Pays de la Loire
Ces entreprises de Vendée et de Loire-Atlantique qui triomphent de la crise
Enquête Pays de la Loire # Agriculture # Conjoncture

Ces entreprises de Vendée et de Loire-Atlantique qui triomphent de la crise

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Tous les indicateurs économiques sont passés au rouge depuis bientôt un an et l’apparition du coronavirus. Pour autant, au milieu du marasme, des entreprises vendéennes et de Loire-Atlantique parviennent à tirer leur croissance vers le haut. Et pour certains marchés, la tendance se confirme.

L’année a été marquée par une croissance de 15 % chez les Côteaux nantais pour 8 % initialement envisagés — Photo : Xavier Remongin

Des entreprises vont bien. Ces simples mots côte à côte apparaissent comme une incongruité dans un contexte de crise dont nul ne sait quand il prendra fin. Une augmentation de 8,1 % du nombre de demandeurs d’emploi en Vendée et de 11,2 % en Loire-Atlantique, une dégringolade de 9 % du PIB en Pays de la Loire, 58 % des entreprises de Loire-Atlantique accusant un recul de leur chiffre d’affaires : 2020 est une année noire qui se lit dans les chiffres. Elle est pourtant à marquer d’une pierre blanche pour des dirigeants d’entreprise de ces deux départements.

Les Meubles Gautier (ici le directeur David Soulard) font construire un nouveau site de production — Photo : Cyril Raineau

S’il fallait un symbole pour illustrer une période pas comme les autres, il serait à aller chercher dans le bocage vendéen. À Saint-Prouant précisément, le 12 janvier dernier. Ce jour-là, une usine à l’arrêt depuis 1983 commence à reprendre vie. Dans cet entrepôt qui n’avait d’autre utilité qu’être de lieu de stockage, les Meubles Gautier (750 salariés, 120 M€ de CA) posent la première pierre de leur future usine 4.0. L’investissement de 12 millions d’euros a bien sûr été pensé avant la crise. D’ailleurs, ironie du sort, la cérémonie symbolique aurait dû se tenir en novembre avant que le gouvernement ne décide du deuxième confinement. Mais la poursuite d’un tel projet est bien la marque d’une entreprise affichant une belle santé et confiante en l’avenir : entre mai et juin, ses ventes avaient progressé de 40 %. En France, en 2020, le marché du meuble était en hausse de 5 % .

"Un début 2021 record"

Davantage de temps passé chez soi suite aux confinements, bonnes conditions souhaitées pour télétravailler, temps pour réfléchir à son petit nid, moins de tentations extérieures : des habitudes de consommation changent et les biens d’équipement en profitent. Dany Rabiller, directeur général du groupe Akena en Vendée (1 050 salariés, 150 M€ de CA), se souvient " qu’on s’en amusait presque en se disant que lors des premiers jours du confinement, les gens tondaient leur pelouse, rangeaient leur garage, et se sont dit : Comment fait-on pour aménager son intérieur et son extérieur ? ". Des réflexions qui ont porté les métiers de l’habitat et pour Akena celui de la véranda et de la pergola : " Nous avons observé une hausse de 20 % de commandes en 2020. Nos confrères ont vécu le même phénomène. " Et si " le deuxième confinement n’a pas eu le même impact que le premier, la demande a toujours été très forte et nous vivons un début d’année record".

Gustave Rideau, président du groupe vendéen du même nom, entouré de ses fils Steven à gauche et Stanley à droite, qui travaillent au sein de l’entreprise — Photo : Gustave Rideau

" Les gens se sont rendu compte que l’on était bien chez soi ", abonde Gustave Rideau. Le PDG du groupe vendéen du même nom (vérandas, pergolas, abris de piscine et de terrasse, près de 1 000 salariés pour 160 M€ de CA) avoue que son sentiment qui a dominé en 2020 est la surprise : " Je suis à la tête de l’entreprise depuis 45 ans avec des progressions chaque année de 5 à 10 %, et quand le premier confinement est arrivé, je me suis dit que l’année était foutue. Finalement, les commandes ont augmenté de 20 % et 2021 va être une de mes plus belles années. " Autre illustration non loin du site de Gustave Rideau, à la Roche-sur-Yon, le groupe Atlantic (10 000 salariés dans le monde, 2,2Mds€ de CA), qui produit des appareils de confort thermique, prévoit 500 embauches en 2021 après 500 en 2020.

Ces exemples vendéens se retrouvent aussi en Loire-Atlantique, où le site nantais de Saunier-Duval (570 salariés, 200 M€ de CA) a recruté 155 collaborateurs l’an passé pour faire face à une demande croissante sur ses appareils de chauffage.

Circuit court et produits bio bénéficient du confinement

Reynald Naulleau, fondateur de Vite mon Marché — Photo : BAST - BASTiEN_A

Autre secteur qui résiste à la crise, les produits frais et bios dont les ventes ont progressé en France de 7,7 % en 2020 par rapport à 2019, selon une étude publiée fin janvier par le cabinet Kantar Worldpanel. La foodtech nantaise de 40 salariés Vite Mon Marché est l’illustration même de cette tendance. Son principe : la livraison de produits frais dans l’heure, la journée ou le lendemain. " Nous avons multiplié par quatre notre activité en 2020, et aboutissons à un chiffre d’affaires autour de 3,5 M€, se félicite son président fondateur Reynald Naulleau qui souligne que les producteurs ayant eu moins de commandes à destination des restaurants fermés, ils ont pu suivre la cadence. Nous avons ouvert l’année dernière à Rennes, Cholet, la Roche-sur-Yon et sur une zone de Pornic à Pornichet. Nantes et Rennes sont rentables, les autres villes le seront bientôt. " Dans la foulée, Angers et Vannes ouvrent en février avant Bordeaux et Toulouse.

À Remouillé (44), les Côteaux Nantais ont aussi vécu une belle année grâce à de nouvelles habitudes de consommation. L’arboriculteur et transformateur de fruits biologiques (139 salariés, 24 M€ de CA) avait tablé sur 8 % de croissance en 2020. Ce fut + 15 %. " La demande de produits bio, sains, est une tendance de fonds qui s’est améliorée en 2020, constate le directeur général adjoint Noah Courtial. Nous avons recruté de nouveaux consommateurs. Et certaines catégories de produits ont été plébiscitées, comme les purées de fruits et les grands conditionnements. " Les familles, confinées à plusieurs, ont ainsi pu se constituer des stocks. "Et nous restons en 2021 sur des tendances positives. "

La start-up Shopopop a explosé son nombre de livraisons en 2020 — Photo : Getty Images

La même étude du cabinet Kantar Worldpanel révèle que 43 % des consommateurs français sont clients de drive ou de la livraison, soit 16 points de plus en un an. Une aubaine pour Shopopop. 480 000 utilisateurs, 1 200 drives partenaires, 6 millions d’euros de chiffre d’affaires : la start-up nantaise qui permet, grâce à des particuliers livreurs, d’acheminer les courses de l’enseigne de grande distribution au client, a vécu une année inédite. " Nous sommes passés de 150 000 livraisons en 2019 à 620 000 en 2020, soit + 336 %, constate le cofondateur Johan Ricaut. Nous avons recruté une quinzaine de profils et nous continuerons à embaucher en 2021. " 2021, une année qui se présente sous de bons augures, l’usage des consommateurs ayant évolué : " Même en sortie de confinement, la courbe n’est jamais redescendue au niveau d’avant crise, les habitudes sont prises ", constate Johan Ricaut.

Les purificateurs d’air de Natéosanté ont bénéficié de la crise du Covid — Photo : Cyril Raineau

Que les " habitudes " soient conservées, voici également ce que souhaite Thierry Ricci. Lui a créé Natéosanté à Saint-Hilaire-de-Chaléons (Loire-Atlantique), spécialiste du purificateur d’air " à même de neutraliser le coronavirus ". S’il garde une extrême discrétion sur les chiffres, tout juste glisse-t-il qu’entre mars et juillet, les ventes ont été multipliées par dix. Comment conserver l’élan alors que l’incertitude sur l’avenir plane ? " Nous ne sommes plus dans un phénomène de panique par rapport au virus, concède le dirigeant, mais de prise de conscience en ce qui concerne la qualité de l’air. " Et c’est sur cet aspect psychologique qu’il table pour conserver sa croissance. Plus globalement, le marché du bien-être subit une tendance positive : la croissance de ce marché en France était estimée à 4 % en 2020.

Absorber la croissance

La Manufacture française du cycle assemble jusqu’à 2 000 vélos par jour — Photo : Manufacture française du cycle

Des demandes qui explosent ont parfois un revers. L’un des exemples les plus marquants est incarné par la Manufacture du Cycle à Machecoul (44). Pouvoirs publics et collectivités qui incitent à enfourcher son deux-roues, pratique du cycle bon pour la santé, pour l’environnement, ses finances… " La demande, depuis le premier confinement est extrêmement forte, les Français veulent faire du vélo ", a constaté le directeur de cet ETI de 500 salariés. Mais impossible de suivre la cadence. " Les citoyens du monde se sont aussi mis à faire du vélo, et les chaînes de production et de logistique des composants ont été déstabilisées par le Covid ", remarque le directeur général David Jamin. Conséquence : sans ces pièces en nombre suffisant, impossible de répondre à la demande. " Nous produisons autour de 2 000 vélos par jour, alors que l’on devrait en fabriquer autour de 3 000 et que nous sommes techniquement en mesure de le faire. " Et sans cette problématique d’approvisionnement, " nous aurions probablement dépassé notre chiffre d’affaires 2019 ". Il était de 125 M€, il devrait approcher 121 M€ en 2020, une coupure d’activité durant le premier confinement l’ayant affecté.

Face à une croissance inattendue, " nous avions eu peur que les fournisseurs ne suivent pas ", observe de son côté Dany Rabiller du groupe Akena. Pour éviter tout couac, " le syndicat national des fabricants d’aluminium a fait en sorte que nous, professionnels, travaillions ensemble pour organiser nos marchés respectifs. Une démarche très utile car nous étions toute une filière à avoir besoin de se dire les choses pour redémarrer. Cela a été plutôt positif pour l’amont (les fournisseurs), et l’aval, par exemple pour que le transporteur qui livre potentiellement à la fois la fenêtre K-Line et la véranda Akena s’organise. "

Mais impossible de tout anticiper. Le groupe Gustave Rideau a engagé en 2020 des travaux d’extension de 14 000 m2 de son site à la Roche-sur-Yon et de 6 000 m2 sur celui de Saint-Mathurin. " Je regrette de ne pas avoir lancé les travaux deux ans plus tôt, remarque Gustave Rideau, car nous sommes obligés de louer des bâtiments à droite à gauche pour pallier la surcharge de travail en attendant qu’ils soient terminés. " Mais le plus " dur " selon lui, est de recruter du personnel, " on ne trouve plus d’ouvrier pour les chantiers, se désole-t-il tout en minorant car voyant le verre à moitié plein, la forte croissance : " Il ne faut pas toujours pleurer. "

Un dirigeant qui aurait pu pleurer et qui a finalement retrouvé le sourire est Marc Hermouet. Sa société, DIAO (De l’idée à l’objet) qu’il gère seul aux Sables d’Olonne, a été sauvée… par la crise du Covid. Son activité, réaliser des objets en tous genres pour des clients qui lui amènent une idée à l’aide d’une découpe laser ou d’une imprimante 3D. " Avec le confinement, beaucoup de commandes ont été annulées, je songeais sérieusement à fermer. " Lorsque sur Facebook, Lionel Pariset, chirurgien-dentiste et élu de la Ville des Sables a demandé qui était en mesure de réaliser un masque-visière pour les dentistes. Marc Hermouet a relevé le défi. Et est passé rapidement à la vitesse supérieure : associé à la société Iriso (Belleville-sur-Vie), il monte à des cadences à 2 000 visières par jour. " Jusqu’en septembre, j’en ai vendue plus de 200 000. " Voici qui a remis son entreprise à flot financièrement. Aujourd’hui, il est retourné à la modélisation et conceptualisation d’objets en 3D classiques.

Une forme de résilience qui se traduit à plus grande échelle. Selon une étude de la CCI Nantes-Saint-Nazaire menée entre le 14 et le 28 janvier auprès de 2 322 entreprises de Loire-Atlantique, si 58 % d’entre elles ont accusé une baisse de leur chiffre d’affaires en 2020 par rapport à 2019, la moitié d’entre elles anticipent une stabilité ou une hausse de leur activité sur ces trois prochains mois.

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