Réindustrialisation : l’État vise la relocalisation de 450 médicaments en France
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Réindustrialisation : l’État vise la relocalisation de 450 médicaments en France

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Nouvelle piqûre de relocalisation pour l’industrie pharmaceutique. Trois ans après s’être lancé dans ce vaste chantier, le président de la République Emmanuel Macron a présenté, le 13 juin, sa stratégie pour "accélérer" encore la production de médicaments en France. Au cœur de cette feuille de route : une liste de 450 molécules à rapatrier en priorité et une enveloppe de 50 millions d’euros pour y parvenir.

La France va se doter d’une liste de 450 médicaments, pour lesquels elle veut "absolument sécuriser nos chaînes [de production], soit en relocalisant totalement, soit en [les] diversifiant et en continuant d’innover", a annoncé le président de la République Emmanuel Macron, le 13 juin — Photo : Viatris

Emmanuel Macron remet le couvert sur la réindustrialisation. Trois ans, quasiment jour pour jour, après avoir lancé la bataille des relocalisations, le président de la République est revenu à la charge, le 13 juin, sur cet enjeu de "souveraineté". En déplacement en Ardèche, il a ainsi affiché sa volonté d'"accélérer" encore et toujours, pour passer d’une "phase défensive" à une période où l'"on doit systématiser les choses". Et, comme en juin 2020, c’est par l’industrie pharmaceutique que le chef de l’État a décidé de commencer ce nouveau chapitre. Et pour cause : la santé est l’un des secteurs, "dans lequel la perte de souveraineté est la plus intolérable". La plus criante aussi : 60 à 80 % des principes actifs, utilisés dans les médicaments, sont encore fabriqués en Asie, a-t-il lui-même rappelé.

Une stratégie de relocalisation des médicaments à double détente

Dont acte. Après les appels à projets tous azimuts de ces dernières années, dans la foulée des plans de relance et d’investissement, la France a décidé de se doter d’une stratégie de relocalisation de la production de médicaments plus claire, précise et stabilisée. Elle se fonde sur une liste à deux niveaux. Le premier répertorie 450 produits "essentiels", sur lesquels "on n’a pas le droit d’avoir de faiblesse", a expliqué Emmanuel Macron. Autrement dit, "dans les mois et les années qui viennent, on doit absolument sécuriser, sur ces 450 médicaments, nos chaînes [de production], soit en relocalisant totalement, soit en [les] diversifiant et en continuant d’innover".

Au sein de cette première sélection (qui sera "évolutive"), l’État distingue un second cercle de 50 molécules ultra-prioritaires. Pour elles, il faut "absolument continuer à relocaliser la matière première ou le produit fini, parfois les deux", car "notre dépendance aux importations extraeuropéennes y est avérée".

« Nous souhaitons payer le juste prix de certains médicaments, lorsque c’est la condition indispensable pour garantir une production française. »

Une ambition que le président de la République entend réaliser très vite : il assure que la moitié des 50 médicaments de cette liste restreinte verra, "dans les semaines à venir", sa "production relocaliser ou augmenter significativement sur le territoire national". Correction, quelques minutes après : à cette échéance très rapprochée, il est en fait plutôt prévu "de finaliser les plans, les annonces, les investissements, pour totalement relocaliser" ces 25 produits.

En attendant, dans le cadre de France 2030, l’Élysée annonce un premier effort de plus de 160 millions d’euros pour 8 entreprises : Aguettant (chez qui le chef de l’État a fait ces annonces), Benta, EuroAPI et Skyepharma (pour leurs usines d’Auvergne-Rhône-Alpes) ; Ethypharm (en Normandie) ; GSK (en Mayenne) ; Interor (dans le Pas-de-Calais) ; et Seqens (Île-de-France). Toutes sont impliquées dans la fabrication de plusieurs des substances stratégiques identifiées (anticancéreux, produits d’anesthésie, curare, amoxicilline…).

Un "guichet" dédié à la pharmaceutique pour financer leurs projets

En appui à cette feuille de route, l’exécutif prévoit, en outre, la création d’un "guichet dédié" aux entreprises pharmaceutiques prêtes à produire en France. Doté de 50 millions d’euros à son démarrage, il servira à "soutenir les projets d’extension de capacités ou de relocalisation", avec la promesse d'"aller beaucoup plus vite et de manière beaucoup plus simple". Mais son périmètre sera aussi élargi à l’investissement dans "la mise au point de procédés de production innovants et décarbonés, pour tous ces médicaments, ce qui permet aussi de renforcer notre compétitivité". En contrepartie, les bénéficiaires devront toutefois prendre des engagements "sur une sécurisation de l’approvisionnement du marché français", précise le ministère de la Santé.

Enfin, Emmanuel Macron n’a pas oublié de tendre la main aux industriels, inquiets de la rentabilité du made in France. "Nous souhaitons aussi payer le juste prix de certains médicaments, lorsque c’est la condition indispensable pour garantir une production nationale", a-t-il lancé, avant d’enfoncer le clou : "Les médicaments ne sont pas la variable d’ajustement de nos budgets de santé." De quoi rassurer la filière, qui réclame de longue date une revalorisation des prix pour assurer la viabilité de leur activité dans l’Hexagone. Plus globalement, les entreprises du secteur peuvent avoir le sourire : les annonces présidentielles du jour s’inspirent assez largement des propositions du Leem, leur organisation professionnelle, présentées il y a un mois contre les pénuries.

Mais Emmanuel Macron lui-même le reconnaît : la relocalisation reste un remède "structurel" à ce problème désormais chronique. Et la France n’est pas à l’abri de nouvelles pénuries à court terme. À ce titre, l’État va demander aux acteurs de la filière de "mieux partager les données sur l’ensemble de la chaîne logistique, pour optimiser la production et la distribution du médicament".

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