Coronavirus : dans le nord des Côtes du Rhône, les vignerons résistent
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Coronavirus : dans le nord des Côtes du Rhône, les vignerons résistent

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Dans les vignobles des Côtes-du-Rhône septentrionales, longeant le Rhône au sud de Vienne, l’activité commerciale a chuté drastiquement depuis mi-mars. Restaurants et hôtels constituent les principaux clients de ces vignerons qui s’estiment pourtant « privilégiés » grâce à des appellations renommées, des chiffre d’affaires en croissance avant la crise et des trésoreries solides.

Jusqu’à début mars, les ventes se portaient très bien pour les domaines implantés sur des appellations septentrionales des côtes-du-rhône comme côte-rôtie, condrieu, saint-joseph (photo) ou hermitage — Photo : DR

En traversant les vignobles du nord des côtes du Rhône, on oublierait presque la crise actuelle. Dans les vignes, les travaux saisonniers suivent leur cours. Dans les bureaux – vides pour la plupart –, l’atmosphère est plus tendue. Le chiffre d’affaires de ces domaines viticoles a chuté de façon vertigineuse. « En avril 2019, j’ai réalisé 350 000 euros de chiffre d’affaires. Cette année, j’atteindrai 110 000 euros », déplore François Villard, à la tête du domaine du même nom (CA 2019 : 4,2 M€ ; 20 salariés ETP) qui s’étend sur plus de 30 hectares à Saint-Michel-sur-Rhône, dans la Loire. Pour le mois d’avril, Yves Cuilleron (CA 2018 : 6 M€), établi à Chavanay, dans la Loire, table quant à lui sur un chiffre d’affaires « équivalent à 15 % de celui de l’an passé » et espère remonter à 20 % en mai. Au domaine Courbis, à Chateaubourg, en Ardèche, on parle même d’un effondrement de 98 % du chiffre d’affaires ces deux derniers mois.

Le quasi-maintien des ventes de vin en grande et moyenne distribution (-3 % sur six semaines selon le panéliste IRI) n’a pas profité à ces producteurs qui vendent des bouteilles haut de gamme – 31 euros pour une bouteille de l’appellation côte-rôtie – et qui les commercialisent à plus de 70 % dans le secteur dit "traditionnel", auprès des cavistes, des restaurateurs et des hôtels. Si les cavistes ont eu l’autorisation de rester ouverts, nombre d’entre eux ont préféré fermer boutique durant le confinement. Quant aux restaurants et hôtels, plus aucun ne fonctionne depuis mi-mars. Et les vignerons ne se font pas d’illusion : « L’activité ne redémarrera pas avant septembre ou octobre », résume Paul Ansellem, directeur du domaine Georges Vernay, à Condrieu, dans le Rhône.

Des vignobles « privilégiés »

Pour autant, « la situation actuelle ne met pas en péril notre entreprise », poursuit le directeur ; Comme ses confrères installés au sud de Vienne, il se sent « privilégié » dans cette crise. « Les ventes marchaient très fort jusqu’à début mars », rappelle Dominique Courbis, confirmant une tendance qui se vérifie dans chacun des domaines interrogés, implantés sur ces appellations septentrionales des côtes-du-rhône (côte-rôtie, condrieu, saint-joseph, hermitage…) à la réputation grandissante, tirée notamment par quelques grands noms, comme Chapoutier et Guigal.

Au cœur des vignes, on attend que l’orage passe. En ayant recours au chômage partiel, en stoppant les investissements engagés et en espérant que la trésorerie, solide jusqu’alors, permette de tenir la distance. En tentant de poursuivre les ventes sur les réseaux de distribution encore actifs, aussi.

Les ventes en ligne et à l’export continuent

À la Maison Guigal (CA 2018 : 58 millions d’euros ; 170 salariés), à Ampuis, dans le Rhône, on mise sur l’export. « Habituellement, nous réalisons 50 % de nos ventes à l’international. En ce moment, c’est 95 %, détaille Philippe Guigal. Elles explosent en Suède, en Norvège, ou encore au Canada. » Dans ces pays, la vente et/ou l’importation d’alcool constituent un monopole d’État et les magasins qui en vendent sont restés ouverts.

Pour d’autres, c’est avec les ventes en ligne que l’activité est partiellement maintenue. Les sites web tels que Vinatis ou Venteàlapropriété.com « marchent bien ». « Je crois que je m’en sors bien, estime François Villard, qui organise une opération sur Venteàlapropriété en mai. En ce moment, ces sites privilégient les maisons connues. Dans le Beaujolais, qui commençait tout juste à sortir la tête de l’eau, c’est par exemple bien plus compliqué. »

Côté stock aussi, on s’estime chanceux dans la région. En Gironde ou encore en Alsace, les espaces de stockage et les cuves sont pleins alors que la récolte 2020 approche. Au sud de Vienne, « nous étions en flux tendu en raison des mauvaises récoltes des années précédentes, explique Yves Cuilleron. Pour nous, au contraire, plus de stock, c’est plus de facilité à gérer les prochains aléas. » Reste que cet afflux de bouteilles sur le marché pourrait faire flancher les cours du vin sur le long terme. C’est du moins une crainte, partagée cette fois, par tous les vignerons.

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