Coronavirus : l'État double la mise pour sauver les entreprises de la faillite
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Coronavirus : l'État double la mise pour sauver les entreprises de la faillite

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Le ministère de l’Économie va doubler l’enveloppe de son plan d’urgence pour soutenir les entreprises face à la crise du coronavirus, pour la porter à 100 milliards d’euros. Une rallonge jugée nécessaire pour renforcer les dispositifs déjà mis en place (chômage partiel, fonds de solidarité, reports de charges), mais pas seulement : le gouvernement entend aussi se donner les moyens d’intervenir directement auprès des entreprises menacées par la faillite.

Le ministère de l'Économie a ressorti les calculatrices pour revoir à la hausse l'enveloppe de son plan d'aide aux entreprises — Photo : Fred Romero - CC BY 2.0

Le gouvernement remet la main à la poche pour aider les entreprises touchées par la crise du coronavirus. Lancé le 17 mars, le plan d’urgence initial, évalué à 45 milliards d’euros, est déjà jugé insuffisant. Bercy est donc retourné à ses études et ses calculatrices. Résultat, « nous allons passer […] à 100 milliards d’euros, en additionnant la totalité des mesures budgétaires et de trésorerie en faveur des entreprises », ont annoncé les ministres des Comptes publics Gérald Darmanin et de l’Économie Bruno Le Maire, aux Échos, le 9 avril. [EDIT : après le conseil des ministres du 15 avril, le plan d'aide est passé à 111 milliards d'euros, avec l'ajout de quelques mesures complémentaires]

À quoi vont servir ces 55 milliards d’euros additionnels, financés par la dette publique ? « A éviter les faillites d’entreprises et le naufrage de notre économie », répond Bruno Le Maire.

Deux mesures pour les entreprises en danger

À ce titre, le gouvernement tend la main aux PME, ETI et groupes exsangues, que la crise du coronavirus étrangle, au point de menacer leur survie.

Le ministre de l’Économie admet ainsi avoir dressé « une liste d’une vingtaine d’entreprises stratégiques, qui pourront avoir besoin du soutien de l’État, sous forme de prêt, de montée au capital ou de nationalisation ». Le tourisme, l’aéronautique et l’automobile sont particulièrement suivis à Bercy. Le gouvernement se prépare donc à intervenir et prévoit, pour ce faire, de renforcer deux mécanismes en particulier.

• Prêts directs avec le FDES

Le Fonds de développement économique et social (FDES) permet à l’État d’octroyer des prêts directement aux entreprises. Cet outil existe, sous sa forme actuelle, depuis 1960, mais va être réactivé de manière spectaculaire, à en croire Gérald Darmanin : « Nous avons décidé d’augmenter de 75 millions d’euros à 1 milliard d’euros les moyens [qui lui sont dévolus] ». Soit un budget multiplié par plus de 13 !

Cette nouvelle source de financement s’adressera, au cas par cas, à des « grosses PME et ETI », et, plus précisément, à des « PME au bord de la faillite », a glissé le ministre des Comptes publics dans Les Échos.

• Montée au capital avec le CAS

Le Compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » sera le second mécanisme mobilisé pour sauver des entreprises en danger. Cet outil, principal bras de l’État actionnaire, va être abondé de 20 milliards d’euros « pour pouvoir soutenir en capital toutes les entreprises, publiques ou privées, qui pourraient en avoir besoin », a détaillé Bruno Le Maire, sur Europe 1, le 10 avril. La compagnie aérienne Air France pourrait être la première à en bénéficier. Plus généralement, il s’agira de voler au secours « d’acteurs stratégiques, de fleurons industriels », nous précise Bercy.

Des milliards pour les mesures déjà mises en place

Pour le reste, Bercy continue à actionner deux leviers. D’une part, les mesures de trésorerie, à hauteur de 50 milliards d’euros, que représentent à la fois le manque à gagner des reports de charges et les remboursements anticipés de crédits d’impôts. D’autre part, 30 milliards d’euros sonnants et trébuchants pour financer les dispositifs existants, victimes de leur succès.

• Fonds de solidarité : nouvel élargissement

Le fonds de solidarité (aide directe de 1 500 euros, rallongée au cas par cas de 2 000 euros) va être considérablement renforcé. En termes budgétaires d’abord : 5,75 milliards d’euros par mois y seront dédiés (contre 1 milliard initialement). Pour l’instant, 460 millions d’euros ont été distribués à 342 000 entreprises, indique Gérald Darmanin. Mais seules 45 % des demandes ont été traitées.

Déjà amendé début avril, le fonds de solidarité va aussi évoluer. Les entreprises en sauvegarde ou en redressement judiciaire pourront y prétendre. Et le plafond de l’aide complémentaire de 2 000 euros va être révisé à 5 000 euros. « Cette enveloppe pourrait contribuer à prendre en charge les loyers des entreprises les plus fragiles », affirme Bruno Le Maire. Tout en précisant que les discussions sont toujours en cours sur ce volet, cogéré avec les Régions.

• Chômage partiel : enveloppe supplémentaire

Les demandes d’activité partielle ont explosé depuis le 1er mars, et continuaient à croître fortement début avril (+63 % sur les sept premiers jours du mois). L’État ajuste donc le budget prévu : de 8,5 milliards d’euros, il grimpe à 20 milliards. Sans compter le manque à gagner potentiel du coup de pouce fiscal donné aux entreprises pour favoriser le maintien à 100 % des salaires.

• Report de charges : explosion attendue

Là encore, les entreprises ont largement recouru au décalage de paiement de leurs cotisations et impôts. Les sommes ainsi repoussées représentent 11,8 milliards d’euros, soit « environ un tiers des charges dues depuis le 15 mars », précise Gérald Darmanin, avant de conclure : « Cette proportion sera sans doute encore plus élevée au mois d’avril. » Le report, appliqué en mars, a en effet d’ores et déjà été prolongé sur avril.

« On parle bien de report et pas d’annulation. »

En revanche, le ministre des Comptes publics a semblé recadré son collègue Bruno Le Maire au sujet de possibles dégrèvements. Le second avait présenté, le 8 avril, ce qui semblait être une doctrine post-confinement. Mais le premier rappelle sèchement, dans Les Échos : « On parle bien de report (de charges) et pas d’annulation, et il est encore trop tôt pour évoquer les mesures que nous prendrons en sortie de crise. »

Une récession de 6 %… au moins

Pour acter l’ensemble de ces mesures, un nouveau projet de loi de finances rectificative sera présenté le 15 avril au conseil des ministres. Moins d’un mois après le précédent.

Entre les deux, un changement de taille : la prévision de « croissance », sur laquelle le gouvernement a bâti son texte. Elle passe de -1 % à -6 %. Et encore, Bruno Le Maire avertit déjà que cette hypothèse reste provisoire [EDIT : preuve en est, le 14 avril, la prévision de récession est passée à -8 %...]. L’évolution du PIB dépendra de la durée du confinement (« plus [il] dure, plus la croissance est faible »), des modalités de sa sortie et de la situation internationale, en particulier aux États-Unis, désormais l’un des pays les plus touchés par le coronavirus.

Récession record, montant des aides doublé, dette publique à 112 % du PIB… Pouvait-il en être autrement, alors que durent depuis un mois les fermetures administratives et les restrictions de déplacement dans toute la France ? Rien n’est moins sûr, alors que les premières analyses de conjoncture, publiées ces derniers jours par l’Insee, la Banque de France, Coface, l’OMC ou encore l’OIT… Toutes pointent dans la direction d’une crise économique d’une ampleur inégalée depuis 75 ans.

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