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Lubrizol : La commission d'enquête du Sénat pointe les manquements du gouvernement
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Lubrizol : La commission d'enquête du Sénat pointe les manquements du gouvernement

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Le rapport de la commission d’enquête du Sénat, sur l’incendie du site Lubrizol de Rouen, épingle les « manquements » de l’État et la nécessité de créer une culture du risque industriel en France.

La commission d'enquête du Sénat sur l'incendie du site chimique Lubrizol épingle les erreurs de la communication gouvernementale, notamment celle du Premier ministre Édouard Philippe — Photo : © Sébastien Colle/JDE

Le rapport de la commission d’enquête du Sénat sur l’incendie du site Lubrizol de Rouen, survenu le 26 septembre 2019, pointe « des angles morts inacceptables » dans la politique de prévention des risques industriels en France. Près de 10 000 tonnes de produits chimiques ont brûlé sur ce site du groupe américain Lubrizol, spécialisé dans la production d’additifs pour lubrifiants, et sur le site de Normandie Logistique. La question de l’origine exacte du départ de feu n'a toujours pas été élucidée.

Pour la commission, présidée par le sénateur centriste Hervé Maurey (Eure), la création d’une culture du risque industriel, « qui n’existe pas dans notre pays », est indispensable. « Une culture du risque s’apprend. Nous proposons des exercices grandeur nature associés à la population et la mise en place d’outils pédagogiques », martèle l'élu.

Cacophonie gouvernementale

Le président pointe « la cacophonie des interventions ministérielles, avec une volonté de montrer qu’on est là et de rassurer à tout prix, sans avoir tous les éléments, et des ministres qui se contredisent. Et cela a inquiété la population. Les responsables ont voulu rassurer, alors qu’il fallait informer, quitte à dire qu’on n’a pas tous les éléments. Il y a beaucoup de progrès à faire en matière de communication ». Les rapporteurs soulignent également la défaillance de Santé publique France « qui avoue avoir perdu des échantillons prélevés suite à l’incendie ». De plus, le laboratoire missionné par Lubrizol : « a également égaré ses prélèvements dans les Hauts de France ».

La commission souhaite rendre accessibles en temps réel les informations sur les substances présentes dans les sites industriels à risques, et appelle à une meilleure coordination entre l’Agence régionale de santé et le Préfet. Sur les impacts sanitaires à attendre de cette catastrophe, les rapporteurs soulignent « le manque de volonté politique manifeste. Au total, un an après l’incendie, l’enquête de santé va à peine commencer. Des incertitudes demeurent sur le moyen et le long terme après la catastrophe, en matière de suivi épidémiologique de la population ».

La commission a également relevé des objectifs « peu réalistes » annoncés par la ministre de la Transition écologique et solidaire Élisabeth Borne en matière de contrôles des sites industriels. « Les effets d’annonce de madame Borne ne sont pas crédibles. Annoncer une hausse de 50 % des contrôles de 50 % d’ici 2022, a effectif constant, n’est pas réaliste. Il faut se donner les moyens d’une politique de prévention sérieuse, et il faut que les contrôles soient suivis d’effet ». Ainsi, le rapport souligne que Lubrizol avait reçu des préconisations pour son site rouennais 18 mois avant l’incendie « et qu’il n’en a pas été tenu compte. L’assureur de l’entreprise à lui-même mis en exergue ces défaillances de l’entreprise. C’est pourquoi nous voulons des sanctions plus fortes, lorsque des inspections ne sont pas suivies d’effet ».

Circulation de matières dangereuses

Si la commission reconnaît les efforts fournis par Lubrizol pour remettre en état son site industriel « même pendant le confinement », elle note que les relations entre l’entreprise et son environnement « montrent encore une grande inquiétude ». La filiale française du chimiste américain a fait une demande de réouverture de ses activités complémentaires à celles déjà autorisées. Elle a annoncé que l’unité à l’origine de l’incident de mercaptan de 2013 resterait à l’arrêt et que le stockage serait réduit au minimum sur le site rouennais. « Ce qui interroge sur la circulation des matières dangereuses », s’inquiètent les rapporteurs.

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