Coronavirus : la France prend le chemin de la récession
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Coronavirus : la France prend le chemin de la récession

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Et si la crise économique provoquée par le Covid-19 était encore plus violente que prévu ? Effondrement du PIB, baisse de l’activité dans les services et l’industrie, besoins croissants de trésorerie : les premières estimations de la Banque de France sur le premier trimestre n’invitent guère à l’optimisme… alors même que le coronavirus n’a vraiment fait sentir ses effets dans le pays qu’en mars.

Selon la Banque de France, le taux d’ouverture des usines, dans l'automobile, est tombé à 41 % en mars. Beaucoup de sites de production, comme ici celui de PSA à Mulhouse, avaient décidé de fermer, dès les premiers jours du confinement imposé par les autorités le 17 mars — Photo : © Lucie Dupin

Le scénario catastrophe se précise. Depuis quelques jours, les prévisions économiques intégrant l’impact du coronavirus sur l’économie française commencent à se multiplier. Et elles se placent toutes dans la perspective d’une récession majeure en 2020. Une contraction qui pourrait être plus précoce et brutale qu’attendu, selon l’étude publiée par la Banque de France, le 8 avril.

Vers une récession historique

Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire avait pudiquement admis, deux jours plus tôt, devant le Sénat, que « nous serons vraisemblablement très au-delà des -2,9 % de croissance de 2009 », qui avait suivi la crise des subprimes. Il pourrait être bien en dessous de la réalité. Dans son dernier point de conjoncture, la Banque de France évalue le recul du PIB à 6 % sur le seul premier trimestre 2020… qui a pourtant été marqué par « seulement » 15 jours de confinement.

Autant dire que le Covid-19 a vite balayé la croissance microscopique de +0,1 %, à laquelle s’attendait l’institution, avant l’irruption de l’épidémie en France. Un tel effondrement serait tout bonnement historique. Depuis la Seconde Guerre mondiale, seul Mai-68 avait réussi à provoquer une contraction trimestrielle presque aussi violente (-5,3 % au deuxième trimestre 1968).

• Le pessimisme de la Banque de France

La Banque de France précise que ce chiffre de -6 % n'est qu’un « ordre de grandeur », obtenu à partir d’une méthodologie adaptée aux circonstances. Pour autant, il est jugé « fondé et utile ». Et il va plus loin que d’autres prévisions récentes. L’assureur-crédit Coface avait ainsi évoqué une récession de -6,8 % pour la France. Mais sur l’année entière.

De son côté, l’Insee communiquera le taux de croissance du premier trimestre le 30 avril. Si l'institut confirmait le recul du PIB entre janvier et mars, la France serait donc officiellement en récession, après avoir déjà enregistré une baisse de 0,1 % fin 2019. L’organisme a toutefois déjà estimé que chaque mois de confinement équivaudrait à 3 points annuels de PIB en moins et que les conséquences continueront à se faire sentir même après coup. La Banque de France indique, pour sa part, que « toutes choses égales par ailleurs, chaque quinzaine de confinement ampute le niveau du PIB annuel de près de −1,5 %. »

L’activité chute d’un tiers par semaine de confinement

Au global, l’étude estime qu’une semaine-type de confinement se traduit par une chute d’activité de 32 %. Pour arriver à ces estimations, la Banque de France a adopté une analyse sectorielle de l’économie. Elle révèle des disparités énormes.

La construction apparaît ainsi comme le secteur le plus durement touché : les trois quarts de l’activité hebdomadaire seraient à l’arrêt en période de confinement. Rien d’étonnant au vu des débats qui ont agité le BTP en mars : les chantiers ont été suspendus par les professionnels, alors que le gouvernement les enjoignait à reprendre le travail. La situation devrait (un peu) s’améliorer avec la publication, le 2 avril, du guide de bonnes pratiques sanitaire, censée débloquer la situation.

Autres secteurs dans la tourmente, le commerce, les transports, l’hébergement et la restauration subiraient, tout confondu, une chute d’activité de 65 % par semaine. Et de près de moitié dans l’industrie (hors agroalimentaire et énergie). Inversement, ont limité la casse : l’agriculture et l’agroalimentaire justement (-6 %), les services non-marchands (-9 %) ou financiers et immobiliers (-12 %).

Services et industrie subissent baisse d’activité et manque de trésorerie

Ces prévisions de la Banque de France s’appuient, en grande partie, sur une enquête menée du 27 mars au 3 avril auprès de 8 500 entreprises.

• Rideau baissé dans les services

Les personnes sondées ont notamment été interrogées sur leurs jours de fermeture exceptionnelle. En moyenne, en mars, il y a en a eu 6 dans les services et 5 dans l’industrie (sur une durée totale de confinement de 10,5 jours). La palme revient à la restauration (14 jours de fermeture), devant l’hébergement (13 jours) et la réparation automobile (9). Sans surprise, ce sont dans ces mêmes secteurs que la baisse d’activité est ressentie le plus durement.

• La moitié des usines fermée

L’industrie n’est pas épargnée. Et pour cause, elle pâtit autant du confinement national que de la situation internationale, « l’épidémie touchant la plupart des principaux partenaires commerciaux des entreprises françaises ».

La Banque de France estime ainsi que le taux d’ouverture des usines avoisine les 50 %. Et le taux d’utilisation des capacités de production (à 56 % en mars) a atteint son plus bas niveau historique, après un plongeon de 22 points en un mois. Il s’établit même à 41 % dans l’automobile et 46 % dans la métallurgie, les deux secteurs industriels « les plus affectés par la baisse d’activité ».

À l’autre bout du spectre, encore une fois, la pharmaceutique et l’agroalimentaire, respectivement à 79 % et 71 % de leurs capacités de production.

• Des entreprises en quête de trésorerie

La baisse d’activité n’est pas le seul constat partagé par les entreprises interrogées. Toutes déplorent une dégradation de leur trésorerie, avec un renversement de tendance spectaculaire dans l’enquête mensuelle de la Banque de France.

Résultat, 17 % des PME disent ainsi avoir déposé une demande de crédit de trésorerie en mars (+10 points en un mois) et 22 % des ETI en ont fait de même (+12 points). Un bond que l’étude relie aussi au lancement du « prêt garanti par l’État » destiné, précisément, à apporter des liquidités aux entreprises frappées par la crise du coronavirus.

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