Pays de la Loire
Le financement des start-up connaît-il vraiment la crise dans les Pays de la Loire ?
Enquête Pays de la Loire # Fonds d'investissement # Start-up

Le financement des start-up connaît-il vraiment la crise dans les Pays de la Loire ?

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Le montant des levées de fonds s’est écroulé en 2023, avec une chute de 40 %. Les start-up des Pays de la Loire vivent-elles pour autant une crise de financement ? Rien n’est moins sûr. L’argent est là, de la love money à l'entrée Bourse, disponible, à condition de trouver la bonne recette pour décrocher le Graal.

Anaïs Vivion, dirigeante de Beapp et Képhyre, et présidente de la French Tech Nantes — Photo : Beapp

Dans la vie d’un chef d’entreprise, d'un créateur de start-up en particulier, la question se pose rapidement de trouver de l'argent. Et là, de la love money, ce coup de pouce financier des proches, à la grosse levée de fonds lors d'une entrée en Bourse, il y a un pas de géant. Mais la démarche est identique : il faut trouver des fonds à la hauteur de son ambition. "Lever des fonds est constitutif du business model d’une start-up, estime Florian Hervéou, cofondateur du Startup Palace et de _icilundi, et par ailleurs co-organisateur de l’événement dédié aux start-up Zero to one. Le financement s’opère sur un spectre large. Il est important d’en avoir conscience. Et il est vrai que l’atmosphère est un peu différente depuis quelques mois…"

Une baisse de 40 % du montant des levées de fonds

Mickaël Froger, cofondateur de mimbi, ex dirigeant et fondateur de Lengow — Photo : David Pouilloux

L’actualité récente en ce domaine nous a en effet poussés à interroger le monde des start-up. Car les experts sont formels : les levées de fonds se sont écroulées en 2023, d’environ 40 % sur un an, après deux années post-covid fastes. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en France, les entreprises innovantes ont récolté la somme de 8,3 milliards d’euros en levées de fonds l’an dernier. Et c’est 5 milliards de moins qu’en 2022 et environ 2 milliards de moins qu’en 2021. Si l’on zoome sur l’un des départements de la région Pays de la Loire, la Loire-Atlantique, cela donne, en 2023, un montant total des levées de fonds de 177 millions d’euros, après le record de 636 millions d’euros levés en 2022. Cette année-là, quatre acteurs clés du territoire avaient dépassé les 100 millions d’euros de levée de fonds : Lhyfe, Akeneo, Propriétés-privées.com et Valneva…

"La fête est finie. Après des années d'euphorie, on revient à une période plus rationnelle"

Alors, que se passe-t-il ? Crise de financement ? Ou pas crise ? Peut-on encore trouver des fonds ? Et comment s’y prendre ? Fondatrice et présidente de BeApp et Kephyre, deux start-up nantaises, et présidente de la French Tech Nantes, Anaïs Vivion décrit cette période avec des mots simples : "La fête est finie. Après des années d’euphorie, on revient à une période plus rationnelle". Elle le reconnaît : "On ne lève plus juste avec une belle idée et un joli dossier. Il faut en montrer davantage aux business angels ou aux sociétés de capital-risque. Ils attendent d’avoir des indicateurs solides sous les yeux !"

Même son de cloche du côté de Mickaël Froger, ancien fondateur de Lengow et fondateur d’une nouvelle start-up, Mimbi, qui propose un logiciel pour améliorer la performance des marques. "Les fonds ne sont pas partis. Simplement, ils font preuve de beaucoup plus d’exigence sur les dossiers qui leur sont soumis. Pour moi, il n’y a pas de crise, juste un réajustement. L’argent facile, c’est fini. Mais des euros, il y en a."

Dans les faits, certains chiffres se montrent en effet rassurants. D’abord, avec plus de 8 milliards d’euros levés en France en 2023, cela reste pratiquement le double de ce que l’on observait en 2019 (4,5 milliards d’euros) ou 2020 (4,3 milliards d’euros). Quant au nombre d’opérations, 808 en 2023, il est quasiment stable : 839 en 2022, 782 en 2021. "Les fonds sont plus prudents, le montant moyen des levées est passé de 15 millions d’euros à 10 millions, avec un très fort développement des fonds d’amorçage, souvent inférieur à 5 millions", analyse Florian Hervéou.

Un autre phénomène est en cours : les fonds ont changé l’affectation de leurs investissements, observe Anaïs Vivion. "Ils opèrent moins dans le secteur des logiciels (SaaS) pour aller davantage sur les DeepTechs (technologies de rupture), notamment dans les GreenTechs, l’énergie, la santé et l’IA (Intelligence artificielle). Les projets à fort potentiel de développement, de croissance, se trouvent aujourd’hui dans ces secteurs qui intéressent en particulier les fonds à impact." En 2023, le secteur des DeepTechs a récolté plus de 1,66 milliard d’euros de fonds, soit une augmentation de près de 120 % comparés aux 760 millions d’euros de l’année précédente.

Des fonds mieux investis

En y regardant de plus près, la crise actuelle de financement concerne surtout les start-up qui veulent devenir des licornes, via des levées de fonds records, et dont les business models ont davantage de mal à convaincre les investisseurs des grands fonds. Aujourd’hui, la volonté est de financer moins mais mieux. "Plutôt que des licornes, nous cherchons à financer des cathédrales : des start-up aux fondations solides, et qui se placeront au centre des futurs écosystèmes, note Bérengère Lehembre, cofondatrice et partner d’Asterion Ventures, un fonds de capital-risque à impact. Il n'y a pas moins d’opérations, en réalité, c’est le temps entre deux levées de fonds qui peut être allongé afin de laisser davantage de temps à la start-up pour trouver son bon business model. Entre ces deux moments, il faut néanmoins montrer une certaine rentabilité, un modèle économique fiable avec un plan commercial solide." Par ailleurs, cette exigence se double aujourd’hui d’une volonté générale de décentraliser les investissements. "Entre 2022 et 2023, nous sommes passés de 61 % des opérations qui concernaient des start-up parisiennes à 50 % en 2023, argumente Bérengère Lehembre. De même, en termes de montants, 75 % des fonds ont été investis dans des start-up parisiennes en 2022, contre 61 % en 2023." Asterion Ventures, dont la majorité des investissements reste pour l’instant destinée aux acteurs de la capitale, veut suivre cette tendance.

De la love money dans le tour de table

Laura Chavigny, Claire Bretton et Léa de Fierkowsky ont fondé la start-up Underdog qui propose du gros électroménager reconditionné. La love money représentait un peu moins de 10% de leur levée de fonds de 3,8 M€ — Photo : 2023 Twin Pics

Pour démarrer un projet, les sommes folles levées, tels les 850 millions d'euros du grenoblois Verkor (batteries bas carbone) ou même les 60 millions d’euros de l’angevin Néolithe (déchets non recyclables transformés en pierre), ne sont évidemment pas un passage obligé. On peut commencer petit, avant de voir grand. Certains récoltent des fonds auprès de leurs proches, parents, cousins, amis qui fournissent alors un petit matelas de "love money". Un grand nombre de chefs d’entreprise ont d’ailleurs évoqué cette étape, vécue dans les mois qui précèdent la création de leur entreprise. Ils font soit un tour de table 100% love money, soit c'est une partie de la levée de fonds.

"Dans notre tour de table, nous avions des business angels, des fonds de capital-risque et de la love money, détaille Claire Bretton, présidente d'Underdog, start-up nantaise qui reconditionne du gros électroménager. Au sein de notre levée de fonds de 3,8 millions d'euros, la love money représentée moins de 10 %. Le plus important, c'est de dire à ses proches, amis, famille, que c'est une opportunité d'investissement, mais que c'est risqué, qu'ils peuvent tout perdre. Il faut être totalement transparent, afin qu'en cas d'échec, cela n'affecte pas vos relations."

Des aides des réseaux

Nadya Jahan, fondatrice de Crocrobo et de Nila/Agency — Photo : DR

La première étape de recherche de fonds peut se jouer en dehors du premier cercle relationnel. Nadya Jahan est une serial entrepreneuse nantaise, à la tête aujourd’hui de deux entreprises, Crocrobo (marque d’accessoires pour bébé) et Nila/Agency (agence de conseil pour le e-commerce). Elle est aussi la fondatrice de la société de jeux vidéos Mandala Games. Celle qui a fondé sa première entreprise à 17 ans a plusieurs fois dû se pencher sur le financement des start-up qu’elle a créées. "La première chose à savoir, c’est qu’il existe un grand nombre d’aides financières que l’on peut solliciter lors de la création de son entreprise, explique la dirigeante. Il y a l’aide à la reprise et à la création d’entreprise (Arce), versée par France Travail (anciennement Pôle Emploi) qui permet de recevoir une partie de ses allocations-chômage sous la forme d’un capital, en une seule fois." Cette première aide peut en enclencher d’autres. "Lors de la création de Mandala Games, j’ai pu avoir un prêt de la part d’Initiative Nantes et de Réseau Entreprendre Atlantique, poursuit Nadya Jahan. Cet apport a débloqué la possibilité d’avoir d’autres financements, comme ceux de Bpifrance. On sous-estime d’ailleurs les aides de Bpifrance, sous forme de prêts ou de subventions, à tous les stades de développement de sa start-up."

Une hausse des fonds d’amorçage

Lorsque le besoin de fonds dépasse plusieurs centaines de milliers d’euros, le recours aux business angels et fonds de capital-risque s’impose quasiment à tous. Mickaël Froger, le cofondateur de Mimbi, vient de lever 1,5 million d’euros, à peine quelques mois après la création de sa start-up. Une levée qui participe à la hausse du nombre de levée de fonds d’amorçage de série A qui représentent quasiment 90 % des levées en 2023. "Au départ, je voulais lever la moitié seulement, cela nous suffisait, raconte le quadragénaire qui fait partie des plus belles réussites du numérique nantais de ces 15 dernières années. Mais j’ai cédé aux demandes que l’on m’a faites."

L’expérience d’entrepreneur de Mickaël Froger et celle de son associé, Frédéric Clément, ainsi que la nature de leur projet ont séduit les investisseurs. Son sourire se fige en revanche lorsqu’il observe l’attitude parfois désinvolte de certains porteurs de projet qui cherchent de l’argent frais. "Lorsque l’on veut lever des fonds, il faut expliquer pourquoi on veut le faire, donner les détails de ce que l’on va faire avec cet argent : son marché, ses clients, le montant du panier moyen, le recrutement, les investissements dans l’innovation, les perspectives de croissance, de rentabilité, etc. Ceux qui imaginent qu’avec deux slides ils vont lever 20 millions se trompent."

Selon le dirigeant nantais, les cimetières de start-up sont remplis de personnes qui ont échoué parce qu’ils n’avaient pas assez réfléchi à ce qu’ils allaient faire de leurs fonds. "En 2015, pour notre levée de fonds de 10 millions d’euros, notre dossier faisait 60 pages et on avait une pression énorme sur les épaules avec mes associés, se souvient Mickaël Froger. Avant la présentation, je n’avais pas dormi pendant trois nuits. Les investisseurs sont là pour faire de l’argent, pas pour en perdre. L’excès de confiance est mauvaise conseillère."

Se rémunérer après avoir quitté son emploi

Ulric Le Grand, Nicolas Davoust et Enguerrand Léger, cofondateur de Gens de Confiance — Photo : Hélène Charier

Implanté à Nantes, Gens de Confiance est une plateforme de petites annonces qui fonctionne par recommandations. Elle compte aujourd’hui 950 000 membres. Ulric Le Grand, cofondateur et directeur général de Gens de Confiance, explique la nécessité de trouver de l’argent au moment où le projet prend de l’ampleur. "Pendant 18 mois, avec Nicolas Davoust et Enguerrand Léger, nous avons développé Gens de Confiance en mode "side project", parallèlement à nos emplois respectifs. Comme le chiffre d’affaires était bon, nous avons créé l’entreprise en 2014 et commencé un road-show qui nous a permis de lever 500 000 euros auprès de Partech et la même somme auprès de Bpifrance en 2015. Lever des fonds rapidement était crucial pour nous rémunérer, car, à ce moment-là, nous avions quitté nos emplois respectifs pour nous consacrer à 100 % à Gens de Confiance et nous avions recruté un directeur des nouvelles technologies (CTO)."

Après une seconde levée de fonds de 3 millions d’euros, en 2019, Gens de Confiance en a opéré une nouvelle en 2023, de 5 millions d’euros. "Le fonds Isai a réinvesti 2 millions et nous en avons profité pour lever 3 millions d’euros en financement participatif auprès de nos membres, rapporte Ulric Le Grand. Au terme de ce tour de table, nous avions 1 100 actionnaires ! En remboursant des parts à Partech, notre partenaire historique, nous avons également prouvé notre capacité à distribuer des liquidités. Ce qui est fondamental pour un fonds. Enfin, nous avons profité de cette opération pour permettre à nos collaborateurs qui en détenaient de vendre leurs BSPCE (bons de souscription de parts de créateur d’entreprise). C’était important pour montrer que l’entreprise a de la valeur."

Le codirigeant nantais de Gens de Confiance respire l’air du temps économique. "Aujourd’hui, on dit qu’il est plus difficile de lever des fonds. Personnellement, j’ai toujours trouvé cet exercice difficile. Il faut que le dossier soit bon. Le dossier Gens de Confiance est aujourd’hui assez largement dérisqué. Nous employons un peu plus de 80 salariés pour un chiffre d’affaires de 7 millions d'euros et nous avons été rentables en 2022." Des conseils pour lever des fonds ? "Bien s’entourer pour savoir quels fonds aller voir en fonction de la maturité de l’entreprise, de son activité, de ses besoins en financement, commence-t-il. La levée de fonds est un sport de haut niveau qui requiert de la ténacité. Enfin, il faut savoir jouer avec tous les outils de financement, en commençant par le chiffre d’affaires de l’entreprise pour se développer sur fonds propres, la dette bancaire et des fonds pour accélérer et, sans oublier, que les fonds ont vocation à sortir un jour."

Des levées de plus en plus grosses

Shopopop, Johan Ricaut et Antoine Cheul, codirigeants et cofondateurs de cette start-up, à Nantes — Photo : Shopopop

Comptant aujourd’hui 150 salariés, Shopopop développe une plateforme de livraison de courses entre particuliers. L’entreprise revendique plus d’un milliard d’euros de courses livrées en 2023, au moment où nous avons rencontré le cofondateur Antoine Cheul. L’entreprise a levé 2 millions d’euros en 2018, puis 4 millions d’euros en 2020, à chaque fois auprès d’investisseurs locaux comme Go Capital, West Web Valley, Pays de Loire Participations et les business angels de Bamboo. Sa méthode : créer du lien et de la confiance. "Il est assez facile de se croiser lors d’événements locaux et d’échanger de manière informelle", souligne Antoine Cheul, qui cultive cette proximité. "Une fois les fonds levés, les actionnaires deviennent des associés et vous partagez la même envie de voir l’entreprise réussir".

En 2021, Shopopop a franchi le palier supérieur, avec une levée de 20 millions d’euros incluant un fonds parisien Meridiam. "Les fonds régionaux atteignent leurs limites pour des sommes aussi élevées", estime le dirigeant. Sa relation avec Meridiam ? "Nous essayons de garder une proximité avec eux, via des groupes WhatsApp informels, et nous nous déplaçons à Paris pour les croiser et les tenir au courant", détaille le cofondateur. Avec le recul, le cofondateur estime avoir emprunté le bon chemin et le reprendrait si c’était à refaire. "Nous n’avons pas fait de très grosses levées de fonds, au départ. L’idée n’était pas d’aller le plus vite possible. Notre première responsabilité était d’être rentable assez rapidement et pouvoir payer les salariés". À l’issue de cette dernière opération de levée de fonds, les deux fondateurs ne sont plus actionnaires majoritaires. "Il faut casser cette croyance, estime Antoine Cheul, même si nous n’avons plus la majorité au capital, nous restons décisionnaires."

Se développer sans lever de fonds

Nicolas Durandière, nantais d'origine, a fondé ouidou en 2017, et ouvert un bureau à Nantes de 25 salariés — Photo : David Pouilloux

Partenaire de Zero to one, Nicolas Durandière est le cofondateur, en 2017, de Ouidou, une ESN (entreprise des services numériques) spécialisée dans l'amélioration des logiciels métiers. Cinq ans plus tard, Ouidou est quasiment une ETI, avec 245 salariés, près de 24 M€ de chiffre d'affaires et une essaimage, depuis Paris, à Strasbourg, Lyon, Lille et à Nantes où travaillent déjà 25 salariés. Nicolas Durandière jette un pavé dans la mare sur le sujet des levées de fonds parfois gigantesques qu'il observe. "Ce que je déplore, c'est que les médias ne s'intéressent pas à nous, aux ESN vertueuses, on n'est pas assez sexy. Ils sont focus sur les start-up qui ont des ambitions folles, lèvent des sommes délirantes, mais vont dans le mur ", tacle le dirigeant. Agacé, il pointe ce que peu d'entre eux osent évoquer : "Les fonds sont brûlés en grosses rémunérations pour les dirigeants et n'ont pas été utiles au business de l'entreprise, estime-t-il. Trois ans après la levée, les boîtes n'existent plus, mais les dirigeants se sont bien servis. La levée de fonds a fabriqué du salaire, et n'a pas apporté suffisamment de valeur. " Son modèle ? "Pour Ouidou, nous n'avons pas levé un seul euro, car notre modèle de développement repose sur la qualité de notre business et sur une facturation immédiate dès les premiers jours. Nous avons grandi très vite, fait de l'hyper croissance, mais nous avons tout de suite fait des bénéfices, et nous venons d'instaurer un intéressement pour nos salariés."

Une levée de fonds participative

Julien Boucault, fondateur de Tchao Tchao, a lancé une levée de fonds en financement participatif — Photo : Tchao Tchao

Au chapitre des idées originales pour lever des fonds, on trouve la start-up angevine, Tchao Tchao. En 2023, cette dernière a commercialisé plus de 300 kits d’aménagement pour voitures et fourgons, en France et dans des pays limitrophes, Allemagne, Belgique ou encore Suisse. La jeune entreprise créée par Julien Boucault compte aujourd’hui 5 collaborateurs et prône un tourisme de proximité, avec des kits compatibles avec 140 modèles de véhicules, soit environ 20 millions de voitures en France et 200 millions en Europe. Des kits fabriqués en Maine-et-Loire avec des matériaux issus de la région. Le dirigeant, qui a participé en janvier 2023 à l’émission "Qui veut être mon associé ?", sur M6, a bénéficié à cette occasion d’une réelle visibilité et est désormais accompagné par deux investisseurs, Eric Larchevêque et Jean-Pierre Nadir.

La jeune entreprise a déménagé en janvier 2024 dans de nouveaux locaux à Écouflant et investit dans un second centre d’usinage. L’objectif est désormais de doubler la production, voire de la tripler pour répondre à la demande. Tchao Tchao lance également une première levée de fonds auprès de particuliers via la plateforme Tudigo : "Nous voulons lever 1 million d’euros pour accélérer, confie Julien Boucault. L’idée de départ était de mener un projet collaboratif et le fait d’avoir plein d’actionnaires particuliers est une vraie force." Il ajoute : "J’avais la possibilité de faire un tour de table avec des business angels et une dizaine de personnes étaient intéressées pour mettre des tickets plus importants. Mais la levée participative correspondait vraiment à ce que je veux faire de l’entreprise, quelque chose d’ouvert et surtout orienté sur la communauté. Derrière, c’est aussi une vraie force, le fait d’avoir plusieurs centaines de personnes prêtes à financer. À 90 %, ce ne sont ni des clients ni des membres de la famille, mais des gens qui nous connaissent par les réseaux, qui nous ont peut-être découverts lors du passage télé. Je trouve ça très positif."

Le stress de l’entrée en Bourse

Nolwenn Belléguic, directrice générale déléguée de Lhyfe — Photo : Lhyfe

Toute entreprise doit rendre des comptes une fois qu’elle a des partenaires au capital. C’est encore plus vrai lorsque cet apport d’argent se fait via une entrée en Bourse. Nolwenn Belléguic, directrice générale déléguée de Lhyfe, explique comment elle a vécu de l’intérieur les levées de fonds du champion local de production d’hydrogène vert. "Notre première levée de fonds, début 2020, c’était 8 millions d’euros, c’était la plus grosse levée dans les GreenTechs en Europe. Cette somme nous a aidés à recruter nos premiers salariés et à construire notre première usine de production d’hydrogène vert, en Vendée. Quand on prépare une levée de fonds, on se trouve face à un tour de table d’investisseurs. Le plus important est d’arriver à en déverrouiller un, à le convaincre d’y aller, car ensuite les autres suivent."

L’étage supérieur consistait à lever plus de 100 millions d’euros, cette fois, via un passage en Bourse. "Nous avons fait le grand saut en 2022, avec la levée de 118 millions d’euros, qui nous a permis de lancer tous les projets que nous avions mis en route, en France et en Europe. Cette entrée en Bourse est un travail colossal, un document de 300 pages, dont 40 pages qui décrivent tous les risques que nos investisseurs doivent connaître." Le plus éprouvant ? "Il y a ce que l’on appelle des road shows, avec des centaines d’investisseurs à convaincre. Et cela dans un contexte international très difficile, avec le début de la guerre en Ukraine." L’après levée de fonds est aussi une épreuve. "Il fallait structurer l’entreprise, récolter des données très précises, car il faut rendre des comptes tous les trimestres à nos investisseurs. Le bon côté des choses, c’est que les investisseurs sont auprès de nous, ils s’impliquent, nous conseillent. L’entrée en Bourse apporte beaucoup de notoriété à une boîte. Mais quand le cours dévisse, ça se voit, c’est le revers de la médaille. Ce qui me semble essentiel, c’est de ne pas piloter l’entreprise avec l’œil sur le cours de la Bourse, mais sur son ambition, avec en tête le rêve que l’on poursuit : changer le monde."

Pour conclure cette enquête, il a été assez cocasse de découvrir que l'expression "l'argent est le nerf de la guerre", débusquée dans Gargantua, de Rabelais, aurait en fait pour origine une autre expression, bien plus ancienne. Celle-ci est piochée dans les discours de l'homme d'État romain Cicéron : "L'argent est le nerf des affaires".

Pays de la Loire # Fonds d'investissement # Start-up # Gestion # Levée de fonds