Coronavirus – France Invest : « Les fonds d’investissement ont intérêt à ce que les entreprises résistent à la crise »
Interview # Investissement

Dominique Gaillard président de France Invest Coronavirus – France Invest : « Les fonds d’investissement ont intérêt à ce que les entreprises résistent à la crise »

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L’association France Invest regroupe 325 fonds d’investissement au capital de 8 000 entreprises. Elle aide ses adhérents et les entreprises dont les fonds sont actionnaires à traverser la crise actuelle liée à l'épidémie de coronavirus.

Dominique Gaillard, président de France Invest, l'association professionnelle du capital-investissement — Photo : D.R.

Le Journal des Entreprises : France Invest fédère 325 fonds d’investissement français qui sont au capital de quelque 8 000 entreprises, dont un certain nombre de start-up. Comment ces entreprises résistent-elles dans la crise sanitaire actuelle ?

Dominique Gaillard : Les fonds adhérents de France Invest sont effectivement investis dans des ETI, des PME et des start-up. Ces entreprises sont plus ou moins fragilisées en fonction de leur taille et de leur secteur d’activité. Les start-up bénéficient d’un dispositif d’aides publiques de 4 milliards d’euros qui prévoit, notamment, la possibilité, pour une entreprise innovante, de bénéficier d’un remboursement anticipé du crédit d’impôt recherche (CIR).

Bpifrance a également mis en place un fonds de bridge financing de 80 millions d’euros qui doit permettre aux start-up d’attendre leur prochaine levée de fonds, en jetant une passerelle entre deux tours d’augmentation du capital. Sa mise en œuvre suppose que les fonds d’investissement apportent le même montant pour une enveloppe globale de 160 millions d’euros. À charge pour les jeunes pousses qui sollicitent l’aide de Bpifrance de trouver également des investisseurs qui acceptent de réinvestir des montants équivalents. Enfin toutes les start-up peuvent également solliciter auprès de leur banque un prêt garanti par l’État (PGE), dont le montant maximum, en absence de chiffre d’affaires, est égal à deux fois leur masse salariale 2019.

Les banques jouent-elles le jeu ?

Dominique Gaillard : Des entreprises, quelle que soit leur taille, rencontrent des résistances de certaines banques pour la mise en œuvre des prêts garantis par l’État. Nous veillons à ce que le dispositif fonctionne et alertons les autorités en cas de blocage. Tous les fonds sont en relation permanente avec les dirigeants des entreprises dans lesquels ils sont investis et, en tant qu’association professionnelle, nous assurons le lien avec l’Autorité des Marchés Financiers, la Fédération Bancaire Française, la Direction Générale du Trésor, le Médiateur des Entreprises, le Médiateur du Crédit et Bpifrance. Nous servons en quelque sorte de courroie de transmission pour faire circuler l’information dans les deux sens.

« En cette période difficile, il est infiniment plus confortable d’être un patron soutenu par un fonds, qu’un patron à la tête d’une entreprise familiale. »

Il est évidemment de l’intérêt des fonds d’investissement que les entreprises résistent au mieux à la crise, et ils apportent d’ailleurs une aide extrêmement efficace notamment, en mutualisant les expériences dans cette période où il faut prendre des décisions rapides et structurantes. En cette période difficile, il est infiniment plus confortable d’être un patron soutenu par un fonds, qu’être un patron d’une entreprise 100 % familiale.

Concrètement, comment France Invest aide-t-elle les fonds à accompagner les entreprises ?

Dominique Gaillard : Nous organisons très régulièrement des conférences téléphoniques et webinaires avec nos adhérents et les dirigeants des entreprises, jusqu’à mille participants. Durant les trois premières semaines, cet accompagnement a porté principalement sur les modalités de mise en œuvre du chômage partiel ou sur la négociation avec les banques, pour obtenir des reports d’échéances et des crédits garantis par l’État.

Aujourd’hui, nous entrons dans une seconde phase qui vise à renforcer directement la structure capitalistique des entreprises. Plutôt que de pénaliser les actionnaires majoritaires des entreprises, notamment familiales, avec des opérations d’augmentation de capital très dilutives, nous recommandons à nos membres de favoriser les apports en compte courant d’actionnaires, non dilutifs. Dans ce contexte nous avons obtenu des pouvoirs publics un accord de principe pour que le plafond autorisé d’apport en comptes courants jusqu’alors en vigueur (15 % de l’actif net des fonds) soit doublé, ce qui fera l’objet d’une ordonnance dans les prochains jours.

Les 5 000 sociétés sous LBO, détenues majoritairement ou minoritairement par des fonds d’investissement, peuvent-elles solliciter des prêts bancaires dans le cadre du PGE ?

Dominique Gaillard : Tout à fait, mais le PGE ne peut être octroyé qu’à la société opérationnelle quand la dette LBO est supportée, elle, par le holding d’acquisition et donc subordonnée à la dette PGE. Cette dernière est donc plus sûre, ce qui doit aider à négocier avec les banques qui sont en outre généralement déjà en relation d’affaires avec l’entreprise à la faveur du pilotage de la dette LBO. L’intérêt des banques est que l’entreprise survive pour être en capacité de rembourser.

Vous avez alerté les pouvoirs publics sur le risque de voir certaines entreprises passer sous contrôle de fonds étrangers. Ce risque s’est-il renforcé ces dernières semaines ?

Dominique Gaillard : Il y a effectivement un risque que des fonds opportunistes rachètent de la dette décotée auprès des banques ou des fonds de dette privée, transforment cette dette en capital à la faveur de bris de covenants, et prennent de facto le contrôle de ces entreprises par ce biais, alors même qu’elles auront été pour certaines soutenues par des aides publiques. L’Union européenne a demandé aux États membres de renforcer leur réglementation contre le risque de prise de contrôle. Nous estimons qu’il faudrait, en France, élargir le mécanisme de contrôle des investissements étrangers, pour que l’État ait son mot à dire. Le pouvoir politique à l’Élysée, à Matignon et à Bercy, est d’ores et déjà sensibilisé à cette problématique.

La sortie du déconfinement pourrait également apporter aux entreprises françaises des opportunités de se renforcer ?

Dominique Gaillard : Il y aura effectivement des opportunités nouvelles de croissances externes. C’est le rôle des fonds d’investissement et leur savoir-faire de repérer des acquisitions possibles dans d’autres pays et d’accompagner la consolidation de secteurs et la croissance des entreprises françaises. Il y a pour cela beaucoup d’argent disponible. Les fonds vont probablement devoir conserver leurs participations plus longtemps, entre 7 et 8 ans, au lieu de 5 ans en moyenne, et redonner aux entreprises dans lesquelles ils sont investis de nouvelles perspectives. Ils sont aguerris pour faire cela.

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