Les soudières Humens et Solvay engagées pour réduire leurs rejets salins
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Les soudières Humens et Solvay engagées pour réduire leurs rejets salins

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Rassemblés autour des deux soudières lorraines, Humens et Solvay, l’État, la Région Grand Est, l’Agence de l’eau Rhin-Meuse viennent de signer un protocole visant à chercher toutes les solutions pour réduire les rejets de chlorures.

Traitant déjà leurs eaux avant rejet, les deux soudières lorraines veulent aller plus loin pour limiter la concentration en chlorure des eaux de la Meurthe et de la Moselle — Photo : Jean-François Michel

Pour Gilbert Bauer, vice-président du conseil d’administration de l’Agence de l’eau Rhin-Meuse, il s’agit tout simplement d’une "avancée historique" : "La nouveauté dans la démarche, c’est que tous les partenaires sont là". Le 12 janvier, l’État, la Région Grand Est, l’Agence de l’eau Rhin-Meuse et les entreprises Solvay et Humens ont signé un protocole d’accord sur la période 2021-2027 visant à "chercher des solutions pour réduire les rejets de chlorures" des soudières lorraines dans la Meurthe.

Production de carbonate de sodium et de bicarbonate

Depuis la fin de 19e siècle, les sociétés Humens et Solvay exploitent, sur les communes de Laneuveville-devant-Nancy et Dombasle-sur-Meurthe, des installations de production de carbonate de sodium et de bicarbonate, les soudières. Le site est stratégique pour les deux sociétés, puisque situé en plein bassin salifère : le procédé utilisé par les deux entreprises nécessite de la saumure, soit un mélange d’eau et de sel, et du calcaire, matière première venant de carrières exploitées dans la Meuse, à quelques dizaines de kilomètres. L’eau nécessaire est pompée dans la Meurthe : "Et l’immense majorité de l’eau utilisée n’est pas employée dans le procédé", tenait à rappeler Nicolas Van der Heyden, directeur du site Solvay de Dombasle, lors de la signature du protocole d’accord.

"Nous voulons aller au-delà du cadre réglementaire et limiter les rejets"

Reste que la synthèse du carbonate de calcium produit du chlorure de calcium, sous-produit non valorisable qui est rejeté dans la Meurthe. "Le cadre réglementaire est très bien défini, et nous le respectons", a souligné Nicolas Van der Heyden. "Le site Solvay est déjà engagé dans l’amélioration continue et nous voulons aller au-delà du cadre réglementaire et limiter les rejets".

Principale conséquence de la situation actuelle : l’eau de la Moselle, dans laquelle se jette la Meurthe, dépasse la concentration de 250 mg par litre de chlorure de sodium, la rendant impropre à la consommation humaine. La métropole de Metz va donc chercher son eau potable dans le bassin du Rupt-de-Mad.

La crise climatique pousse à agir

Rappelant que le sujet est sur la table depuis plus d’une dizaine d’années, Frédéric Louis, le directeur du site Humens de Laneuveville-devant-Nancy, a indiqué que son entreprise était prête à "identifier des solutions pour aller plus loin". Dans les années 2010, différentes études ont montré que l’état actuel des connaissances ne permettait pas de mettre en place une "solution raisonnable technologiquement et économiquement" pour limiter les rejets des soudières. Le protocole prévoit pourtant la mise en place d’un "test pilote" en 2023 et "l’application d’une solution avant 2027".

Pour le directeur général de l’Agence de l’eau Rhin-Meuse, Marc Hoeltzel, "le protocole constitue une avancée significative et une réponse opérationnelle pour respecter les engagements de bon état des eaux à l’échéance 2027". Présent lors de la signature, le président de la région Grand Est, Jean Rottner, a rappelé l’urgence à agir du fait "du changement climatique" : les modèles hydrologiques montrent en effet que le débit de la Meurthe va baisser considérablement du fait de la hausse des températures et de la baisse des précipitations, contribuant ainsi à faire monter la concentration des chlorures même si le niveau des rejets n’augmente pas.

"Nous avons conscience de la concurrence brutale que font peser certains pays sur les soudières lorraines", a indiqué lors de la signature Josiane Chevalier, préfète de la région Grand Est et présidente du conseil d’administration de l’agence de l’eau Rhin-Meuse, soulignant au passage que le dossier des rejets de chlorures ramenait à celui de "l’indépendance de la production industrielle française". Si la préfète s’est montrée "confiante dans la capacité à innover des deux industriels", Gilbert Bauer a rappelé que le dossier était aussi suivi au niveau européen : l’eau de la Moselle franchit en effet la frontière à Apach vers le Luxembourg et l’Allemagne, et un "traitement minimaliste du problème pourrait avoir des suites judiciaires pour l’État".

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