La stratégie d’Alélor a payé. Alors qu’en juillet 2021 le dôme de chaleur sur le Canada, premier fournisseur mondial de graines de moutarde, assèche les récoltes et que les approvisionnements mondiaux se tendent, les rayons des supermarchés se vident. Et la guerre en Ukraine accentue le phénomène. "En janvier 2022, les quatre grands fabricants de moutarde (ils génèrent 90 % des 100 000 tonnes produites en France annuellement, NDLR) se mettent à l’arrêt et c’est là que nous avons pu réagir. Et mettre en avant nos produits", rappelle Alain Trautmann, le président d’Alélor et Domaine des Terres Rouges (20 salariés, 10 M€ de CA).
Avantagée par la filière régionale
Une raison simple à cela : depuis 2008, l’industriel alsacien a favorisé la reconstitution d’une filière régionale de culture de graines de moutarde – elle compte aujourd’hui 29 agriculteurs.
"Les grands se sont remis à produire en janvier 2023 et quand le marché s’est stabilisé, nous avons perdu l’intégralité des magasins Mousquetaires, nous n’en avons gardé qu’un"
Dépendante à 50 % des approvisionnements extérieurs, Alélor fait tourner ses lignes au maximum pour répondre aux demandes de la grande distribution et des industriels qui absorbent 80 % de ses volumes. Avec une capacité de production de 1 200 tonnes par an, son carnet de commandes se sature à la vitesse grand V.
Une progression à 6 puis 10 millions d’euros de CA, mais…
L’entreprise de Mietesheim (Bas-Rhin) gagne de nombreux nouveaux clients hors Alsace où le chiffre ne dépassait pas les 2 % avant crise. Les fabricants de sandwichs comme Daunat, les producteurs de salades ou de sauces décrochent leur téléphone. Alélor réussit même le tour de force de se faire référencer chez les Mousquetaires. Sa moutarde se retrouve dans une centaine de points de ventes de l’enseigne. Le chiffre d’affaires d’Alélor et Domaine des Terres Rouges passe de 6 millions d’euros en 2021, à 8 millions en 2022 puis à 10 millions d’euros au 30 juin 2023, date de clôture du dernier exercice. Mais… "Les grands se sont remis à produire en janvier 2023 et quand le marché s’est stabilisé, nous avons perdu l’intégralité des magasins Mousquetaires, nous n’en avons gardé qu’un", raconte le patron d’Alélor.
L’an dernier, les commandes se sont normalisées et le chiffre d’affaires au 30 juin 2024 devrait se stabiliser autour de 8 millions d’euros selon le chef d’entreprise. Pour autant, la dynamique semble enclenchée. "La crise nous a fait rentrer dans de nombreux frigos, même en Alsace", estime Alain Trautmann. Alélor s’est fixé pour objectif de retrouver rapidement son chiffre d’affaires enregistré au plus fort de la crise. Et l’entreprise fait feu de tout bois.
Diversification et innovation
Sur un marché de niche, le raifort, et de la moutarde en recul de 4 % par an depuis près d’une dizaine d’années, l’industriel a décidé de se diversifier dans les sauces : burger, aïoli, tartare, béarnaise feront leur entrée en rayon en avril, en attendant le ketchup sous 12 à 18 mois, sans certitude cette fois de monter une filière locale. L’accueil de la grande distribution aurait été plus que favorable.
2,5 millions investis pour s’agrandir
Pour faire face, l’entreprise – qui a injecté près de 500 000 euros dans son outil de production ces deux dernières années — a déposé un permis de construire pour se donner de l’air et rapatrier sa logistique sur son site de production. L’extension de 1 500 m2 porte sur investissement de 2,5 millions d’euros.
Déjà trois boutiques en propre
Sur tous les fronts, elle vient d’ouvrir cet hiver deux boutiques dans le Bas-Rhin après celle de Strasbourg en octobre 2022, afin de proposer l’ensemble de sa gamme (Alélor et le Domaine des Terres Rouges) produite en propre ou relevant du négoce, soit 600 références au total. Une ouverture à Colmar est prévue pour le printemps. Alélor table sur un chiffre d’affaires d’un million d’euros pour les quatre boutiques dès que le rythme de croisière sera atteint. L’ambition est de développer maintenant le concept à Metz ou Nancy.
