Investir pour passer de la grande série à la personnalisation, n’est-ce pas à contre-courant ?
Au contraire, c’est complètement dans l’air du temps. Il existe deux stratégies : produire beaucoup pour un prix de revient moindre et vendre premier prix, ou bien se différencier. Aujourd’hui, les consommateurs sont prêts à payer davantage, surtout pour de la fabrication française comme la nôtre, à condition d’être différent, que le produit leur ressemble. Il nous faut donc un nouvel outil capable de réaliser des petites séries (moins de 20 pièces), doté d’une technologie avec des temps de réglage très réduits pour garantir le même prix de revient que pour les grandes séries (de 200 à 500 pièces), que nous conserverons, sachant qu'il est difficile d’estimer la répartition de la production. Nous investissons 10 millions d’euros dans la petite série, dont 3 millions pour la construction d’un bâtiment dédié - 3 500 m2 en plus des 30 000 m2 actuels sur notre site de La Chapelle-Saint-Laurent -, et 7 millions d’euros pour le matériel.
Votre chiffre d’affaires (30 millions d’euros en 2022) est en hausse de 4 % mais vous parlez de "survie" de l'entreprise, pourquoi ?
La personnalisation est une question de survie. Aujourd’hui nous allons bien, 2023 sera sûrement notre année record. Mais comment serons-nous dans 5 ans, dans 10 ans ? C’est maintenant qu’il faut investir, pour amortir et conserver une avance sur la concurrence. Or, la personnalisation est un courant important et, ce, dans tous les secteurs. Les navires de croisière des Chantiers de l’Atlantique, pour lesquels nous réalisons les aménagements de cabines depuis 2014 (pour 15 % du chiffre d’affaires), étaient auparavant dotés de 3 000 cabines. Aujourd’hui, un bateau n’en compte parfois que 300. Nous devons être en mesure de répondre à des marchés de plus petits volumes. La personnalisation n’est que la première étape. Il nous faudra ensuite automatiser le montage, d’ici trois à cinq ans. Nous menons aussi une vaste réflexion autour de notre système d’information. Tout cela est nécessaire si nous voulons être encore là dans 10 ou 20 ans.
Que pensent vos salariés de ce virage ?
Certains rechignent un peu à changer plus souvent de produit. Mais très globalement ils sont plutôt satisfaits de constater que l’entreprise investit. Ils ont confiance, c’est leur avenir qui est en jeu.
Prévoyez-vous des embauches ?
Pour croître en chiffre d’affaires, c’est nécessaire. Nous estimons entre 13 et 15 recrutements, qui s’ajouteront aux 200 salariés actuels.
Qu’en est-il de l’export ?
Nous ne sommes pas bons. Le Covid a cassé l’élan d’un grand projet. Nous nous relançons mais l’export n’engendrera jamais un gros chiffre d’affaires.
Vous êtes aux commandes de l’entreprise depuis 33 ans, héritée de vos parents qui avaient ouvert une petite menuiserie en 1952. À son tour, votre fils a intégré les rangs. Vous lui préparez le terrain ?
Les Meubles Celio ont fêté leurs 70 ans en 2022, moi ce sera cette année. Mon fils Thomas est entré dans l’entreprise il y a cinq ans, il a 31 ans et les investissements se font avec lui. C’est une phase de transition, de transmission qui m’est sincèrement agréable, je la vis très bien. Nous sommes sur la même longueur d’onde.
