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Vent favorable pour les éoliennes en mer
Saint-Brieuc # Production et distribution d'énergie

Vent favorable pour les éoliennes en mer

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L’accord tarifaire conclu entre l’Etat et l'entreprise Ailes Marines laisse désormais peu de place au doute quant à la construction du champ éolien offshore en baie de Saint-Brieuc à l’horizon 2023. Le projet prévoit l’implantation de 62 éoliennes de 8 mégawatts pour un investissement dépassant 2 milliards d’euros.

Lors de sa visite sur le site du Cap Fréhel fin juin, le président Emmanuel Macron a assuré que le champ d’éoliennes offshore en baie de Saint-Brieuc verrait bien le jour — Photo : @JulienUguet

Emmanuel Rollin peut enfin souffler. Le directeur de l'entreprise Ailes Marines devra, certes, encore attendre un peu avant de le faire sur les 62 éoliennes qui constitueront le champ éolien en mer, au large de la baie de Saint-Brieuc, à partir de 2020. Toutefois, l’annonce du président de la République Emmanuel Macron, confirmant la construction de ce parc offshore et de cinq autres dans le Grand Ouest, l’a déchargé d’un poids.

« Nous n'allons pas nous mentir, jusqu’à la veille de sa venue en Côtes-d’Armor, fin juin, nous n’avions aucun élément sur la teneur des négociations entre notre actionnaire - le consortium Iberdrola/Res/CdC - et le gouvernement, confie l’intéressé. L’accord trouvé est une excellente nouvelle pour le territoire et pour les acteurs économiques bretons qui ont choisi, en 2012, de se lancer à nos côtés dans l’aventure des énergies marines renouvelables. Cette annonce valide la qualité et la solidité du projet. »

L’enthousiasme d’Emmanuel Rollin est partagé par Loïg Chesnais-Girard, président de la Région Bretagne, soutien de la première heure, au côté de Jean-Yves Le Drian, son prédécesseur et aujourd’hui ministre des Affaires étrangères. « Les messages passés par les élus et les industriels ont été entendus. C’est une bonne nouvelle pour l’ensemble des acteurs de la filière, notamment au regard des investissements importants réalisés, en particulier sur le port de Brest. »

15 milliards d’euros économisés par l'Etat

À l’horizon 2022, les 186 pales d’Ailes Marines tourneront au large de la côte de Penthièvre, mais avec beaucoup moins d’argent public que prévu. Menacés d’annulation par l’exécutif, faute de trouver un accord sur le tarif de rachat de l’électricité et le montant des aides consenties par l’État, les six projets d’éoliennes en mer (Fécamp, Le Tréport et Courseulles-sur-Mer en Normandie, Saint-Nazaire et l'île d’Yeu en Pays de la Loire, et Saint-Brieuc en Bretagne) ont été contraints de revoir leur copie.

La décision définitive d’investissement interviendra au début de l’année 2020.

Si depuis le Cap Fréhel Emmanuel Macron a confirmé les six projets de parc attribués entre 2012 et 2014 par le précédent gouvernement, il a toutefois annoncé une diminution de 40 % de la subvention publique et un ajustement de 30 % à la baisse des prix de rachat par EDF. « Nous gardons la même ambitions, mais nous allons économiser 15 milliards d’euros d’argent public sur la période », a justifié le chef de l'Etat.

2 milliards d’euros investis

Les tarifs de rachat de l’électricité éolienne offshore avaient été initialement fixés dans une fourchette comprise entre 180 et 230 euros le mégawattheure pour 20 ans. Mais compte tenu de la chute des coûts observés dans le secteur ces cinq dernières années et des prix pratiqués dans les autres pays d’Europe, Allemagne et Royaume-Uni en tête, ils devraient osciller entre 150 et 250 euros.

« Il faut reconnaître que l’environnement économique autour de l’appel d’offres de 2012 a changé, précise Emmanuel Rollin. EDF, Engie et Iberdrola ont individuellement négocié avec l’État pour parvenir, chacun, à un consensus acceptable, sans changer les caractéristiques industrielles - à savoir des fondations jacket et des éoliennes 8 mégawatts, le planning et l’impact en termes d’emploi. Je rappelle qu’un chantier comme celui de Saint-Brieuc mobilise 2 milliards d’euros pour 2 000 emplois directs. »

Rassurer les entreprises

Pour parvenir à maintenir une rentabilité respectable, Ailes Marines met en avant la réduction des taux d’intérêt sur les marchés, les évolutions technologiques des éoliennes ou encore le transfert du financement du raccordement vers RTE. « Je ne peux pas dévoiler de manière détaillée quel levier a été utilisé, ajoute Emmanuel Rollin. Ces discussions font l’objet d’un accord de gré à gré. L’essentiel est que notre projet se fasse bien et, qu’en 2023, si le cadencement des travaux est respecté, 500 mégawatts seront produites par les éoliennes briochines. »

Soulagé, le "boss" d’Ailes Marines entend désormais rassurer les entreprises bretonnes qui ont fondé de grands espoirs dans les retombées économiques des 62 éoliennes du Cap Fréhel. « Nos partenaires nous ont fait confiance et ont été patients. À nous désormais de ne pas les décevoir. »

Lors de sa visite sur le site du Cap Fréhel fin juin, le président Emmanuel Macron a assuré que le champ d’éoliennes offshore en baie de Saint-Brieuc verrait bien le jour — Photo : @FredericMaignan/Préfecture22

Le risque des recours administratifs

Emmanuel Rollin n’élude pas non plus les recours, qui peuvent remettre en cause le projet. Près d’une dizaine de dossiers ont déjà été recalés par la justice administrative. « Ce sont des éléments que nous prenons en compte avec sérieux. Nous apportons des réponses circonstanciées pour démontrer que les éoliennes n’auront pas les conséquences qu’on leur prête », défend-il.

La décision finale d’investissement ne devrait ainsi pas intervenir avant le premier trimestre 2020. « Cela ne nous empêche pas de poursuivre les études halieutiques ou géologiques, poursuit le dirigeant. C’est une prise de risque assumée car nous croyons - et la décision du président Macron nous le démontre - à la viabilité et à l’impact économique bénéfique du champ éolien. »

Des entreprises bretonnes dans les starting-blocks

Président du cluster Breizh’EMR, qui regroupe 15 entreprises bretonnes engagées, depuis 2012, dans la filière des énergies marines renouvelables, Serge Menec s’est senti rassuré par les annonces du président Macron quant à la confirmation des 6 parcs engagés et le maintien des engagements industriels. « Ce sont des signaux positifs d’autant que la période de renégociation entre le gouvernement et les porteurs de projet avait quelque peu jeté le trouble dans toute la filière. »

Comme ses confrères, le patron de Sameto Tecnifil à Dinan confirme qu’il reste mobilisé et continue à faire preuve de persévérance. « Nous espérons que dans les faits les annonces du gouvernement vont se traduire par de rapides échanges avec Ailes Marines, notamment dans la structuration de sa supply chain, et les différents donneurs d’ordres susceptibles de faire appel aux industriels bretons. » À court terme, Serge Menec attache également de l’importance à voir Siemens construire ses usines du Havre. « L’écosystème breton est en ordre de marche et en pleine capacité de faire face aux enjeux de demain dans le domaine des EMR. »

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