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Alex Caizergues : du kitesurf à la décarbonation du transport maritime
Marseille # Maritime # Start-up

Alex Caizergues : du kitesurf à la décarbonation du transport maritime

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Champion du monde de kitesurf, premier homme à avoir franchi la barre des 100 km/h sur l’eau à la force du vent, Alexandre Caizergues dirige aujourd’hui la start-up Syroco qui ambitionne de décarboner le transport maritime. Rencontre avec un chef d’entreprise pas comme les autres…

Alex Caizergues, l’un des cinq fondateurs de la start-up marseillaise Syroco (24 salariés) — Photo : D.R.

La mer et le vent. Ces deux mots résument à eux seuls l’univers d’Alexandre Caizergues, champion du monde de Kitesurf devenu chef d’entreprise en 2019 en créant la start-up Syroco, dont le nom évoque le vent saharien violent, sec et chaud, qui souffle sur l’Afrique du Nord et le sud de la Méditerranée. Né en 1979 à Marseille, mais rapidement installé dans la commune de Port-Saint-Louis-du-Rhône, il ne pouvait en effet pas échapper à ces deux éléments implacables et structurants du territoire, d’autant que ses parents pratiquaient la planche à voile de façon intensive. "Avec mes frères, nous avons grandi les fesses dans le sable", évoque-t-il avec humour et décontraction, avant de poursuivre avec un soupçon de gravité : "À Port-Saint-Louis-du-Rhône, nous nous trouvions entre Camargue et Industrie". Une commune d’un peu plus de 8 400 habitants, perdue au bout du monde, entre flamants roses et porte-conteneurs. À l’ouest, de l’autre côté du Rhône, commence en effet l’immense delta sauvage qui s’achève à Aigues-Mortes, tandis qu’à l’est s’étire la zone industrialo-portuaire de Fos où se côtoient terminaux du Port de Marseille et grands sites industriels. "Nous étions véritablement à la frontière de deux mondes que tout semblait opposer".

Diplômé de Kedge Business School

Durant sa jeunesse, Alexandre Caizergues a pratiqué tous les sports nautiques possibles. "Ce qui est important pour moi, c’est que j’ai toujours abordé ces disciplines dans un esprit de passion, sans pression de performance. C’est une approche qui laisse une empreinte…" Tout en se passionnant pour la planche à voile, il poursuit des études de marketing et décroche un Bachelor à Kedge Business School en 2002.

Quinze années de kitesurf

"À cette époque, je m’imaginais chef de produits. Finalement, c’est ce que j’ai fait, j’ai commercialisé le produit Alexandre Caizergues pendant mes quinze années de kitesurf, confie-t-il. Qu’il s’agisse de trouver les meilleurs moyens de se vendre, de multiplier les contacts, les coups de pub…" Car c’est en effet l’année de l’obtention de son diplôme qu’Alexandre découvre le kitesurf, ce tout nouveau sport de glisse qui consiste à évoluer sur une planche à la surface de l’eau en étant tracté par un cerf-volant. "Le matériel est basique, peu encombrant et il est possible d’atteindre assez rapidement un niveau où l’on peut se faire plaisir. Le kitesurf, qui nécessite des plans d’eau plutôt plats et beaucoup de vent, est particulièrement adapté à notre région", poursuit-il.

Alexandre Caizergues décroche dès 2006 le titre de vice-champion du monde de vitesse. À partir de là, tout s’enchaîne, les performances amènent les partenaires et les sponsors. D’autant que les titres, il les accumule jusqu’à décrocher en 2009 celui de champion du monde de vitesse.

"Au fond, j’ai toujours été chef d’entreprise"

"De 2006 à 2019, je me suis uniquement consacré au kitesurf que j’ai pratiqué comme une passion. J’ai voyagé un peu partout, de la ville du Cap en Afrique du Sud au nord du Brésil en passant par le Maroc, sur les principaux spots de la discipline… À partir de 2010, une équipe média me suivait en permanence. J’ai toujours été entouré d’ingénieurs pour améliorer le matériel, de responsables de partenariats pour négocier avec les sponsors, d’attachés de presse pour communiquer avec les médias. Au fond, j’ai toujours été chef d’entreprise…", conclut-il avec un large sourire qui semble tout droit sorti du film Point Break.

Un déclic avec The Galion Project

La rencontre du monde du sport et de celui de l’entreprise s’est faite à l’occasion de sa rencontre avec le Think Tank, The Galion Project, projet lancé en 2015 et qui réunit aujourd’hui 450 entrepreneurs du monde de la Tech. "Ils organisaient des réunions entre dirigeants d’entreprise sur des spots de kitesurf et cherchaient un expert en kite. À cette occasion, j’ai été sensibilisé à ce nouveau monde de l’entrepreneuriat et j’ai rencontré beaucoup de chefs d’entreprise. Deux d’entre eux sont ainsi devenus mes associés lors de la création de la start-up Syroco".

Entre 2018 et 2019, Alexandre Caizergues choisit alors de passer du statut de sportif de haut niveau plusieurs fois médaillé, ayant engrangé des records officiellement homologués, à celui de créateur d’entreprise. Toujours la volonté de réunir deux mondes que tout semble opposer.

"L’idée de départ de Syroco était de franchir la barre des 150 km/h sur l’eau, dans un engin propulsé uniquement par le vent. Nous voulions progresser en faisant appel à de l’innovation technologique. Mais la création de Syroco répondait avant tout à un questionnement sur le sens. En faisant du kitesurf, je voyageais, je me faisais plaisir, mais les années passant, je recherchais une activité avec davantage de sens, dans laquelle je puisse avoir un impact au quotidien", confie celui qui, en 2010, a été le premier homme à franchir la barre des 100 km/h sur l’eau simplement propulsé par la force du vent.

À travers cette quête de record du monde de vitesse à la voile, la start-up avait, dès le départ, pour objectif d’adapter les technologies issues de la recherche pour son "speedcraft" au transport maritime et ainsi d’optimiser l’efficacité énergétique des navires de commerce afin de diminuer leur impact sur la planète. Aujourd’hui, le projet de record de vitesse sur l’eau est en stand-by.

L’entreprise, qui compte 24 salariés, se focalise sur sa plateforme, baptisée elle aussi Syroco, qui utilise des jumeaux numériques de navires afin d’aider à la conception de nouveaux navires ou au rétrofit, et qui permet de proposer un service de routage météo de nouvelle génération. Le système, en fonction des données météo précises en temps réel, aide le capitaine à optimiser sa route. Et indirectement à réduire sa consommation de carburant. "À chaque nouvelle licence d’exploitation vendue, nous avons un impact sur notre environnement, nous décarbonons réellement une part du transport maritime. Sans notre projet de record du monde de vitesse sur l’eau, nous n’aurions pas développé de jumeaux numériques", commente Alexandre Caizergues, qui, à 45 ans, habite toujours à Port-Saint-Louis-du-Rhône et n’a jamais cessé de naviguer entre transport maritime, préservation de l’écosystème, mer et vent. Et le kite ? "J’en fais encore beaucoup, mais je suis un kitesurfer du week-end désormais. L’entreprise, ma famille, ma fille passent avant. J’attends les bonnes conditions pour me jeter à l’eau, mais cela demeure ma grande passion. C’est un sport fabuleux, qui va enfin faire son entrée aux Jeux Olympiques cette année…", conclut Alexandre Caizergues.

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