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Groupe Mercier : "Notre plus grand défi, c’est de créer de nouvelles variétés de plants de vignes"
Vendée # Agriculture # Innovation

Groupe Mercier : "Notre plus grand défi, c’est de créer de nouvelles variétés de plants de vignes"

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Le groupe Mercier est le leader mondial du plant de vignes. Il fournit 5 000 domaines viticoles dans le monde. Près de 17 millions de plants sont produits chaque année par cette ETI implantée du côté de Vix, en Vendée. Pour Guillaume Mercier, codirigeant, l’innovation est le facteur clé de la réussite de ce groupe qui a pour ambition de conserver sa place de leader mondial.

Guillaume Mercier, codirigeant du Groupe Mercier, numéro un mondial de la production de plants de vigne — Photo : David Pouilloux

Le groupe Mercier est méconnu alors que vous êtes leader mondial sur votre marché. Quel est votre métier ?

Nous sommes un pépiniériste viticole. Nous produisons des plants de vigne pour les domaines viticoles. Notre métier consiste à produire à la fois le porte-greffe (le pied) et le greffon (tige) qui, une fois assemblés, forment un plant de vigne. C’est le greffon qui porte la variété du raisin (cépage). Nous avons en catalogue plus de 160 variétés de cépages : des blancs, comme le chenin, chardonnay, sauvignon, melon de bourgogne, et des rouges, cabernet, syrah, grenache… Nous fournissons 5 000 domaines viticoles dans le monde, dans 35 pays, du Portugal au Japon, de l’Angleterre à l’Inde, du Mexique au Canada. Environ 60 % de notre production est vendue en France, et 40 % à l’export. Dans notre pays, il existe 300 producteurs de plants de vignes, qui produisent 150 millions de plants. Nous sommes numéro 1 en France et dans le monde, en tant qu’entreprise privée. Certains opérateurs du marché produisent plus que nous, mais sur un modèle de coopérative.

Guillaume Mercier, codirigeant du groupe Mercier, directeur de la production — Photo : David Pouilloux

Quelle est la taille de l’entreprise, implantée à Vix, en Vendée ?

Depuis un an, nous sommes une ETI. Notre groupe compte 7 entreprises, 280 ETP et nous avons atteint, en 2022, 25 millions d’euros de chiffre de d’affaires. Nous avons une croissance régulière de 10 % par an. Nous produisons 17 millions de plants chaque année sur trois sites. 15 millions sont produits en France : deux tiers à Vix, en Vendée, et un tiers dans le Vaucluse du côté de Carpentras. Notre unité de production du Vaucluse est spécialisée sur les cépages méridionaux, comme la syrah, le mourvèdre, le carignan, qui sont adaptés aux climats plus chauds. Notre unité située en Argentine, près de Mendoza, produit 2 millions de plants de vignes (malbec, pinot noir, chardonnay, chenin…), uniquement pour l’Argentine. L’ensemble de notre production annuelle permet de couvrir 5 000 ha de vignes.

Quel est le principal défi sur votre marché ?

C’est l’innovation. Un leader mondial innove. Un challenger copie, et c’est pour ça qu’il reste challenger. Nous, nous voulons rester leader mondial, continuer à être un acteur incontournable des projets internationaux. Il faut donc conserver un temps d’avance. Notre plus grand défi, c’est de créer de nouvelles variétés pour apporter des solutions aux problématiques actuelles et futures des viticulteurs. Elles sont nombreuses. L’Europe impose de réduire l’utilisation de produits phytosanitaires (de 50 % d’ici à 2030), et cela répond également aux attentes des consommateurs et de la nouvelle génération de vignerons plus soucieux de leur impact sur la nature et qui s’installent en agriculture biologique. Par ailleurs, les domaines viticoles sont impactés par le dérèglement climatique (sécheresse, gel précoce de printemps, etc.).

Comment procédez-vous pour répondre à cette demande ?

Greffons de jeunes vignes dans les laboratoires du groupe Mercier — Photo : O.SCHINDLER

La mission de notre unité de recherche et développement consiste à créer de nouvelles variétés de vignes qui soient plus résistantes aux maladies, comme le mildiou ou l’oïdium, d’autres à des virus ou à des champignons, pour réduire l’utilisation de produits phytosanitaires. Pour la maladie du bois, l’esca par exemple, qui est due à un complexe de champignons, nous avons mis au point des plants inoculés avec un autre champignon capable de dévorer ceux qui agressent le pied de vigne. Nos ingénieurs travaillent en collaboration avec des chercheurs de l’INRAE (Institut national de la recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) et de nombreuses unités de recherche partout en Europe.

Mais les bactéries, virus, champignons ne sont pas les seuls ennemis de la vigne (ou vitis vinifera) ?

En effet. Nous travaillons aussi sur la mise au point de variétés plus résistantes à la sécheresse. Les vignobles de pays comme l’Australie, l’Espagne ou des États comme la Californie souffrent énormément du changement climatique avec des sécheresses très sévères, et doivent repenser leur production de vins en changeant leurs plants de vignes. La question de la gestion des ressources en eau a d’ailleurs ressurgi récemment en France, et c’est l’un des défis les plus importants à relever pour l’agriculture de demain. Il existe également des variétés qui résistent au gel de printemps qui a notamment frappé la France à 4 reprises ces sept dernières années.

Quelles sont les tendances du marché mondial du vin ?

La tendance mondiale du marché du vin est à une augmentation de la consommation de blanc et de rosé, qui, pour la première fois, a dépassé la consommation de rouge dans le monde. Les vignobles doivent repenser leurs offres de vins et donc planter pour s’adapter à la demande du marché, mais cela ne se fait pas en un clin d’œil. Il faut un an pour produire un nouveau plant, et 3 à 4 pour que la vigne produise assez de raisin pour faire du vin. C’est le temps de la nature.

L’une des particularités du groupe Mercier est d’avoir également en son sein, un domaine viticole.

Depuis la fondation du groupe en 1890, nous sommes à la fois pépiniéristes et vignerons. À côté des pépinières qui s’étendent sur plus de 100 ha, des porte-greffes qui occupent 250 ha, et des vignes à greffons qui poussent sur 300 ha (en collaboration avec des vignobles), notre groupe familial possède un domaine viticole de 70 ha, à Vix, dont s’occupe en particulier mon frère Frantz. Près de 2, 5 millions de bouteilles y sont produites, et elles sont issues de plus de 20 cépages différents. De la recherche fondamentale à la récolte du raisin, il existe une imbrication forte de toutes les entreprises du groupe entre elles dans un but commun. Les nouvelles variétés résistantes qui sont créées dans nos laboratoires sont ainsi testées sur une partie du domaine et se retrouvent dans nos bouteilles. Notre autonomie complète, du laboratoire de physiologie végétale à l’expérimentation de nos nouvelles variétés sur le domaine, est notre force.

Au niveau du groupe, vous avez mis en place une politique salariale qui permet à chaque salarié de bénéficier d’une participation.

Notre groupe est composé de 7 entreprises, mais deux seulement comptent plus de 50 salariés. Notre activité de recherche et développement ne produit pas de bénéfices, mais elle prépare les avantages concurrentiels futurs du groupe. Il est important de garder à l’esprit que c’est le travail de chacun qui fait que le groupe est ce qu’il est aujourd’hui. Nous estimons que chaque salarié participe à la réussite de l’entreprise, de celui qui fait de la recherche fondamentale à celui qui taille les vignes. Dans une démarche d’équité, nous avons signé au tribunal de commerce un document qui fait de notre groupe une unité économique et sociale. Ce qui permet que toutes les entreprises abondent à un pot commun et que tous nos salariés profitent à la fois d’une participation, mais aussi du comité d’entreprise.

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