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En Occitanie, les promesses de la réindustrialisation en débat
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En Occitanie, les promesses de la réindustrialisation en débat

Le réseau d'entreprises en croissance Leader Occitanie, en partenariat avec "Le Journal des Entreprises", a organisé le 22 mars un petit-déjeuner débat à la Cité de l’économie et des métiers de demain de Montpellier consacré à la question de la réindustrialisation dans la région. État des lieux et perspectives.

Anthony Rey (à droite), responsable de l’édition Occitanie du Journal des Entreprises, a animé le petit-déjeuner débat organisé par le réseau Leader Occitanie, le 22 mars 2022, à Montpellier — Photo : Cécile Le Roch

D’abord, un constat. Selon Julien Feja, le président du réseau d'entreprises en croissance Leader Occitanie, il y a 40 ans, 25 % de la richesse de l’économie française provenait de l’industrie nationale. Cette part est tombée à 13 % aujourd’hui, quand elle représente 25 % du PIB en Allemagne et 17 % en Italie. Un phénomène que les pouvoirs publics tentent d'enrayer aujourd'hui en déloquant des fonds pour la réindustrialisation. Cette politique tient-elle ses promesses en Occitanie ? C'était l'objet d'un petit-déjeuner débat organisé le 22 mars par Leader Occitanie en partenariat avec Le Journal des Entreprises à la Cité de l'économie et des métiers de demain de Montpellier.

"Si, pour les microcomposants par exemple, le retard paraît trop important à combler même à moyen terme, comment orienter les décisions pour inverser cette tendance dans les dix ou vingt ans à venir dans d’autres secteurs ?, se demande Julien Feja, par ailleurs président du groupe D & S dans le Gard. Nous faisons face à plusieurs enjeux, comme ceux de la formation aux métiers de l’industrie ou de la bonne relation avec les pays étrangers dans l’import-export." Le dispositif Territoires d’Industries, déployé avant la crise du Covid, a dégagé une enveloppe globale d’aides d’1 milliard d’euros, a permis de labelliser 150 territoires, soutenant 1 800 projets à hauteur de 500 000 euros en moyenne pour chacun d’eux. Pour quelle efficacité ?

Un projet d’usine école porté par l’IMT Mines Alès

"À Alès (Gard), 6 projets ont été dotés d’un peu plus de 3 millions d’euros, indique Alexandre Coulet, gérant de SG Group, président de l'antenne du réseau Leader à Alès et référent Entreprise Alès Territoires d’Industries. Ces entreprises ont pu créer une activité annexe qui s’est même parfois transformée en activité principale. On peut par exemple citer les Transports Capelle, leader européen du transport exceptionnel, ou Ergosanté, qui conçoit des solutions ergonomiques pour améliorer les conditions de travail des personnes valides et non valides. La recherche de nouvelles idées est une clé favorisant la réindustrialisation. Par exemple, un projet d’usine école porté par l’IMT Mines Alès est en train de voir le jour. Il s’agit de la création d’une ligne de production 4. 0 sur laquelle les industriels du territoire vont pouvoir s’appuyer pour former et pour mettre à niveau leur chaîne de fabrication. La robotisation va permettre d’améliorer leur rentabilité."

La prise de conscience du retard pris par l’industrie française s’est accélérée lors de la crise sanitaire. Dans la foulée, l’État a déployé le plan France Relance et, plus récemment, le plan France 2030 (54 milliards d’euros), dans lequel il a identifié des nouvelles filières à soutenir, dont les "dispositifs médicaux". "Il existe très peu d’entreprises industrielles capables de produire de la biothérapie, confie Sylvie Roussel, présidente d’Ondalys et manager général d’Indatech, basées à Clapiers (Hérault). Les médicaments de demain représentent à peine 2 % de la production et ne concentrent que 400 emplois en France." "Nous sommes fournisseurs de la filière biotech (Sanofi, Servier…), poursuit-elle. Ces grands groupes ont raté le tournant de la biotech et ils produisent encore ailleurs, en Suisse ou en Inde."

Profils Systèmes va relocaliser toute sa production

Dans un autre domaine, France Relance a soutenu l’extension de l’usine de Profils Systèmes, un fournisseur de matériaux (aluminium) de construction basé à Baillargues (Hérault) et filiale du groupe belge Corialis, qui a investi 20 millions d’euros pour augmenter ses capacités de production. "Ces projets se trouvaient déjà en gestation au sein du groupe mais France Relance a permis d’accélérer la prise de décision, explique son directeur général Aymeric Reinert. Il aurait été possible pour le groupe d’investir au Portugal ou en Espagne, où il est présent et où la main-d’œuvre est moins chère, mais le fait de rester ici permet de nous trouver au plus près de nos clients. La réactivité est moindre quand la production est réalisée à l’étranger. Et lorsque l’on ne dispose pas d’un outil de production sur place, d’autres besoins apparaissent, comme celui du stockage, qui engendre de nouveaux coûts. La partie de notre production qui est encore externalisée va même revenir sur le site de Baillargues. Cela nous permettra aussi de répondre aux demandes des clients qui veulent du made in France."

Irdi Capital Investissement au soutien des nouvelles filières

Au-delà des aides apportées par les pouvoirs publics, comment se situent les investisseurs privés ? Et quels projets industriels sont-ils enclins à soutenir ? "En tant qu’investisseur, nous connaissons parfois des contraintes de liquidité sur les fonds qui pourraient nous inciter à privilégier des secteurs ayant un rythme de croissance beaucoup plus rapide que celui de l’industrie, à l’instar du digital", répond Bertrand Religieux, membre du directoire d’Irdi Capital Investissement, une société d’investissement qui gère 480 millions d’euros de fonds destinés à l’accompagnement des entreprises d’Occitanie et de Nouvelle-Aquitaine. "Les coûts de développement sont plus onéreux dans l’industrie et le retour sur investissement des projets industriels est plus long, poursuit-il. Mais c’est le propre d’un fonds régional que d’être là aussi pour porter des projets industriels. Nous avons des partenaires qui sont eux-mêmes des acteurs régionaux intéressés par le développement industriel dans le territoire."

Irdi Capital Investissement soutient en particulier des entreprises qui œuvrent au développement de nouvelles filières. "Celle de l’hydrogène vert, par exemple, au travers de la société biterroise Genvia, initiée par CEA et Schlumberger, visant à la création d’une usine pilote destinée à produire de l’hydrogène décarboné, ou via l’entreprise Bulane, basée à Fabrègues (Hérault). Nous sommes aussi par exemple actionnaires de Microphyt (établie à Baillargues), spécialisée dans la fabrication de microalgues, qui a levé au total 50 millions d’euros pour passer à la phase industrielle, mettre en place une bioraffinerie, produire 100 tonnes de microalgues par an et créer une centaine d’emplois."

Selon Bertrand Religieux encore, "les dispositifs publics de soutien comme France Relance n’ont pas que des vertus purement financières. Ils permettent aussi aux entreprises d’être fléchées et d’être accompagnées sur des sujets périphériques, comme celui de la formation par exemple."

Simplifier le magma administratif français

Sylvie Roussel (Ondalys et Indatech) estime pour sa part que, dans son secteur, "les montants déployés en financement restent relativement faibles au regard des défis." "En Suisse, des start-up sont financées à hauteur de plusieurs centaines de millions d’euros et les fonds arrivent très vite, illustre-t-elle. Il y a un décalage entre la stratégie d’accélération du gouvernement pour des projets matures financés sur deux ans et la réception effective des fonds. De notre côté, nous montons des dossiers très rapidement, mais les contractualisations prennent au moins six mois et la réception des fonds au moins six mois voire plus." Aymeric Reinert (Corialis) abonde : "France Relance a été un catalyseur qui nous a permis d’obtenir la décision d’investissement sur notre site au niveau du groupe. Mais le reste du magma administratif français doit être simplifié pour que les aides puissent permettre une mise en action la plus rapide possible."

Parmi les autres pistes évoquées en faveur de la réindustrialisation du territoire, celle de la formation apparaît centrale. "Nous avons ouvert 40 postes et nous avons du mal à les pourvoir depuis plusieurs mois, affirme le directeur général de Profils Systèmes. On a réussi à rendre sexy les métiers de bouche au travers de l’émission Top Chef, trouvons une solution aussi efficace pour ceux de l’industrie qui ne sont plus valorisés depuis longtemps." Enfin, cet axe d’amélioration, unanimement partagé : de nombreuses PME industrielles se heurtent à la difficulté de trouver du foncier, "des terrains de 1 000 à 1 500 m2", pour s’implanter ou se développer.

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