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Les Zelles :  "Nous réalisons aujourd'hui des chantiers sur lesquels on ne gagne rien"
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Les Zelles :  "Nous réalisons aujourd'hui des chantiers sur lesquels on ne gagne rien"

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Les Zelles, le fabricant français de fenêtres en PVC et aluminium basé à La Bresse, dans les Vosges, vise les 120 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2022, un niveau encore jamais atteint par l’entreprise. Mais le défi reste de conserver des marges positives.

L’exercice 2022 pourrait se révéler paradoxal pour Les Zelles, le fabricant français de fenêtres en PVC et aluminium. "Si l’envolée des prix des matières premières se poursuit, il est possible que nous atteignons un chiffre d’affaires historique pour l’entreprise, tout en perdant de l’argent", révèle Laurent Demasles, le PDG du menuisier industriel basé à La Bresse. Pourtant, en 2021, en produisant plus de 170 000 fenêtres en PVC, près de 10 000 fenêtres en aluminium et plus de 100 000 volets roulants, l’ETI vosgienne a atteint 109 millions d’euros de chiffre d’affaires, soit une progression de 27 % par rapport à 2020, et a redistribué un million d’euros à ses 500 salariés, grâce au mécanisme d’intéressement mis en place en 2020.

Des résultats qui s’expliquent par la croissance d’un segment de marché, celui des particuliers, qui "a atteint des volumes historiques en 2021", souligne Laurent Demasles. Pendant la crise du Covid, les consommateurs ont investi dans leur cadre de vie, tendance qui booste aujourd’hui le marché de l’équipement de la maison. "Sur les 120 millions d’euros que nous allons réaliser en 2022, nous ferons seulement 20 millions d’euros sur le diffus, le marché des particuliers", précise Laurent Demasles.

Des marges qui fondent face aux prix des matières premières

"Le marché dans son ensemble, c’est plutôt un tiers pour les chantiers et deux tiers dans le diffus. C’est pourquoi nous allons saisir toutes les opportunités de croissance externe pour rééquilibrer l’activité de l’entreprise vers le marché diffus", affirme le dirigeant, qui y voit un autre intérêt : "L’avantage du diffus, c’est que les carnets de commandes sont très courts. Quand vous faites un devis, la semaine suivante vous avez la commande et cinq semaines après, vous avez livré et vous êtes payé". Ces délais peuvent atteindre jusqu’à 3 ans quand il s'agit des marchés des chantiers du neuf et de la rénovation, portés essentiellement par les bailleurs sociaux.

Et pour Laurent Demasles, le temps qui passe fait fondre les marges, exposées à l’augmentation des prix des matières premières. "Aujourd’hui, je réalise encore des chantiers qui ont été chiffrés avant la hausse des prix. Des chantiers sur lesquels je ne gagne rien", souligne le dirigeant des Zelles. Entre mai 2021 et la fin 2021, le prix du PVC s’est envolé de 80 %. En se basant sur un prix normal, sur 100 millions d’euros de chiffre d’affaires, le PVC aurait dû coûter environ 15 millions d’euros à l’entreprise : au final, Les Zelles ont dû sortir 6 millions d’euros de plus pour s’acheter des profilés en PVC fourni par le groupe allemand Rehau. "Et quand on rajoute l’acier qui a doublé, le coût du vitrage qui a explosé… Nous n'avons fait que subir pendant toute l’année 2021", déplore Laurent Demasles.

"Depuis mi-2021 et sur les prévisions de 2022, ces hausses nous aurons déjà coûté 8 millions d’euros. Sur un an et demi de chiffre d’affaires, ça fait 5 % de marges en moins", sachant que la marge moyenne des entreprises de la menuiserie est de 3 %. "Il faut le dire clairement : il y a un paquet d’entreprises du secteur qui vont disparaître."

Au quotidien, le dirigeant se retrouve donc face à un dilemme qu’il qualifie de "schizophrénique" : "Aujourd’hui, je vends peut-être mal parce que les prix vont continuer à monter. Mais si je vends plus cher, je n’ai plus de commandes et je suis mort…" Confiant dans la performance opérationnelle de son entreprise, Laurent Demasles refuse d’imaginer faire une année blanche : "Notre structure de coût est très industrielle et nous avons réalisé de gros investissements qui nous permettent de sortir un peu plus de marge que la moyenne de la profession".

Refuser des commandes faute de main-d’œuvre

Autre difficulté : le manque de main-d’œuvre. "J’ai 50 postes ouverts", lance le dirigeant des Zelles. Avec un carnet de commandes de 110 millions d’euros, soit un an de chantier, Laurent Demasles est contraint de "refuser des commandes", faute d’être "capable de les réaliser". Pour faire face à la pénurie de matériaux, les équipes des Zelles ont mené une quarantaine de campagnes d’essai pour valider des produits alternatifs et éviter de bloquer les lignes de production. "Nous avons été à cours de vis", se désole le chef d’entreprise. Pour autant, pas question de substituer un composant pour un autre : "Qualifier une fenêtre, c’est 350 tests, et il n’est pas question de remettre en cause la certification", insiste Laurent Demasles.

En février, Les Zelles viennent de boucler une augmentation de capital de 400 000 €, visant à intégrer les nouveaux salariés au capital de l’entreprise. L’ETI vosgienne a en effet utilisé le fonds commun de placement d’entreprise (FCPE) de reprise, mis en place par la loi Pacte de 2019, pour réorganiser son capital en 2020 : aujourd’hui, tous les salariés des Zelles sont l’actionnaire majoritaire de leur entreprise, à hauteur de 36 %. "Nous allons refaire une augmentation de capital en 2023", souligne Laurent Demasles, qui prévoit aussi d’investir environ 2,5 millions d’euros pour maintenir l’outil industriel de ses trois sites de production, à La Bresse, Cornimont et dans le Sud-Ouest, au meilleur niveau. "Nous allons également nous renforcer en matière de cybersécurité", dévoile le dirigeant, qui a vu certains de ses fournisseurs et concurrents contraints de cesser de produire après des cyberattaques.

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