Coronavirus : « La pression des salariés n’est pas un motif valable pour activer le chômage partiel »
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Élise Bénéat avocate en droit du travail au cabinet De Pardieu Brocas Maffei Coronavirus : « La pression des salariés n’est pas un motif valable pour activer le chômage partiel »

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Depuis l'annonce de la généralisation du chômage partiel (ou activité partielle) par le gouvernement mi-mars, les entreprises s'interrogent sur leur éligibilité à ce dispositif. Malgré l'élargissement des critères par l'administration et une certaine souplesse attendue dans un contexte de crise sanitaire et économique exceptionnelle, certains employeurs pourraient voir leur demande retoquée.

Photo : Annie Sprat - Unsplash

Le Journal des Entreprises : Confrontées à la crise sanitaire actuelle et à l’obligation de confinement de la population, les entreprises sont nombreuses à vouloir cesser leur activité, notamment pour protéger leurs salariés. Peuvent-elles le faire et être assurées de pouvoir recourir à l’activité partielle ?

Élise Bénéat : Les entreprises qui ne sont pas concernées par l'arrêté du 15 mars 2020 (fermeture des restaurants et des commerces non indispensables notamment, NDLR) et qui ne peuvent pas mettre en place le télétravail se retrouvent aujourd'hui dans une situation délicate. Elles peuvent être confrontées à une pression des salariés et des organisations syndicales pour fermer et mettre en place le chômage partiel (ou activité partielle). Mais cette « pression » n’est pas une raison valable en tant que telle pour activer le chômage partiel.

En revanche, une baisse ou une suspension de l’activité de l’entreprise liées au confinement et à la conjoncture économique peuvent constituer des motifs valables, si par exemple l’entreprise ne peut plus s’approvisionner en matières premières ou si ses clients et sous-traitants ont cessé leur activité.

Quels conseils donner à une entreprise qui voudrait faire une demande d’activité partielle ?

Élise Bénéat : La situation réglementaire n’est pas complètement stabilisée aujourd’hui et il n’est pas improbable que le gouvernement assouplisse encore les conditions de recours à l’activité partielle et les modalités de prise en charge. Les postures sont contradictoires : d’un côté, il est demandé à la population de rester confinée pour ne pas aggraver l’ampleur de l’épidémie et, de l’autre côté, le gouvernement dit aux entreprises que l’activité économique doit se poursuivre et que les salariés peuvent continuer d’aller travailler. Les entreprises peuvent toutefois se rassurer, on peut s’attendre à une certaine souplesse de la part de l’administration étant donné le contexte.

Pour autant, face à l’afflux des demandes d’activité partielle, j’ai trois conseils à donner aux employeurs : justifier de manière très concrète dans leur demande l’impact de l’épidémie et du confinement sur leur activité ; faire une demande large tant sur la période – ne pas hésiter à la faire pour plusieurs mois, dans la limite de douze mois – que sur le nombre de salariés concernés ; et ne pas se précipiter car l’État laisse jusqu'à la mi-avril pour faire sa demande, avec effet rétroactif.

Au sein de certaines entreprises, comme les Chantiers de l’Atlantique, La Redoute ou Amazon, les salariés invoquent leur droit de retrait. Est-ce justifié ?

Élise Bénéat : Le droit de retrait est très encadré, le salarié ne peut l’invoquer que si la situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. Il n’est pas applicable en l’état aujourd’hui, même dans le contexte actuel d’épidémie, si l’employeur applique les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la protection de la santé de son personnel. Si un salarié estime que ces mesures ne sont pas appliquées, il doit en informer son employeur et contacter un représentant du personnel au comité social et économique. Une enquête sera menée et l'employeur invité à se conformer aux mesures de prévention et de protection recommandées par le gouvernement.

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