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Crassier pollué : la justice annule les poursuites contre ArcelorMittal Florange
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Crassier pollué : la justice annule les poursuites contre ArcelorMittal Florange

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Quatre mois après la diffusion d’une vidéo dénonçant le déversement d'acide dans le crassier de Marspich (Moselle), la cour d’appel de Metz a finalement annulé, pour une question de droit, toutes les poursuites à l’encontre de l’aciériste ArcelorMittal Florange.

L'usine d'ArcelorMittal à Florange, en Moselle, compte 2 000 salariés — Photo : Archives JDE

La justice a pris la décision de ne pas en prendre. Ainsi, dans l’affaire dite du "crassier de Marspich", du nom de cette commune mosellane située près d'Hayange et abritant le dépotoir industriel de l’usine ArcelorMittal, il n’y aura aucune condamnation. Le 11 mars 2021, la cour d’appel de Metz a décidé d’annuler les poursuites à l’encontre du géant de l’acier, et ce pour une simple question de droit. Le groupe sidérurgique (CA 2019 : 64 Md€ ; effectif mondial : 209 000 salariés), ne sera plus inquiété dans ce dossier.

Tout est parti d’une vidéo tournée en décembre 2016 par un ancien intérimaire d’un sous-traitant de l’usine. Sur ces images, il dénonce le déversement de centaines de mètres cubes d’acide dans le crassier en question. La pollution est ensuite constatée par les services de la communauté d’agglomération du Val de Fensch en mai 2017. Une enquête préliminaire est engagée dans la foulée.

Changement de nom

Après deux ans d’enquête, ArcelorMittal se retrouve en juin 2019 devant le tribunal correctionnel de Thionville pour gestion irrégulière de ses déchets avant d’être relaxé trois mois plus tard. Le parquet, qui avait requis 50 000 euros d’amende à l’encontre de l’industriel, décide de faire appel. L’aciériste se retrouve, de nouveau, devant la justice mosellane en janvier 2021.

ArcelorMittal soulève alors une question de droit. "L'entreprise est venue nous dire qu’il n’y avait plus lieu de la condamner puisqu’elle n’avait plus le même nom", raconte Bertrand Mertz, l’avocat de la communauté d’agglomération du Val de Fensch, constituée partie civile. En effet, le 1er juillet 2019, la société ArcelorMittal Atlantique Lorraine a fusionné avec ArcelorMittal France. L'objectif était de "simplifier l’organisation juridique des entités en France et de clarifier l’organisation en interne", explique la communication de l’aciériste, qui ajoute que des opérations similaires avaient été engagées dès 2005 et qu’elles sont tout à fait "habituelles."

"C'est un drôle de message que vient d'envoyer la cour à toutes les sociétés qui font l'objet de poursuites pénales"

Grâce à son joker juridique, ArcelorMittal en appelle à l’extinction des poursuites et remporte la partie. Une décision "très critiquable", selon Bertrand Mertz : "Oui, cette règle de droit existe mais elle n’est applicable qu’à la condition où elle ne constitue pas une tentative de fraude à la loi. Or, Arcelor n’a jamais signalé ce changement de forme juridique à la justice, ce qui démontre leur mauvaise foi. Par jurisprudence, la règle ne devrait pas s’appliquer." Alors que l’industriel risquait jusqu’à 75 000 euros d’amende, l'avocat souligne que l'enjeu n'est pas financier mais symbolique : "C’est tout de même un drôle de message que la cour vient d’envoyer à toutes les sociétés qui font l’objet de poursuites pénales. Elle leur dit 'changez de forme juridique et vous échapperez à toute condamnation'. C’est assez critiquable, il faut le dire."

"Aucun impact ni sanitaire ni environnemental"

De ce fait, ArcelorMittal n’est plus poursuivi. Pour autant, cela ne veut pas dire que le groupe est relaxé. "Cela veut tout simplement dire que nous ne saurons jamais si l’entreprise a commis, oui ou non, des infractions de pollution", conclut l’avocat.

Sur ce point, le groupe n’oublie pas de se défendre. Dans un communiqué publié le 11 mars, ArcelorMittal prend effectivement note de l’extinction des poursuites pour une question de forme mais tient à rappeler ses arguments sur le fond. Selon la société, "il n’y a eu aucun acide déversé, aucune pollution à l’acide et aucun impact ni sanitaire ni environnemental". Quant à la gestion des déchets, ArcelorMittal assure que "le tribunal avait considéré que seules des boues pouvaient être déversées sur le crassier. La différence entre les boues et les eaux usées n’était toutefois pas clairement définie dans l’arrêté préfectoral, aucun taux de siccité (pourcentage de matière sèche) n’y étant précisé : il ne peut donc pas être établi qu’il y a eu infraction de la part d’ArcelorMittal France." Enfin, sur le non-respect présumé de la capacité de la lagune à boue, le sidérurgiste estime que l’arrêté présente une "erreur manifeste de calcul" ne permettant pas de donner "le nombre maximal de tonnes à respecter."

Le casier judiciaire d’ArcelorMittal en Moselle n’en est pas vierge pour autant. Le géant de l’acier avait été condamné le 5 janvier 2021 à 150 000 euros d’amende pour avoir pollué la rivière Fensch, avant de faire appel.

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