François Moulias (Compagnie des Amandes) : "L’engouement pour la relocalisation s’arrête à la porte des banques"
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"L’engouement pour la relocalisation s’arrête à la porte des banques"

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Le 8 septembre était organisée la première récolte de la Compagnie des Amandes dans le Vaucluse. Si l’étape est symbolique, elle a été l’occasion pour la compagnie d’annoncer la diversification de son modèle économique, mais aussi de souligner la frilosité des banques à financer le projet de casserie à Signes. Son directeur général François Moulias reste néanmoins confiant et explore toutes les pistes pour convaincre des co-financeurs d’ici la fin de l’année.

François Moulias et Arnaud Montebourg, directeur général et président de la Compagnie des amandes — Photo : Yoan Blanc Yoan BLANC - www.yoan-blanc.com - Yoan BLANC

Début septembre, votre associé Arnaud Montebourg, dénonçait la frilosité des banques, dont la Compagnie des amandes fait les frais. Quelle est la situation aujourd’hui ?

Notre projet de casserie à Signes dans le Var (12 millions d’euros) est une étape indispensable à la structuration de la filière amande en France. Nous avons obtenu toutes les autorisations liées à la construction, les recours ont été purgés et nous sommes soutenus par des aides publiques à hauteur de 3,6 millions d’euros (État et Région).

Mais pour obtenir des cofinancements bancaires, c’est la galère. Finalement, nous ne pouvons que constater que l’engouement pour la relocalisation d’une filière française s’arrête à la porte des banques. Néanmoins, nous avons jusqu’à la fin de l’année pour boucler notre plan de financement (5 M€). De nombreuses discussions sont engagées et nous avons bon espoir d’y arriver.

Votre projet fait-il les frais de la hausse des taux d’intérêt ?

Aujourd’hui, de nombreuses entreprises galèrent pour trouver des financements. Les levées de fonds ont baissé de 40 % au premier semestre. Il y a quelques jours, la Banque centrale européenne (BCE) a décidé de relever, une nouvelle fois, son taux de référence de 25 points. C’est violent. Et donc, dans ce contexte, les banques ne prêtent plus qu’à leurs meilleurs clients, pour des projets très peu risqués. Or, La Compagnie des amandes, qui exploitera cette usine, n’a pas généré, à ce jour de chiffre d’affaires. Et c’est là, pour les banques, notre principal défaut.

Pourtant votre entreprise a aussi des atouts ?

La Compagnie des Amandes a un partenariat avec la Banque des Territoires, nous avons à notre capital le groupe coopératif agricole Arterris et nous travaillons aujourd’hui sur une nouvelle augmentation de capital pour convaincre les banques de nous suivre.

Je n’ai donc pas dit mon dernier mot, d’autant que les fondamentaux du projet sont excellents : le projet est rentable, nous avons des actifs, des droits à exploiter des amandiers pendant trente ans. Aujourd’hui, nous avons plus de 2 300 tonnes d'amandes en production (sur 350 hectares, signés ou plantés en Provence et Occitanie), soit la capacité de la casserie. Notre outil est donc parfaitement calibré et répond à un besoin de la filière. Pour la première fois cette année, la profession a réalisé une récolte significative en France (1 200 tonnes sur un marché de 45 000 tonnes), mais il manque toujours une usine capable de produire des amandes françaises pour des circuits de grande distribution ou de distribution bio aux meilleurs standards de traçabilité et de certification.

Nous avons enfin signé ce mois de septembre un contrat pluriannuel avec Nougat Chabert & Guillot, basé dans la Drôme, fabricant de confiserie traditionnelle, qui produit près de 2000 tonnes de nougats par an, pour la fourniture d’amandes françaises.

"Je n’ai donc pas dit mon dernier mot, d’autant que les fondamentaux du projet sont excellents."

À l’occasion de sa première récolte, la Compagnie des amandes a annoncé le lancement d’une nouvelle offre, que propose-t-elle ?

Notre première récolte s’est déroulée le 8 septembre sur le verger vauclusien de Serignan du Comtat. Cette étape est avant tout symbolique (20 tonnes). Elle vient récompenser deux années de travail. Nous avons profité de ce moment pour dévoiler notre nouvelle offre, née d’un constat : selon France Amandes, qui représente la filière, il y a aujourd’hui 2 331 hectares de vergers en production en France, pour 1 032 exploitations, soit une surface moyenne de 2,25 hectares. Ces arboriculteurs, qui ont des volumes insuffisants, peinent à trouver des débouchés. C’est donc en complément de l’association avec des agriculteurs au sein de sociétés d’exploitation, que nous allons proposer à ces arboriculteurs des contrats d’achat de trois ans ou de trois à quinze ans selon le profil des vergers. En moins de deux semaines, nous avons déjà signé quatre contrats et 25 sont en discussion.

Cela renforce encore notre projet. Nous permettons aux arboriculteurs d’écouler leur production, nous aurons des volumes plus importants à proposer à nos clients et, de notre côté, nous amortissons notre investissement. Tout le monde est gagnant.

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