gouessant, présidé par Thomas Couëpel, compte 4 500 adhérents, dont une grande majorité dans le Grand Ouest et dans l’élevage en bovins et porcs, même si l’entreprise revendique une production de ses adhérents de 40 000 tonnes de volailles en 2022, dont désormais une majorité de poulets plutôt que de dindes. Parmi ces 4 500 éleveurs, 2 000 sont "très actifs", utilisant les offres de la coopérative dans les domaines de la polyculture et de l’élevage : alimentation animale, suivi d’élevage, agrofournitures, collecte et commercialisation des productions…

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