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Face à une crise sanitaire, le vignoble bordelais attend des mesures
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Face à une crise sanitaire, le vignoble bordelais attend des mesures

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Le ministre de l’Agriculture s’est rendu ce mercredi à Ladaux (Gironde) pour constater les dégâts du mildiou sur des parcelles viticoles. Pauvre en annonces, le déplacement a surtout été l’occasion d’évoquer des pistes pour étendre la couverture assurantielle des viticulteurs et évoquer un futur dispositif "coercitif" pour lutter contre les vignes laissées en friches qui, selon l’interprofession, favorisent la propagation du parasite.

Marc Fesneau était en visite sur une parcelle des vignobles Ducourt à Ladaux (Gironde) — Photo : Romain Béteille

Pas d’annonce phare mais un désarroi palpable. Ce mercredi 19 juillet, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau s’est rendu en Gironde à Ladaux à la rencontre des viticulteurs et de l’interprofession représentante du vignoble bordelais, touché ces dernières semaines par une épidémie particulièrement forte de mildiou, un parasite mi-algue mi-champignon dont l’apparition a été favorisée depuis plusieurs semaines par des pluies fréquentes et une forte humidité.

Aléa climatique

"Ça fait un mois qu’on essaye de lutter contre le mildiou", témoigne Jérémy Ducourt, à la tête des Vignobles Ducourt, dont la principale structure regroupe 370 hectares en conventionnel. "Nous avons été impactés principalement sur la zone de l’Entre-deux-Mers. Notre panoplie d’intervention est de plus en plus réduite avec l’interdiction de certaines molécules et les produits de contact ne sont pas suffisants contre le mildiou". Résultat : des parcelles impactées entre 15 et 100 % malgré onze traitements (contre 5 à 6 habituellement) et, quelques centaines de mètres plus loin, 13 hectares en variétés résistantes, plantés depuis 2014, épargnés par les attaques avec seulement deux traitements annuels. La solution semble pourtant encore lointaine et ne devrait concerner qu’un faible nombre d’hectares : "Nous sommes en phase d’expérimentation, le cahier des charges sera bientôt publié pour l’appellation Bordeaux et Bordeaux Supérieur et dès la prochaine campagne nous pourrons convertir 5 % de l’encépagement de la propriété aux vignes résistantes, 10 % pour les assemblages", résume Jérémy Ducourt.

Les vignobles Ladaux ont plantés depuis 2014 des "cépages résistants". Ces parcelles n’ont pas été touchées par le mildiou — Photo : Romain Béteille

Du côté de l’interprofession, qui fait face par ailleurs à un marasme économique structurel, la priorité semble avant tout de faire reconnaître le mildiou comme la conséquence d’un aléa climatique, et ainsi faire entrer l’excès d’eau dans les aléas couverts par les assurances multirisques. "L’excès d’humidité a touché tout le Sud-Ouest en même temps sur quasiment tout le cépage rouge, particulièrement le merlot. Les pertes de récoltes ne seront constatées qu’après les vendanges, mais dans le système assurantiel, tout le monde met la pression à tout le monde puisque le viticulteur s’assure lui-même en franchise jusqu’à 20 %, que les assureurs couvrent jusqu’à 50 % et qu’au-delà, c’est la solidarité nationale qui s’active", explique Bernard Farges, vice-président du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB). Du côté de l'État, on évoque "un lien qu’il faut documenter". Fin juillet, le directeur général de France Assureurs, Franck Le Vallois, rappelait au média spécialisé Vitisphère que "le contrat multirisque climatique ne couvre pas la perte de récolte liée au mildiou", en guise de fin de non-recevoir.

Les premières observations ont en tout cas été jugées "inquiétantes" par la chambre d’agriculture de la Gironde. Sur 86 parcelles de références suivies par le réseau des chambres régionales, 90 % des vignes ont été touchées par le mildiou à des échelles diverses.

Friches et arrachage

La chambre d’agriculture promet une analyse plus poussée dans les semaines à venir pour étudier d’autres "facteurs aggravants" du mildiou, au premier rang desquels a été citée l’importante quantité des vignes en friche, estimée à 2 000 hectares. "Ce n’est pas la cause du mildiou mais c’est un amplificateur qu’il faut traiter absolument. Or, les outils, contrairement à d’autres filières comme l’élevage, ne sont pas adaptés", ajoute Bernard Farges. Là encore, pas de mesure concrète mais un dossier de plus dans la pile pour Marc Fesneau, qui assure aux représentants bordelais avoir "identifié le besoin de trouver un dispositif juridique coercitif (autrement dit une amende) pour que les parcelles abandonnées ne soient pas laissées en friche", pour forcer ceux qui abandonneraient leurs vignes à les traiter et éviter la propagation du mildiou.

La prise en compte de la gestion des friches a en tout cas été identifiée par les professionnels comme une priorité car exclue des aides à l’arrachage sanitaire (57 millions d’euros répartis entre l’État et le CIVB), plafonnées à 6 000 euros par hectares et qui vise à en arracher jusqu’à 9 500, à la condition qu’ils aient été en production ces cinq dernières années. "L’arrachage administratif est compliqué, coûteux et long à mettre en place. D’autres filières, comme celle des canards, ont bénéficié de mesure de destruction de cheptels, nous demandons des mesures similaires pour notre profession", poursuit un représentant. L’annonce de mesures concrètes pour éradiquer les vignes en friche est attendue pour l’automne.

Entre-temps, la préfecture de Gironde et de Nouvelle-Aquitaine a dressé un bilan de l’appel à précandidature concernant l’arrachage sanitaire de la vigne, qui s’est clôturé le 17 juillet. Résultat : 1 085 dossiers ont été déposés, représentant 9 251 hectares, soit 20 % des viticulteurs girondins. 300 d’entre eux souhaitent arrêter totalement leur activité agricole et viticole. La date de clôture des demandes d’arrachage est fixée à mi-septembre pour des premières actions à l’automne.

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