La pharmaceutique, premier champ de bataille de la relocalisation industrielle
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La pharmaceutique, premier champ de bataille de la relocalisation industrielle

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Après avoir dessiné le chemin d’une « reconstruction économique » par la souveraineté, Emmanuel Macron a voulu appliquer sans attendre cette nouvelle doctrine à l’industrie pharmaceutique. Il en ressort, quatre jours plus tard, un premier plan d’action gouvernemental pour renforcer les capacités de production françaises et financer la recherche et développement.

L'industrie pharmaceutique est le premier secteur que le gouvernement entend aider à se relocaliser en France, alors que la dépendance aux principes actifs venus de l'étranger avait défrayé la chronique pendant la crise sanitaire du Covid-19 — Photo : CC0 Creative Commons

Emmanuel Macron n’accélère pas que le déconfinement depuis son allocution du 14 juin. Non content d’anticiper une nouvelle phase de levée des restrictions, le président de la République semble tout aussi pressé d’ouvrir le chapitre « souveraineté » de son plan de « reconstruction économique ». Et pour défendre cette nouvelle stratégie de reconquête, rien de mieux que de s’attaquer à un secteur clé : la santé, et plus précisément l’industrie pharmaceutique.

Dès le 16 juin, le chef de l’État s’est ainsi rendu dans l’usine Sanofi de Marcy l'Étoile (Rhône). L’occasion, pour le groupe, d’annoncer un plan d’investissement massif en France. Deux jours plus tard, c’était au tour du gouvernement de dégainer un « plan d’action pour la relocalisation des industries de santé en France ». Un document qui contient plus d’intentions et de confirmations, que d’engagements nouveaux.

Des intentions pour la relocalisation industrielle

Au fondement de cette démarche, une leçon, tirée des derniers mois : « La crise sanitaire a souligné la nécessité de gagner en indépendance industrielle et sanitaire, tant pour l’approvisionnement en médicaments qu’en dispositifs médicaux », souligne les ministères de la Santé et de l’Économie, dans une allusion à peine voilée à la polémique sur les masques. Mais le plan du jour s’intéresse uniquement à la pharmaceutique, avec, comme premier, axe l'« [augmentation des] capacités de production françaises et [la sécurisation de] l’accès aux produits de santé ».

• Appel à manifestation d’intérêt

Avant d’en arriver là, le gouvernement propose une première initiative, ciblée et furtive : un appel à manifestation d’intérêt de 120 millions d’euros, pour « identifier les projets d’investissements qui permettront de faire croître très rapidement la production de médicaments », en lien avec l’épidémie actuelle de coronavirus.

Ouvert jusqu’au 30 octobre, il vise les « créations de nouvelles unités de production ; investissements sur des unités de production existantes pour augmenter et moderniser leurs capacités de production ou les rendre plus productives et plus flexibles ; développement et mise en œuvre à l’échelle industrielle de procédés technologiques innovants ».

• Relocalisation du paracétamol, pour commencer

À moyen terme, le gouvernement lance un deuxième chantier : « La relocalisation de la production de principes actifs de paracétamol sur le territoire national ». Il se donne trois ans pour parvenir à « reproduire, conditionner et distribuer » l’antidouleur en France. Trois entreprises sont déjà mobilisées sur le projet (le lyonnais Seqens, Upsa et Sanofi). L’enjeu est autant industriel que symbolique : la France n’en fabrique plus depuis une dizaine d’années et les craintes de pénurie avaient ressurgi en mars, au moment où l’épidémie de Covid-19 paralysait la Chine, principal pays producteur.

Au-delà du paracétamol, le gouvernement avance avec prudence. Il demande au Comité stratégique de filière des Industries et technologies de santé de lui préparer, à son tour, « un plan d’actions » sur la base d’un rapport remis en novembre 2019. Mais il n’est question que de « [recenser] les projets industriels pouvant faire l’objet de relocalisations ». Critères à prendre en compte, « leur faisabilité socio-économique, des externalités environnementales et sociales, ainsi que des critères d’éligibilité aux mesures de soutien nationales et européennes ».

Des confirmations pour l’investissement en R & D

Second axe développé par le gouvernement : l’investissement dans la recherche, à l’échelle nationale et européenne. En la matière, les annonces du jour se contentent toutefois d’afficher le soutien apporté à plusieurs entreprises, à travers deux appels à projets passés en mars.

L’un est national et se concentre sur les traitements contre le Covid-19. Six lauréats doivent ainsi se partager 78 millions d’euros : Innate Pharma et Genoscience Pharma (Marseille), Inotrem (Nancy), Abivax (Paris), Osivax (Paris et Lyon) et Xenothera (Nantes), qui a multiplié les levées de fonds ces derniers mois.

Ces deux derniers font également partie des projets soutenus par un second programme, européen cette fois et lié à des thématiques plus larges que le seul coronavirus. Six autres entreprises françaises seront aidées à ce titre, pour un montant global de 57,4 millions d’euros : Cypheme, PKVitality et Carthera (Paris), Archeon (Besançon), Exeliom Biosciences (Dijon), Cristalens Industrie (Côtes-d’Armor).

Une ambition pour faire oublier les errements passés

Sans compter ces financements de l’Europe, ce sont donc près de 200 millions d’euros que le gouvernement affirme mettre sur la table « pour développer les industries de santé, et soutenir la localisation des activités de R & D et de production en France ». L’enveloppe « sera amplifiée en 2021 pour financer de nouveaux projets », promettent déjà les ministères de la Santé et de l’Économie.

« Il nous faut créer de nouveaux emplois en investissant dans notre indépendance technologique, numérique, industrielle et agricole. Par la recherche, la consolidation des filières, l’attractivité et les relocalisations lorsque cela se justifie », avait lancé Emmanuel Macron à la télévision le 14 juin. Si les moyens mis en œuvre apparaissent pour le moment modestes et symboliques, l’action engagée semble néanmoins traduire mot à mot ces paroles présidentielles. Manière d’ériger la santé en étendard de son monde d’après, là où l’épidémie en avait fait l’emblème des errements de celui d’avant.

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