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Metz se rêve en centre névralgique de la blockchain
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Metz se rêve en centre névralgique de la blockchain

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À Metz, un centre de formation nommé Blockchain AkademIA s’apprête à ouvrir ses portes et une école devrait suivre dans les trois ans. Une initiative qui répond à des besoins en recrutement dans l’écosystème des entreprises messines de la blockchain, qui réclament de plus en plus de profils qualifiés. Cette filière émergente grandit et pourrait devenir un écosystème d’envergure nationale.

Le centre de formation Blockchain AkademIA devrait ouvrir ses portes à la rentrée 2024, avec une majorité de cours en distanciel — Photo : Image générée par l'IA - Microsoft Designer optimisé par Dall-E 3

Meria, Ta-Da, Deskoin, Ilium, KryptoStone, Black Ticket, Delmonicos… À Metz, le rang des entreprises de la blockchain grossit. Implémentée pour la première fois en 2009, la blockchain est une technologie de stockage et de transmission d’information qui permet de sécuriser des données. Elle fonctionne de manière décentralisée, grâce au web. Elle est en effet partagée par ses différents utilisateurs, ce qui permet à chacun de vérifier la validité de la chaîne. Base de données contenant l’historique de tous les échanges effectués, la blockchain est souvent assimilée à un grand livre comptable, anonyme et infalsifiable.

À Metz, elle se décline de plusieurs manières. Quand certaines entreprises l’utilisent pour collecter des données (Ta-Da), d’autres s’en servent pour simplifier l’accès aux bornes de recharge pour véhicules électriques ouvertes au public (Delmonicos) ou pour délivrer des billets numérisés et sécurisés (Black Ticket).

Investir dans l’immobilier grâce à des cryptoactifs

"Tout le monde ne s’en rend pas encore compte, mais la blockchain va tout toucher. Tout ce qui peut justifier l’ombre d’une traçabilité va rentrer dans la blockchain", assure Laurent Mayer, le dirigeant de KryptoStone. La start-up propose à ses clients d’investir dans l’immobilier grâce à des cryptoactifs.

Pour effectuer des placements, les acheteurs qui passent par KryptoStone achètent des jetons d’investissements (tokens), qui correspondent à des actions de la société propriétaire de l’immobilier, créée par la start-up. Le tout est réalisé de façon sécurisée, par la blockchain.

"Après Paris, la capitale de la blockchain c’est Metz".

Créée en février 2022, l’entreprise s’apprête à faire entrer un nouvel associé au capital et s’est engagée dans une vaste opération de conquête de nouveaux investisseurs. Un mouvement qui devrait apporter 1,7 million d’euros d’investissements immobiliers à Krypto Stone d’ici mai et "trois millions d’euros supplémentaires, dans les douze mois", anticipe Laurent Mayer. Si Krypto Stone compte pour l’instant six salariés, "nous devrions être quinze d’ici fin 2025", prévoit Laurent Mayer.

Laurent Mayer (au centre) et l’équipe de Krypto Stone préparent l’entrée d’un nouvel associé au capital — Photo : Inspire Metz

Interrogé sur l’évolution de sa filière, dont les effectifs sont encore difficiles à chiffrer, ce dernier dresse aujourd’hui deux constats : "il y a de gros besoins de formations" et "après Paris, la capitale de la blockchain c’est Metz".

Au 2e trimestre 2023, pour ces deux raisons, Laurent Mayer et Gary Florimont, le cofondateur de la start-up, se tournent vers Nassim Boufermel. Ancien responsable commercial chez Ilium, le passionné de blockchain est alors en reconversion. "Nous avons évoqué les difficultés de recrutement dans le secteur. C’est là que Laurent et Gary m’ont proposé de nous associer pour créer un centre de formation", raconte Nassim Boufermel.

Un centre de formation en septembre prochain

Un an plus tard, la Blockchain AkademIA est créée. Au capital, quatre associés : Nassim Boufermel, le futur directeur (70 % des parts), les associés de KryptoStone (12,5 % des parts), Cécile Henry, la responsable compliance chez Meria (5 % des parts) et Sensei écosystème, une plateforme de formation en ligne basée à Montpellier (12,5 % des parts). Dès septembre 2024, le centre devrait proposer des formations allant de deux à six mois. La Blockchain AkademIA devrait offrir trois types de formations, portant sur du développement, sur le métier de consultant et sur la création d’entreprise.

Chacun des trois thèmes sera décliné en deux sous parties (la blockchain, ou l’IA), pour créer en tout six formations différentes. "L’objectif, c’est d’essayer de faire de la Lorraine une plaque tournante pour tout ce qui est blockchain et intelligence artificielle", lance Laurent Mayer.

L’essentiel des formations aura lieu en distanciel. Quelques jours devraient avoir lieu en présentiel, dans des locaux mis à disposition par Laurent Mayer. "Il est en train de créer un blockchain building. Ce sera un immeuble réunissant plusieurs entreprises du secteur au même endroit", annonce Nassim Boufermel.

Vers une école diplômante

"Dans les trois ans, l’objectif est d’ouvrir une école, avec des formations diplômantes", prévoit Nassim Boufermel. La première promotion de la licence, en présentiel, devrait être lancée au plus tôt à la rentrée 2025 et au plus tard dans les trois ans. Elle devrait employer une vingtaine de formateurs à temps partiel et réunir une première promotion de cent élèves, d’après les premières estimations du futur directeur. La licence proposée par l’école de la blockchain proposerait un cursus plus général que les formations du centre de formation, avec un parcours à la fois IA et blockchain puis une spécialisation dans l’un ou l’autre.

" Le minimum syndical pour avancer "

"Toute initiative qui peut élargir les connaissances techniques dans le domaine blockchain est intéressante, d’autant que c’est un secteur qui connaît des difficultés de recrutement", réagit Julien Gourlet, le fondateur et dirigeant d’Ilium (13 salariés, 20 M€ de CA en 2021), l’entreprise qui développe un pool de minage de cryptomonnaies. "Bien sûr, je suis favorable à cette initiative. Mais, l’ouverture d’une école, c’est de la création de profils qualifiés sur plusieurs années. Le problème que nous avons, c’est qu’avec nos ambitions et avec notre rapidité, il nous faut des profils qui ont maintenant déjà cinq ou six ans d’expérience dans la blockchain", commente de son côté Owen Simonin, le dirigeant de Meria.

"La création d’une école ne suffira pas. Il faudra également trouver un moyen d’attirer des profils beaucoup plus qualifiés", tempère Owen Simonin.

Revendiquant plus de 100 000 utilisateurs pour plus de 250 millions d’euros d’actifs gérés depuis sa création en 2017, Meria développe une plateforme d’investissement, reposant sur les cryptomonnaies et la blockchain. L’entreprise vient de finaliser la sortie de son application mobile et s’apprête à sortir un nouvel outil, encore confidentiel, permettant d’accéder plus simplement à l’écosystème décentralisé. "La création d’une école, ce sera le minimum syndical pour avancer. Mais, cela ne suffira pas. Il faudra également trouver un moyen d’attirer des profils beaucoup plus qualifiés", tempère Owen Simonin.

Un écosystème très centré autour d’Owen Simonin

Omniprésent dans l’écosystème blockchain messin, Owen Simonin est par ailleurs cofondateur de Deskoin, associé d’Ilium et fondateur de la chaîne YouTube "Hasheur". Il y vulgarise les technologies utilisées dans le monde des affaires devant plus de 650 000 abonnés, avec des vidéos sur des tendances cryptos, des tutoriels sur la binance, ou encore sur l’achat de ses premiers bitcoins. En 2024, Owen Simonin est rentré dans le classement des 100 personnalités de la "finance de demain", dressé par l’Institut Choiseul, un Think Tank dédié à l’analyse des grands enjeux économiques. À 26 ans, il est la personnalité la plus jeune du classement. Owen Simonin est aussi le frère du PDG de Ta-Da, William Simonin.

Le hub messin attire des entreprises

Pour l’entrepreneur, il y a encore beaucoup à faire. Car selon lui, "si Metz est connue pour être active dans la blockchain", c’est parce que ses entreprises "ont créé 90 emplois" dans ce domaine. "Pour moi il n’y a aucun intérêt réel à venir chez nous : c’est moins bien payé qu’au Luxembourg et c’est loin de Paris", critique Owen Simonin, évoquant une "place encore bâtarde".

Owen Simonin est le dirigeant de Meria, l’un des représentants de l’écosystème messin de la blockchain. Sa société développe une plateforme d’investissement reposant sur les cryptomonnaies et la blockchain — Photo : Meria

En effet, les jeunes entreprises de la blockchain semblent aimantées par les activités d’Owen Simonin et des entreprises auxquelles il est lié. "Je suis originaire de Metz et j’ai vécu pendant neuf ans à Neuchâtel en Suisse. Et pour, moi, ce sont les deux endroits aujourd’hui où il se passe quelque chose dans la blockchain, notamment grâce à des influenceurs connus, comme Hasheur", appuie Julien Sturer, le directeur général de la start-up messine Delmonicos fondée en 2021 (10 salariés), qui porte une solution logicielle visant à rendre interopérable les réseaux de recharge de véhicules électriques. "Nous nous sommes installés à Metz parce qu’il y a l’écosystème blockchain de la région. Certains, comme Meria, sont déjà très visibles. Cela légitime cette technologie qui n’est encore pas très connue", souligne Arnaud Tonon, le fondateur de la start-up Black Ticket fondée en 2023 et qui développe des tickets dématérialisés et sécurisés en s’appuyant sur la blockchain.

Partir à l’international, depuis Metz

Si l’écosystème blockchain de Metz semble s’agréger autour des entreprises d’Owen Simonin, il n’en est pas pour autant fragilisé car Meria souhaite conserver le siège de l’entreprise à Metz. Même si le dirigeant compte étendre ses activités sur les territoires américains et asiatiques. Même réponse chez Ilium, qui prépare un projet de développement aux États-Unis, qui pourrait se concrétiser cette année : "Nous ne comptons pas partir de Metz", appuie Julien Gourlet.

Une chaire industrielle sur la blockchain

Au-delà du "minimum syndical" de l’école, d’autres initiatives se développent à Metz, pour "consolider l’écosystème blockchain", ajoute Nidhal Rezg, professeur des Universités, porteur du projet d’école d’ingénieurs Innovation logistique (I2L). "Nous avons créé une chaire industrielle avec l’I2L, une école d’ingénieurs qui ouvre à Metz à partir du mois de septembre", annonce Laurent Mayer.

Récemment présentée au conseil communautaire de Metz, l’initiative a été sélectionnée à la suite d’un appel à projet de la Région. Nommée Chaire Logistique Inverse & Blockchain R5BC (Return, Repair, Reuse, Recycle, Reverse), son but est d’utiliser la blockchain pour optimiser le cycle de vie des matériaux de construction à travers leur réutilisation, leur recyclage et la réduction des déchets, tout en assurant le traçage des données environnementales. L’histoire de l’écosystème messin n’en est qu’à ses débuts.

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