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Comment réindustrialiser la France
France # Industrie # Aménagement du territoire

Comment réindustrialiser la France

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Les plans France Relance, France 2030 et la loi Industrie verte qui vient d’être adoptée ont pour objectif commun d’accélérer la réindustrialisation de la France. Le mouvement doit s’accélérer si l’on veut rattraper notre retard vis-à-vis de nos voisins européens.

L’industrie du recyclage du plastique est l’un des quatre secteurs industriels qui pourrait bénéficier d’investissements de l’État, avec ceux des produits informatiques et électroniques, des équipements électriques, du recyclage des matériaux non ferreux et des industries pharmaceutiques — Photo : © Martin Flaux 2015 - Martin Flaux

Le Parlement a adopté en octobre 2023 le projet de loi Industrie verte qui vise à accélérer la réindustrialisation de la France avec une exigence nouvelle de décarbonation. Pour faciliter les implantations d’usines en France, les délais de délivrance des autorisations doivent ainsi être divisés par deux (pour passer de 17 à 9 mois), des procédures d’exception permettant d’aller encore plus vite sur des projets dits « d’intérêt national majeur ». La reprise de friches industrielles devrait également être simplifiée, la Banque des Territoires investissant un milliard d’euros d’ici à 2027 pour déployer 50 nouveaux sites « clefs en main » pré-aménagés et dépollués. Enfin, la loi Industrie verte pose les grands principes d’une décarbonation urgente de l’industrie en encourageant le déploiement des technologies vertes nécessaires (éolien, photovoltaïque, pompes à chaleur, biogaz, batteries électriques, hydrogène décarboné).

La relocalisation s’essouffle

Trois ans après le plan de soutien France Relance, cette loi Industrie verte apparaît donc comme une nouvelle étape de la renaissance industrielle souhaitée pour l’Hexagone, alors même que le mouvement de relocalisation semble s’essouffler. Si en 2021, 91 sociétés avaient rapatrié leur production industrielle sur le territoire, elles n’étaient plus que 51 à l’avoir fait en 2022, principalement dans d’anciennes régions industrielles comme les Hauts-de-France, l’Auvergne-Rhône-Alpes et beaucoup moins dans le Grand Est et l’Île-de-France.

« Sur la première moitié de l’année, nous avons perdu plus d’emplois du fait des délocalisations que gagné des emplois grâce aux relocalisations », met en garde David Cousquer, gérant de Trendeo (une base de données sur l’investissement industriel). Car même si la tendance du rebond de l’industrie se confirme, portée par les plans de soutien, la transition énergétique et la crainte d’une fragilité des chaînes d’approvisionnement (médicament, semi-conducteurs…), les délocalisations entraînent toujours, en moyenne, plus de pertes d’emplois (70 emplois perdus pour chaque délocalisation depuis 2009) que les relocalisations ne créent d’emplois (35 emplois gagnés par relocalisation depuis 2009).

Des projets emblématiques et vertueux

Si l’on veut que la France rejoigne la moyenne européenne pour la part de l’industrie manufacturière dans l’économie - seulement 10 % du PIB en France contre le double en Italie ou en Espagne - il va falloir accélérer, estime le cabinet PricewaterhouseCoopers (PWC) qui note toutefois que le plan France 2030 permettra en partie de combler ce retard pour atteindre un niveau d’industrialisation manufacturière de 12 % en 2030 avec 68,1 milliards d’euros de valeur ajoutée, 431 500 emplois directs et indirects et 97,8 milliards d’euros d’investissement productif supplémentaire.

Quatre secteurs industriels bénéficieraient particulièrement de ces investissements : les produits informatiques et électroniques, les équipements électriques, tirés par l’électrification de la mobilité, le recyclage des matériaux non ferreux (y compris des matériaux de construction) et du plastique et enfin les industries pharmaceutiques.

Au total, 68,6 milliards d’euros d’investissements privés complémentaires aux investissements publics seraient nécessaires pour mener à bien ces développements.

"Nous avons besoin de projets industriels emblématiques et vertueux d’un point de vue environnemental et sociétal"

Encore faudrait-il un véritable changement de mentalité pour attirer les entreprises en France, estime Virginie Saks, cofondatrice de Compagnum, société de conseil pour dirigeants d’entreprises industrielles. « Nous avons besoin de projets industriels emblématiques et vertueux d’un point de vue environnemental et sociétal pour créer une dynamique positive, affirme-t-elle. La nouvelle industrie, ce sont aussi des projets innovants de PME qui diversifient leur offre, leur marché, et qui restent malheureusement aujourd’hui moins soutenues par les différents appels à projets et aides publiques que des start-up industrielles ou des gigafactories ».

Des académies industrielles pour former les salariés

La formation professionnelle et la gestion des compétences sont par ailleurs l’une des clés de réussite de cette reconquête industrielle, pour favoriser les investissements étrangers et les relocalisations, affirme Sébastien Martin, président d’Intercommunalités de France et président de la communauté d’agglomération du Grand Chalon (Saône-et-Loire). « On ne va pas inverser la tendance du jour au lendemain. Nous avons divisé par deux l’emploi industriel du pays, ce qui veut dire que les outils de formation, d’enseignement supérieur ont été affaiblis. Le pilotage d’une machine à commande numérique nécessite aujourd’hui des compétences qui peuvent aller jusqu’à bac +3. C’est pourquoi il faut remettre en route le développement d’outils et de lieux de formation d’enseignement supérieur dans les territoires, créer des académies industrielles ». Désormais, les questions des compétences disponibles au niveau local, de leur financement et de l’accompagnement des jeunes sont devenues essentielles.

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