Cité numérique de Bordeaux : un porte-étendard qui se lance en toute discrétion
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Cité numérique de Bordeaux : un porte-étendard qui se lance en toute discrétion

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L'agglomération bordelaise est en train de se doter de l'un des plus grands bâtiments dédiés aux start-up en France. Censée être l'un des étendards de la métropole, la Cité numérique voit pourtant le jour en catimini.

La signalétique laisse à penser que le lieu attend encore ses résidents. En fait, derrière les murs discrets de la Cité numérique, les entreprises sont déjà là. Reste à faire de l'ancien tri postal un écosystème reconnu, en attendant de l'ériger en totem de l'économie numérique néo-aquitaine. — Photo : Anne Cesbron

Elle doit être la vitrine des entreprises du numérique de la région bordelaise. L'un des totems de la French Tech, le nouveau quartier général des start-up girondines. Quand elle était encore adjointe au maire de Bordeaux, Virginie Calmels a même assuré qu’elle allait être la « Station F » bordelaise, référence au gigantesque campus de start-up monté par Xavier Niel à Paris. S’étendant à Bègles sur 27 000 mètres carrés, la Cité numérique est l'un des plus grands bâtiments dédiés à l'économie du digital de France. Elle regroupe des lieux de formation aux métiers du numérique, des start-up à incuber et des PME de la filière du numérique ; le tout profitant de services, showroom, restauration… Objet de beaucoup de fantasmes et d’ambitions, le lieu met pourtant un temps infini à sortir de terre, et ses contours, dessinés depuis 2013, restent encore flous pour un certain nombre de dirigeants bordelais.

La naissance en catimini pour la Cité numérique

Il faut dire que, passés les effets de manches des professionnels de la politique, la communication autour de ce projet n’a pas toujours été des plus limpides. En juin dernier, lors de l’assemblée générale de la French Tech, Nicolas Florian, maire de Bordeaux, a ainsi invité à trouver un autre nom à la Cité numérique, considérant l’actuel comme « un peu vieillot ». C’est pourtant ce nom qui prévaut depuis le lancement du projet. Et c’est toujours ce nom qui est inscrit boulevard Jean-Jacques Bosc à Bègles : « Ici prochainement, ouverture de la Cité numérique », indique un grand panneau situé devant le bâtiment. La signalétique laisse à penser que la Cité attend encore ses résidents. En fait, derrière les murs discrets de l’ancien bâtiment de tri postal de Bègles, les entreprises sont déjà arrivées et près de 500 personnes s’y activent.

La Cité du numérique bordelaise a en effet vu le jour en catimini. Drôle de paradoxe pour un lieu qui se veut le porte-drapeau des start-up de la métropole… Pour rattraper le coup et mettre la Cité sur le devant de la scène, une inauguration devrait être organisée. Mais, là encore, rien ne semble encore vraiment fixé. Cette inauguration pourrait se dérouler avant le début 2020 ou « juste après les élections régionales », c’est-à-dire en 2021, avance-t-on du côté de Covivio (ex-Foncière des Régions), propriétaire des lieux qu’elle loue ou vend progressivement. En juillet dernier, 6 000 mètres carrés ont ainsi été cédés à des entreprises. Côté location, 5 000 mètres carrés dévolus à la Métropole et à la Région, garantissent un revenu pour douze ans.

Qu'est ce qui peut expliquer ce décalage entre les grandes ambitions et la visibilité finalement accordée au projet ? Pour certains, les deux ans de retard et le fait que le chantier ne soit pas encore tout à fait terminé - des fuites d'eau gênent des emménagements - ont pesé dans la balance. Pour d'autres, il faut y voir une conséquence des changements à la tête de la Métropole et de l'évolution de la gouvernance de la Cité numérique.

Des arrivées au fil de l’eau

Dans l’ancien bâtiment du tri postal, revu et corrigé, découpé en trois blocs principaux de quatre étages, sont arrivées en deux vagues estivales, en 2018 et 2019, une vingtaine de start-up parmi lesquelles, Marbotic, 10h11 ou encore la dynamique HelloAsso, qui y a pendu sa crémaillère ce 30 septembre. Pour Léa Thomassin, sa fondatrice, « il s’agit ici de jouer à plein les relations entre voisins de palier ». Jean-Luc Rumeau, patron d’Axyz, studio de production d’images fixes, animées et 3D, compte lui aussi sur l’émulation entre acteurs des lieux, « une puissance de feu pour développer du chiffre d’affaires et des partenariats de sous-traitance ». ADDEO, Interaction Healthcare, SimForHealth, Formapost, Studio Kubic ont suivi.

Restait à trouver l’entreprise qui endosserait le costume de locomotive. Ce sont des équipes de R&D et informatique de Sanofi qui emménageaient enfin en mai dernier, le géant pharmaceutique occupant 1 500 mètres carrés, pour une centaine de collaborateurs. Quant au groupe de David Layani, Onepoint, s’il a installé près de 100 salariés à Bègles, il a aussi annoncé la création d’un campus, taillé pour mille personnes, à quelques encablures de là, dans une tour d’Euratlantique et ne dit pas s’il restera dans la Cité numérique. Microsoft France vient, de son côté, d’y faire entrer sa première promo de quinze futurs développeurs spécialisés dans les données et l’intelligence artificielle. Certains de ses futurs diplômés sont d’ailleurs attendus chez Sanofi, Talan ou encore Onepoint, pour des contrats en alternance.

Un hub à animer

« C’est cet esprit de hub que nous souhaitons renforcer, en proposant des points de rencontre dans nos espaces de travail à la carte, de services et de réunion », précise Céline Léonardi, directrice de Wellio. La marque de coworking de Covivio présente à Paris, Marseille et Milan, va ainsi administrer, à Bègles, 3 000 mètres carrés de bureaux pour 320 postes de travail. « Il ne s’agit pas seulement de louer des postes de travail, mais d’aller plus loin dans la relation à nos clients, dans leur axe business », renchérit Simon Teboul, chef de projet Wellio. Il œuvre désormais aux côtés de Cédric Vicente, tout droit débarqué du Village by CA à Bordeaux, où il tenait aussi le rôle de chef d’orchestre. Les années passant, la filiale de Covivio a effectivement récupéré la charge de l’animation et de la communication de l’ensemble, un temps dévolu à Unitec qui se recentre finalement sur ses activités d’incubation et d’accompagnement des start-up, proposant environ 150 postes de travail, pilotés par quatre salariés permanents.

La technopole Unitec conserve une place de choix dans le dispositif. Hébergée dans des locaux provisoires depuis juillet 2018, Unitec prendra ses quartiers au mois d'avril 2020, en rez-de-chaussée du bâtiment A, à l’entrée du site, sur 1 500 mètres carrés de la Région. Une salle de 400 mètres est dédiée aux projets à partager avec ses voisins, entreprises, association professionnelle et organismes de formation. Le Cnam, conservatoire national des arts et métiers, et son centre de formation en réalité virtuelle, sont également attendus au printemps prochain. L’association French Tech Bordeaux, étendard de l’écosystème numérique local a rejoint le bâtiment B, occupant des mètres carrés métropolitains.

Un potentiel à développer

Le projet, rappelons-le, est né de la volonté de l’établissement public d’aménagement (EPA) Bordeaux Euratlantique et des objectifs économiques de développement du numérique de la Communauté urbaine de Bordeaux, aujourd’hui Bordeaux Métropole. « En 2016, le projet de la Cité numérique nous a été proposé par Stephan de Faÿ, directeur général de l’EPA. On a sauté dessus. On nous a demandé de rentrer comme investisseurs, en cours de route. En général, on ne le fait pas, nous sommes nos propres maîtres d’ouvrage. Mais, cela correspondait à un partenariat pour un projet atypique qui dépassait le cadre immobilier, un formidable vecteur pour renforcer notre relation avec les collectivités et notre image numérique », se souvient Olivier Esteve, directeur général délégué de Covivio. La société d’investissement immobilier reprend 75 % de l’ensemble pour 39 millions d’euros.

La suite ? Sur une réserve foncière de 13 000 mètres carrés, attenante au 27 000 de la Cité numérique, Covivio envisage la construction de logements et de bureaux. « On réfléchit à du coliving (habitat hybride offrant des services partagés aux résidents, NDLR) et à une exploitation plus fine des espaces extérieurs. Je crois beaucoup au potentiel du site. Il va falloir de l’huile de coude », prévient Olivier Esteve. Le chantier n’est donc pas tout à fait fini, les bâtiments A et C n’ont pas encore fait le plein, mais les esprits, 500 sur les 1 500 attendus, sont désormais au travail.

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