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Parc éolien offshore de Saint-Brieuc : Ailes Marines en ordre de bataille
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Parc éolien offshore de Saint-Brieuc : Ailes Marines en ordre de bataille

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Depuis qu'elle a été créée pour construire le parc éolien offshore de la baie de Saint-Brieuc, Ailes Marines, filiale de l’espagnol Iberdrola, a beaucoup fait parler d’elle et suscité des oppositions, malgré le caractère revendiqué comme environnemental du projet et les retombées économiques envisagées. L'entreprise se met en ordre de bataille pour 2022, une année cruciale pour elle.

Gaël Goujon, responsable adjoint des sites de Pleudaniel, Lézardrieux et off-shore, et Stéphane Alain Riou, directeur Développement et Territoire d’Ailes Marines, au port de Lézardrieux, devant le bateau qui permet de transférer personnel et matériel sur le site du parc éolien — Photo : Matthieu Leman

C’est une entreprise qui n’a ni chiffre d’affaires, ni salarié. Elle est pourtant largement connue, même au-delà des sphères économique et politique régionales. Elle, c’est Ailes Marines, la filiale du groupe espagnol Iberdrola (33 milliards d’euros de chiffre d'affaires en 2020, 35 000 salariés) en charge de la construction et de l’exploitation du futur champ éolien offshore de la baie de Saint-Brieuc.

Si son siège est à Paris, la société assure son activité sur trois sites costarmoricains. Des bureaux à Saint-Brieuc et deux installations stratégiques : le centre des opérations, à Pleudaniel, et le port de construction, à quelques kilomètres de là, à Lézardrieux. Ces deux dernières implantations ont nécessité un investissement de six millions d’euros.

Une vingtaine de bateaux, 140 ingénieurs

En ce mois de décembre 2021, les bureaux du centre de Pleudaniel (950 m²), sur la zone de Kerantour, sont peu animés, du fait de la trêve hivernale. "En 2022, au pic d’activité de l’été, il y aura jusqu’à 70 personnes", souligne Marc Lanz, responsable des deux sites et du site offshore. À ce moment-là, des représentants des entreprises intervenant sur le chantier, des sous-traitants et des membres d’Ailes Marines - en fait des salariés d’Iberdrola détachés - surveilleront l’avancée des travaux, installés dans un grand open space divisé en îlots techniques. "Nous sommes organisés comme ça pour assurer une meilleure coordination et un meilleur suivi des phases d’opération", reprend le jeune responsable. Au total, 140 ingénieurs d’Iberdrola consacrent une partie de leur emploi du temps au projet costarmoricain.

Le centre de contrôle se trouve également dans les locaux et comprend deux postes de travail absolument similaires, doublés en cas de problèmes techniques. Sur les écrans, des tableaux et des cartes, représentant l’activité en temps réel sur et autour du champ éolien. "Il y a deux écrans actuellement pour assurer la surveillance du site, mais il y en aura jusqu’à 22 cet été", reprend Marc Lanz. Quelques bateaux de pêche sont également visibles sur les cartes, des petits points mouvants loin d’être neutres. "C’est le premier parc éolien au monde qui autorise la pêche sur site pendant la construction", souligne le Costarmoricain.

Un budget de 2,4 milliards d’euros

En mars, quand les travaux reprendront, l’activité et la vigilance au sein du site ouvert un an plus tôt redoubleront. L’entrepôt de stockage de petits matériels terminé en juin 2021, qui complète le site, sera mis pleinement en fonction. Car 2022 représente une année cruciale pour le champ éolien qui a été attribué à Iberdrola en… 2012. Une année en continu, sans trêve hivernale, qui débutera avant le 1er mars (la date exacte est en discussion avec les autorités) et se prolongera par la mise en service des éoliennes, en décembre 2023.

"Le forage va continuer et nous allons procéder à l’installation des pieux", explique Stéphane Alain Riou, directeur Environnement et Territoire d’Ailes Marines. "Puis ce sera la pose des fondations (jackets) sur les pieux, l’installation des câbles électriques entre les éoliennes, câbles qui seront reliés à la sous-station électrique, qui sera posée cet été." 2023 sera ensuite consacrée à l’installation des mâts, turbines et pales.

Une partie des polders jackets est fabriquée au polder de Brest — Photo : DR

Ailes Marines, créée en décembre 2011, passera à la fin des travaux du statut de société de projet à celui de société d’exploitation. Sans chiffre d’affaires mais avec un capital social de 388 millions d’euros, l’entreprise paie ses fournisseurs et prestataires sur le budget de 2,4 milliards d’euros que lui a attribué sa maison mère à 100 %, l’espagnol Iberdrola. Des dépenses qui concernent en premier lieu l’achat des 62 éoliennes, fabriquées par Siemens Gamesa au Havre (Seine-Maritime). À l’origine du projet, ce sont 100 turbines de cinq mégawatts (MW) qui avaient été commandées à Areva, avant que les difficultés du géant français du nucléaire n’obligent à se retourner vers les 62 turbines de 8 MW de Siemens.

116 entreprises du Grand Ouest impliquées

Les retombées économiques profitent également à 116 entreprises du Grand Ouest, ainsi qu’à leurs sous-traitants. "On achète du matériel et du service", confirme Stéphane Alain Riou. Exemple avec le site de Pleudaniel, qui a fait appel à l’agence finistérienne de Portakabin (34 M€ de CA en 2020, 1 750 salariés en France) pour les bureaux, tandis que Sodimac (15 M€ de CA en 2020, 100 salariés) à Saint-Pôtan construisait l’entrepôt. Et c’est au polder de Brest dédié aux énergies marines que le consortium Navantia-Windar fabrique une partie des jackets du champ éolien. "250 emplois y sont assurés jusqu’en 2023, avec une quinzaine de sous-traitants bretons impliqués, souligne encore le Costarmoricain. Nous sommes le premier client du port de Brest pour les énergies renouvelables." Au total, Ailes Marines estime à 1 500, dont 500 en Bretagne, le nombre de salariés qui auront participé à l’émergence du parc.

Le navire Eolus a procédé aux premiers forages lors de la phase de travaux qui s’est déroulée entre mai et octobre 2021 — Photo : DR

Outre l’activité générée, Ailes Marines revendique une montée en gamme de ces PME. "Iberdrola a de grandes exigences en termes de certifications et de standards. Les entreprises qui travaillent avec nous doivent les intégrer et cela leur permet d’effectuer une montée en gamme qui leur permettra également de répondre à d’autres appels d’offres ou exigences d’assurance." Des formations sont assurées au centre de Pleudaniel. "Certaines entreprises ne sont pas habituées à ce niveau d’exigence HSE (hygiène, sécurité, environnement). Nous les accompagnons à travers des formations et de la documentation", assure Marc Lanz. Un travail a également été mené auprès des centres de formation bretons. Tout salarié intervenant sur le champ éolien doit obtenir un permis de travail spécial, validé par Iberdrola.

Un port de maintenance à construire

Au-delà de la construction, l’apport économique du champ éolien, qui produira l’équivalent de la consommation électrique avec chauffage de 835 000 habitants (à rapprocher des 600 000 personnes résidant dans les Côtes-d’Armor), durera dans le temps. Le plus visible prendra la forme du futur port de maintenance, qui assurera 80 emplois pendant 25 ans. La ville de Saint-Quay-Portrieux est pressentie pour accueillir ce qui sera la porte d’entrée du champ.

À Lézardrieux, le port de construction, mis en service en mai 2021, s’effacera mais pas le quai refait à neuf ni les pontons qui ont été construits et dont l’un d’eux permet au bateau de transfert de personnel de rallier le champ éolien en 1 h 15. Il transporte également des "petits colis", selon les mots du responsable adjoint de site, Gaël Goujon, ce qui équivaut, à l’échelle d’un parc éolien de 496 MW, à du matériel pesant jusqu’à sept tonnes… Ce navire sera bientôt rejoint par un second, un navire identique (sistership) également fabriqué par Thomas Services Maritimes, à Rouen en Seine-Maritime.

Ailes Marines versera également 8,5 millions par an de taxe fiscale, qui seront ventilés à 50 % entre les cinq communes les plus proches du parc éolien (Fréhel, Erquy, Pléneuf-Val-André, Plévenon et Plurien) ; 15 % iront au Comité national des pêches maritimes et des élevages marins ; 10 % au comité régional ; 10 % au comité départemental ; 5 % à la SNSM, 5 % à l’Office français de la biodiversité et 5 % dédiés au financement de "projets concourant au développement durable des autres activités maritimes".

Prévu pour fonctionner vingt ans au minimum, le parc sera démantelé au terme de son exploitation et le site remis en état par Ailes Marines. Un engagement contractuel protégé par une garantie bancaire de la SAS.

La sous-station électrique, fabriquée par Equans et Smulders, collectera l’électricité produite par les 62 éoliennes — Photo : DR
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