Chômage partiel et droit du travail à nouveau assouplis pour tenir compte de la crise du coronavirus
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Chômage partiel et droit du travail à nouveau assouplis pour tenir compte de la crise du coronavirus

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Encore une salve de changements à digérer pour les entreprises. Pour faire face à la crise du coronavirus, le Parlement a entériné de nouveaux assouplissements du droit du travail sur le renouvellement des contrats courts et l’intéressement dans les TPE. Le dispositif d’activité partielle évolue, avec des droits étendus pour les salariés et la création d’un nouveau régime de longue durée.

Le secteur aéronautique devrait être l'un des principaux utilisateurs du nouveau régime de chômage partiel longue durée, institué par la loi du 17 juin — Photo : Airbus

L’état d’urgence sanitaire doit prendre fin le 10 juillet mais le gouvernement n’en a pas tout à fait fini avec l’adaptation des règles de droit commun, au nom de la lutte contre l’épidémie de Covid-19. Bien au contraire : il a glissé dans une loi fourre-tout, publiée le 18 juin au Journal officiel, de nombreux aménagements touchant directement au fonctionnement des entreprises.

Les uns portent sur le nécessaire ajustement du chômage partiel, alors que ce dispositif a été exploité dans des proportions inédites et imprévues depuis le début de la crise. Les autres apportent des assouplissements supplémentaires aux employeurs en matière de droit du travail.

L’activité partielle se transforme

Le gouvernement s’est largement appuyé sur l’activité partielle pour tenter de limiter, dès le début de la crise du coronavirus, l’envolée du chômage. Utilisé massivement (plus de 13 millions de salariés concernés depuis le 1er mars) dans une situation pour laquelle il n’avait pas forcément été pensé, le dispositif a montré des limites. Cette loi se propose de les corriger. Surtout, elle pose les fondations d’un mécanisme plus adapté à une phase de reprise très progressive de l’activité économique : l’ARME.

• Naissance d’un nouveau dispositif de longue durée

L’acronyme n’est évidemment pas anodin : « l’activité réduite pour le maintien en emploi » est la nouvelle « arme » du gouvernement pour éviter les vagues de licenciements « dans les entreprises confrontées à une réduction d’activité durable qui n’est pas de nature à compromettre leur pérennité ». Sont visées notamment l’aéronautique et l’automobile. [EDIT : le dispositif a finalement été baptisé « activité partielle de longue durée » et entrera en vigueur le 1er juillet]

Ce régime nouveau de chômage partiel longue durée permet de réduire le temps de travail d’une partie de ses effectifs. Les salariés concernés sont indemnisés. L’État apporte un soutien financier à l’entreprise, mais exige, en contrepartie, des engagements « spécifiquement souscrits […] notamment pour le maintien de l’emploi ».

L’ARME ne peut ainsi être dégainée qu’après accord collectif au niveau de l’entreprise ou de la branche. Son contenu fait ensuite l’objet d’un contrôle de l’administration (validation dudit accord ou homologation du document qui décline, dans l’entreprise, les dispositions prises au niveau de la branche).

Les employeurs auront jusqu’au 30 juin 2022 pour mobiliser cet outil de chômage partiel de long terme. Ses modalités pratiques seront précisées par décret, à l’issue de discussions en cours entre le ministère du Travail et les partenaires sociaux.

• Aménagement de l’actuel régime d’activité partielle

Dans l’arsenal anti-chômage du gouvernement, l’ARME complète le régime actuel de chômage partiel, sans s’y substituer. Ce dernier est donc réadapté pour tenir compte des circonstances exceptionnelles qui ont abouti à son usage massif, avec des conséquences parfois inattendues.

Modulation du chômage partiel. Après l’individualisation, place à la catégorisation. Le gouvernement s’accorde la possibilité de modifier par ordonnance le régime ordinaire de l’activité partielle, et ce jusqu’à six mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire.

En l’occurrence, il s’agit d’en « [adapter] les règles aux caractéristiques des entreprises en fonction de l’impact économique de la crise sanitaire sur ces dernières, à leur secteur d’activité ou aux catégories de salariés concernés ». Dans cette logique, une attention particulière sera accordée aux entreprises fermées par arrêté depuis le confinement, ainsi qu’à toutes celles qui les approvisionnent et dépendent étroitement de leur activité.

Objectif de ces ajustements à venir : « limiter les fins et les ruptures de contrats de travail, atténuer les effets de la baisse d’activité, favoriser et accompagner [sa] reprise ».

Monétisation des jours de congé. Par un accord d’entreprise ou de branche, il est désormais possible de monétiser jusqu’à 5 jours de RTT ou de congés payés par salarié en activité partielle. La mesure, valable du 12 mars au 31 décembre, doit permettre de compenser l’éventuelle baisse de rémunération subie par le personnel placé sous ce régime.

Concrètement, deux cas de figure se présentent : soit la demande émane d’un salarié lui-même ; soit l’employeur l’impose à ceux qui, « placés en activité partielle, [bénéficient] du maintien intégral de leur rémunération sur le fondement de stipulations conventionnelles ». Dans ce dernier cas, les sommes récupérées alimentent un fonds de solidarité interne, destiné aux collègues moins bien lotis en termes de perte de revenu.

Ne peuvent toutefois être convertis que « les jours acquis et non pris, qu’ils aient ou non été affectés à un compte épargne-temps ». De même, les congés payés qui peuvent être monétisés sont ceux que possède un salarié au-delà de 24 jours ouvrables.

Maintien des droits. Enfin, compte tenu du recours exceptionnel, massif et prolongé à l’activité partielle, la loi prévoit deux aménagements au bénéfice des salariés. D’une part, les périodes d’indemnisation comprises entre le 1er mars et le 31 décembre seront prises en compte dans le calcul de leur retraite.

D’autre part, les garanties collectives (risques décès, invalidité, chômage, etc., ainsi qu’indemnités ou primes de départ à la retraite ou de fin de carrière) sont maintenues pendant le chômage partiel, et ce « indépendamment des stipulations contraires de l’acte [les] instaurant ». Cette mesure est valable du 12 mars jusqu’à la fin de l’année. S’ajoute à cette règle un ensemble d’aménagements, aussi bien sur l’assiette de calcul des primes et cotisations que sur les règles applicables en cas de report ou retard de leur paiement.

Le droit du travail s’assouplit

Le droit du travail avait déjà été assoupli par ordonnance au début de la crise sanitaire. Cette loi introduit des aménagements supplémentaires, en particulier sur les contrats courts.

• Dérogations pour les contrats courts

Renouvellement des CDD et contrats d’intérim. La législation entourant les contrats à durée déterminée peut être temporairement contournée par un accord collectif d’entreprise. Peuvent ainsi être modifiés le nombre maximal de renouvellements et le délai de carence entre deux CDD. Ces dérogations concernent aussi les contrats de mission des agences d’intérim. Mais, dans leur cas, il devient aussi possible d' « autoriser le recours à des salariés temporaires dans des cas non prévus » par la loi.

Le texte pose toutefois des limites à ces facilités nouvelles. Elles ne doivent pas être utilisées pour « pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise ». Elles sont également limitées dans le temps et « applicables aux contrats de travail conclus jusqu’au 31 décembre 2020 ».

Contrats d’insertion. De la flexibilité est également introduite pour les contrats bénéficiant à des personnes en difficulté (CDD, intérim, contrats uniques d’insertion) et les CDD dans les entreprises adaptées. Du 12 mars et jusqu’à six mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire, ils pourront « être conclus ou renouvelés pour une durée totale de 36 mois ». Sont également précisées les règles de calcul du chômage partiel pour les saisonniers embauchés par des associations intermédiaires (structures d’insertion par l’activité économique).

• Simplification du prêt de main-d’œuvre

Remis au goût du jour pendant le confinement, le prêt de main-d’œuvre est simplifié jusqu’à la fin de l’année. Il est ainsi possible de réaliser une seule convention pour tous les salariés échangés entre entreprises (plutôt qu’une par personne concernée). L’avenant au contrat de travail peut, par ailleurs, se contenter de mentionner un volume hebdomadaire d’heures de travail (plutôt que des horaires précis). Enfin, les conditions de consultation du comité social et économique sont revues, tout comme la définition du prêt sans but lucratif.

• Intéressement dans les TPE

Le gouvernement ne cache pas, depuis quelque temps, sa sympathie pour l’intéressement comme levier de gratification salariale. Dont acte : il a profité de cette loi pour en faciliter la mise en place dans les TPE. Un dirigeant à la tête d’une structure de moins de 11 salariés peut ainsi décider d’instaurer, de manière unilatérale, un accord d’intéressement d’une durée d’un à trois ans. Une condition toutefois : qu’aucun « ne soit applicable ni n’ait été conclu dans l’entreprise depuis au moins cinq ans ».

Le régime ainsi mis en place ne pourra ensuite être reconduit que par la concertation avec les salariés ou leurs représentants, comme le prévoit normalement la loi.

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